RDR — La réduction des risques sur le plan international

En Europe comme ailleurs, il existe de fortes disparités quant à la disponibilité ­du matériel et des mesures favorisant la réduction des risques de transmission du VIH par usage de drogue intraveineuse.

Cet article a été publié dans le n°63 de la revue Swaps.

Pour l’Organisation mondiale de la santé, le dispositif de réduction des risques infectieux en prison repose essentiellement sur un triptyque traitement de substitution aux opiacés (TSO) – préservatifs – programmes d’échanges de seringues (PES).Ce sont ces interventions qui, d’un point de vue scientifique, ont fait le plus clairement la démonstration de leur efficacité dans la prévention du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. 1« Effectiveness of interventions to address HIV in prisons », Evidence for action technical papers, WHO-UNODC-UNAIDS, 2007.

La mise à disposition d’eau de Javel est également préconisée par l’OMS mais seulement comme mesure de seconde ligne lorsque les PES ne sont pas disponibles et à la condition d’informer les détenus de son efficacité seulement partielle sur le VIH et de sa probable inefficacité sur le VHC.

Le dépistage et les mesures d’information – éducation – communication sur les risques infectieux sont également nécessaires mais considérés par l’OMS comme peu utiles si la mise à disposition de mesures essentielles comme les préservatifs et les PES ne sont pas accessibles. Enfin, les traitements post-exposition font également partie de la palette des outils de prévention, qu’il s’agisse de pratiques à risques sexuelles ou liées à l’usage de drogues. De manière générale, l’OMS préconise une équivalence de dispositif et de mesures, pour les soins mais aussi la prévention, entre la prison et le milieu ouvert2« WHO Guidelines on HIV infection and AIDS in prisons », WHO, 1993.

En pratique, des PES sont disponibles dans 12 pays3Allemagne, Arménie, Biélorussie, Ecosse, Espagne, Iran, Kirghizistan, Luxembourg, Moldavie, Portugal, Suisse et Ukraine. (une cinquantaine d’établissements en tout), faisant l’objet d’évaluations positives, notamment rassurantes sur l’absence de détournement des seringues comme « arme », l’acceptabilité par les différentes catégories de professionnels ou l’absence de « propagation » de pratiques d’injection en détention. Seule l’Allemagne est revenue en arrière dans plusieurs Länder, mettant fin à l’expérimentation d’une majorité de ces dispositifs pour des raisons strictement « politiques ». L’Espagne est l’unique pays européen à avoir étendu l’accès aux PES à l’ensemble de ses établissements pénitentiaires. La Suisse, qui la première a mis en place des PES en prison, dispose également de quelques programmes d’héroïne médicalisée en prison.

De fortes disparités en matière de TSO

L’accès aux TSO est beaucoup plus large mais ne couvre pas l’ensemble des États et parmi ceux en permettant l’accès, l’ensemble des établissements. En janvier 2008, une revue recensait 37 États mettant à la disposition des usagers de drogues des TSO en milieu ouvert mais pas en prison. Différents pays européens ne mettent pas de TSO à disposition des détenus (Grèce, Chypre, Suède, Slovaquie, Lituanie, Lettonie).

De fortes disparités existent dans les pratiques de renouvellement ou d’initiation de ces traitements, le nombre de « places » méthadone ou buprénorphine est parfois limité, et les TSO sont parfois réservés à un accompagnement du sevrage en opiacés4Stover H and Michels II, « Drug use and opioid substitution treatment for prisoners », Harm reduction journal, 2010, 7, 17. Les proportions de détenus substitués atteignent 20 % au Luxembourg et au Royaume-Uni, environ 10 % en France. Dans 6 É­­­tats membres de l’Union européenne, la proportion de détenus substitués dépasse 10 %, et dans 8 autres elle se situe entre 3 et 10 %.

Dans un tiers des pays de l’Union européenne, les préservatifs ne sont pas disponibles et différentes enquêtes montrent que globalement, quand les préservatifs sont disponibles, ils ne sont pas pour autant accessibles1. Différents facteurs concourent à cet état de fait : hostilité de principe des personnels à « valider » l’existence de relations homosexuelles, crainte de favoriser une sexualité consensuelle ou imposée au sein de la détention, questions de sécurité (transport de drogue…), manque de confidentialité et de diversité de leur accès, etc.

L’eau de Javel est accessible dans un nombre croissant de systèmes pénitentiaires, le plus souvent comme palliatif aux PES quand ils sont absents. Son efficacité pour la stérilisation du matériel d’injection vis-à-vis du risque d’infection par le VIH est limitée dans le contexte pénitentiaire, les manœuvres et la durée de contact avec la seringue étant peu compatibles avec la clandestinité associée à des pratiques interdites et sanctionnées.

Par ailleurs, il est fort probable que la Javel ne permette pas de réduire suffisamment le risque vis-à-vis du VHC. L’OMS recommande aux praticiens intervenant en prison, en particulier dans les États disposant de PES en milieu libre, de plaider activement pour leur mise en place en prison.

L’application des mesures considérées comme élémentaires dans la prévention des risques infectieux en prison est donc très hétérogène d’un État à l’autre et au sein d’un même État. Une organisation fédérale peut particulièrement compliquer les choses mais laisser aussi plus de place à des initiatives locales que lorsqu’un pouvoir centralisé au plan politique préside à l’ensemble de la politique de santé publique en prison.