Initiation de la PrEP par les médecins de ville : une augmentation des initiations, mais sans diversification des PrEPeurs

La dispensation en médecine de ville de la PrEP a eu un impact sur le nombre d’initiations. Démonstration avec une étude du Lancet, basée sur les données du système national des données de santé français.

Lancet Public Health publie les informations issues du système national des données de santé (SNDS), qui couvre l’ensemble des soins présentés au remboursement, sur l’impact de la décision d’autoriser l’initiation de PrEP en médecine de ville à partir du 1er juin 2021. L’étude porte sur la période allant jusqu’à fin décembre 20221.

Les assurés inclus dans l’étude n’avaient pas eu de PrEP antérieurement ; quelques personnes peuvent cependant avoir reçu le médicament gratuitement dans un CeGIDD et ne sont pas identifiables.

Sur cette période de 19 mois, ce sont 13 500 personnes qui ont commencé une PrEP avec un médecin de ville, une augmentation affectée des classiques variations saisonnières sur toute la période, mais avec une tendance croissante. Pendant le même temps, les initiations dans les consultations hospitalières et les CeGIDD n’avaient pas baissé. L’option, nouvelle, a donc eu une contribution positive nette sur l’usage de la PrEP.

Des profils similaires

Le profil de ces nouveaux – et toujours peu nombreuses nouvelles usagères de PrEP – ne se distingue pas de la distribution des caractéristiques des personnes ayant commencé cette prophylaxie à l’hôpital ou en CeGIDD : une majorité d’hommes (96%), avec un âge médian de 33 ans (IQR 27-44) et des urbains vivant dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants, avec toujours une sur-représentation de l’Île-de-France et surtout de Paris (24% des initiations en ville), une moindre proportion d’assurés via la complémentaire santé solidaire et de très rares affiliés via l’aide médicale d’État. Le biais urbain, social et genré demeure donc.

Le SNDS se fonde dans son système d’information sur les délivrances en officine. Parmi les nouveaux PrEPeurs de juin 2021 à juin 2022, 71% ont eu au moins une nouvelle délivrance de médicament, avec une moyenne de 3,3 délivrances mensuelles dans le semestre qui suit la première dispensation (écart-type 1,7). Les informations disponibles dans le SNDS ne permettent pas de suivre de façon suffisamment exhaustive les tests, dépistages et autres examens biologiques réalisés au cours du suivi.

Des médecins impliqués et formés

La décision d’impliquer les médecins de ville dans la primo-prescription de PrEP vise à faciliter la demande en agissant sur l’offre, en levant les barrières d’éloignement. Les informations disponibles permettent de caractériser les prescripteurs : parmi les 5125 médecins en pratique privée, 80,6% d’entre eux sont des généralistes, les autres se distribuant entre diverses spécialités parmi lesquelles se distinguent, pour à peine un peu plus de 1% seulement des dermatologues (qui sont également “vénérologues” – maladies de Vénus – même si la majorité d’entre eux a abandonné le champ des IST) psychiatres et gynécologues. La moyenne d’initiations réalisées par médecin sur 19 mois est de 2,1, mais beaucoup plus élevée pour les médecins (5%) qui exercent aussi à temps partiel à l’hôpital (5,9). Autre fait remarquable, pour 55% des consultants initiant la PrEP, le médecin prescripteur n’était pas leur médecin traitant en titre, alors même que les données disponibles montrent que dans 23,4% des cas, le médecin traitant non sollicité avait par ailleurs déjà fait des initiations de PrEP.

Il apparaît, à l’aune des résultats de Sophie Bamouni et al., que l’ouverture de l’initiation est une réussite en étendant l’offre de PrEP sur l’ensemble du territoire, à l’exception notable des départements d’Outre-mer. Cette ouverture a permis d’augmenter la taille de la population protégée par la PrEP : au premier semestre 2021, il y avait 30 385 PrEPeurs, ils étaient 48 182 au second semestre 2022. Il est aussi intéressant de savoir, avec le petit nombre d’initiations par praticien (2 sur 19 mois), que ce ne sont pas des « spécialistes de la PrEP » en ville qui se sont impliqués, mais plus de 5000 médecins répartis sur tout le territoire hexagonal. Il est tout à fait possible que les formations à distance à la PrEP, FormaPrEP porté par la SFLS, aient contribué à ce résultat.

La distribution des usagers de PrEP suggère qu’il reste des barrières de connaissance, ou de perception qui empêche toujours la demande de PrEP de s’exprimer. La gêne aussi sans doute puisque, dans la moitié des cas (55%), les usagers ont choisi un autre médecin que leur médecin traitant. Populariser la PrEP dans un public élargi et divers, reste donc une priorité.

  1. Bamouni S, Billioti de Gage S, Desplas D, Valbousquet J, Lamant J, Joseph JP, Dabis F, Viot A, Hessamfar M, Fakir S, Dray-Spira R, Carles M. Effect of extending PrEP initiation to primary care settings: a nationwide cohort study in France. Lancet Public Health. 2025 May;10(5):e362-e370. doi: 10.1016/S2468-2667(25)00062-3. Epub 2025 Apr 9. PMID: 40215984. ↩︎