Gonorrhée : la HAS actualise ses recommandations face à la menace grandissante de l’antibiorésistance

Avec l’augmentation des cas et la progression de l’antibiorésistance, la Haute Autorité de Santé (HAS) publie en avril 2025 de nouvelles recommandations sur la prise en charge des infections à Neisseria gonorrhoeae. Une actualisation attendue, qui fait écho aux préoccupations grandissantes en santé sexuelle, notamment chez les populations les plus exposées.

La gonorrhée, ou blennorragie, est l’une des IST bactériennes les plus fréquentes. Transmise par voie sexuelle, souvent asymptomatique, elle touche en priorité les jeunes adultes et les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Outre les complications génitales (salpingite, infertilité, prostatite…), elle augmente le risque de transmission du VIH Une prise en charge rapide, adaptée et rigoureuse est donc essentielle.

Face à la circulation de souches résistantes, la HAS a actualisé ses recommandations de 2016 pour aligner les traitements sur les dernières données de sensibilité, renforcer la prévention, et affiner la gestion des cas contacts.

Principales nouveautés des recommandations 2025

Un traitement de première ligne clarifié

La principale nouveauté concerne la posologie de la ceftriaxone, qui devient le traitement de référence pour les infections gonococciques non compliquées. La posologie est de 1 g de ceftriaxone en dose unique, par voie intramusculaire (IM) ou intraveineuse (IV).

Cette monothérapie est recommandée sans attendre l’antibiogramme, surtout en cas de symptômes évocateurs.

Ce schéma remplace les anciennes posologies à 500 mg (cf Recommandations US), jugées insuffisantes dans le contexte de diminution progressive de la sensibilité de la bactérie. L’administration en dose unique facilite l’observance, réduit le risque de transmission et limite les risques d’évolution vers des souches résistantes.

En cas d’allergie confirmée à la ceftriaxone ou d’impossibilité d’administration IM, des alternatives sont prévues.

Alternatives en cas d’allergie à la ceftriaxone

Chez les patients présentant une allergie documentée à la ceftriaxone, la prise en charge des formes non compliquées repose sur la gentamicine 240 mg par voie IM en dose unique, avec contrôle clinique à 72 heures.

Il s’agit d’une option de recours, nécessitant une surveillance plus rapprochée (toxicité rénale et auditive), et non recommandée pour les infections compliquées sans avis spécialisé.

L’autre alternative est la ciprofloxacine 500 mg en dose unique per os si l’antibiogramme confirme la sensibilité du gonocoque à cet antibiotique.

L’azithromycine 2 g per os (1 g puis 1 g à 6 h d’intervalle) en troisième intention seulement, en raison de la nécessité d’épargner les macrolides.

Alternative en cas de réticence à l’injection IM ou de traitement anticoagulant

En cas de réticence à l’injection intramusculaire ou chez les patients présentant des troubles de la coagulation contre-indiquant ce mode d’administration, les alternatives sont la ciprofloxacine 500 mg per os DU ou céfixime 400 mg per os DU, sous réserve d’un antibiogramme avec une sensibilité conservée à ces antibiotiques.

La ceftriaxone 1 g IV est également possible ; en revanche, la voie sous-cutanée est contre-indiquée.

Cas particuliers : prise en charge spécifique selon la situation

➤ Retour d’Asie-Pacifique (zone à forte résistance) :

  • La HAS recommande un traitement probabiliste associant ceftriaxone 1 g IM + azithromycine 2 g PO (hors AMM).
  • En cas de concentration minimale inhibitrice (CMI) > 0,125 mg/L, un avis spécialisé est requis et la souche doit être envoyée au Centre National de Référence (CNR).

➤ Infections compliquées :

  • En cas de gonococcies invasives, articulaires ou méningées, le traitement recommandé est la ceftriaxone IV 1 g/jour (méningite : 2 g/jour) pendant 7 à 14 jours, voire 4 semaines pour une endocardite.
  • L’ophtalmie du nourrisson doit être traitée par céfotaxime 100 mg/kg/j (en remplacement de la ceftriaxone).

➤ Femme enceinte ou allaitante : mêmes indications

➤ Personnes vivant avec le VIH : pas d’ajustement posologique, aucune interaction rapportée avec les antirétroviraux.

Prise en charge  et notification  des partenaires sexuels

Tout diagnostic de gonorrhée implique une prise en charge active des partenaires sexuels, même asymptomatiques. La HAS recommande un traitement empirique identique à celui du cas index sans attendre les résultats des tests, afin d’éviter la réinfection croisée.

S’assurer de la régression des symptômes

Un contrôle clinique à J7 est recommandé pour s’assurer de la régression des symptômes pour les formes symptomatiques.

Un test de contrôle microbiologique (TAAN) est indiqué 3 semaines après le traitement chez les patients symptomatiques qui ont reçu une autre antibiothérapie que la ceftriaxone, ou en cas de suspicion d’échec.

En cas d’échec, un isolement de la souche et un antibiogramme sont indispensables.

Tableau récapitulatif des traitements recommandés

Situation cliniqueTraitement recommandé
Infection non compliquéeCeftriaxone 1 g DU IM ou IV
Orchi-épididymiteCeftriaxone 1 g/jour IM ou IV, durée adaptée
Infection anorectale ulcéro-abcédéeCeftriaxone 1 g/jour IV, durée adaptée
Allergie à la ceftriaxoneGentamicine 240 mg IM DU
Partenaires sexuels du cas indexTraitement empirique sans attendre les résultats

Vers une prise en charge globale et préventive

Au-delà du traitement antibiotique, la HAS rappelle l’importance d’une prise en charge globale :

  • Information sur la prévention (préservatifs, PrEP PEP, vaccination contre l’hépatite B) ;
  • Dépistage des IST associées (syphilis, chlamydia, VIH) ;
  • Accompagnement psychosocial, notamment en cas de violences sexuelles, de vulnérabilité ou de grossesse non désirée ;
  • Notification des partenaires, avec extension à 6 mois sauf en cas d’urétrite masculine symptomatique (délai réduit à 2 semaines).

En l’absence de suivi garanti, un traitement accéléré du partenaire (TAP) est encouragé.