C’est la rentrée et c’est le bon moment pour faire un point d’information: Le ministère de la Santé a organisé mardi 30 août une réunion sur l’épidémie de monkeypox sévissant depuis fin mai dans de nombreux pays. Des représentants de la Direction générale de la Santé (DGS), de l’Agence nationale de recherche sur le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. les hépatites et les maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE), de l’agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) et de Santé publique France ont pris la parole pour faire le point sur les dernières données au sujet de la variole du singe.
Une démonstration de mobilisation des institutions, et un ton qui veut montrer que le gouvernement et les agences de santé prennent le problème au sérieux, et que personne n’a laissé passer la période estivale sans agir.
Effectivement, durant l’été, de nombreuses critiques ont émergé face à ce qui était perçu comme un manque de réaction des pouvoirs publics face à une maladie se répandant quasiment exclusivement parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH).
Des associations LGBT+ et de lutte contre le sida avaient appelé le gouvernement à accélérer la vaccination contre la variole du singe afin que l’ensemble des personnes exposées soit protégé avant fin septembre, jugeant que, sur la trajectoire empruntée mi-août, l’objectif ne pouvait être atteint. Il faut reconnaître que mobiliser des personnels soignants supplémentaires, à partir de la semaine du 14 juillet, dans un contexte d’épuisement et de désarroi des soignants et de crise majeure du système de santé relève de l’exploit.
Toujours selon les associations, pour éviter que l’épidémie ne soit «hors de contrôle», il fallait «que toutes les personnes cibles soient vaccinées pour la fin de l’été», ce qui voulait dire vacciner «au moins 37.000 personnes par semaine». A la mi-août, au moment du communiqué interassociatif, seulement 15000 personnes par semaine étaient vaccinées contre la variole.
23000 cas dans le monde
Après l’été, où en sommes-nous de la flambée épidémique commencée en mai? Dans le monde, c’est plus de 23000 cas qui ont été recensés au 23 août, et dans 95% des cas, il s’agit d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Au premier septembre, la France comptait, elle, 3 646 cas confirmés, et là aussi, la très grande majorité des cas confirmés adultes recensés à ce jour sont des hommes, sauf 59 femmes (1,6%) dont on connaît malheureusement peu de choses à cause du faible effectif et de la qualité insuffisante de l’information documentée. Aucun décès n’est à regretter en France, mais deux personnes souffrant d’encéphalite sont décédées en Espagne, et une en Belgique.
La professeure Laëtitia Huiart, directrice scientifique de Santé publique France, a rappelé l’importance de la déclaration obligatoire (DO) face à cette épidémie pour obtenir des données épidémiologiques fiables.
Un virus connu, une épidémie particulière
Le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’ANRS, a rappelé que le contact direct en présence de lésions à l’occasion de rapport sexuels était le mode de transmission principal. Les symptômes rencontrés sont légèrement différents des symptômes rencontrés habituellement, rendant d’autant plus difficile le diagnostic: Contrairement aux cas de la zone épidémique, les enfants sont très peu touchés par cette flambée récente (seulement 9 cas), et la localisation des lésions, au niveau génital ou pharyngé, tout comme le fait qu’elle soient souvent uniques, semble aussi spécifique à cette flambée.
D’autre part, des cas asymptomatiques ont également été identifiés, sans qu’on sache s’ils peuvent transmettre le virus. Pour Yazdan Yazdanpanah, leur charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. étant élevée, c’est probable.
Baisse de l’incidence
Il y a pourtant des raisons d’espérer. Selon le Professeur Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, la mobilisation des institutions et des associations commence à porter ses fruits: «La prévention globale permet pour la première fois une baisse de l’incidence.» Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’incidence aurait baissé de 21% au niveau mondial, et les dernières modélisations scientifiques vont dans le sens d’une diminution du nombre de nouveaux cas.
Cette baisse est à mettre au crédit du recours à la vaccination, évidemment, mais pas seulement: le dépistage, l’autodiagnostic, l’isolement en cas de symptômes sont extrêmement importants et constituent, avec le vaccin, une prévention combinée. Ainsi, pour Catherine Smallwood, chargée du monkeypox au bureau européen de l’OMS, le récent ralentissement des cas européens pourrait être dû à une détection et à un isolement plus précoce. Notons toutefois qu’on ne sait pas dans quelle mesure les comportements sexuels ont été affectés par la crainte de la transmission. En effet, aucune consigne n’a été donnée de modifier les comportements, à part l’isolement.
140000 doses de vaccin sur le terrain
Plus de 70 000 doses de vaccin 3e génération contre la variole, qui protègerait à hauteur de 85% contre le virus de la variole du singe, ont été utilisées depuis mai. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une première injection, mais ce chiffre prend en compte les deuxièmes injections de certains patients. Début septembre, ce sont 140000 doses au total qui ont été livrées sur le terrain, distribuées en fonction des besoins locaux, dans les 220 centres de vaccination. L’épidémie est présente de manière disparate sur le territoire national, et l’Île-de-France est largement plus touchée que les autres, avec 2236 cas confirmés au premier septembre.
Ne pas relâcher l’effort autour de la vaccination
Face à la baisse du nombre de nouveaux cas, la campagne de vaccination contre la variole du singe sera maintenue en France pendant encore plusieurs mois, probablement jusqu’au début de l’année 2023. Les responsables présents ont insisté sur l’importance de rester mobilisés et de bien réaliser un schéma vaccinal complet, avec 2 doses à au moins 28 jours de décalage.
Pour autant, accéder à cette deuxième dose s’est avéré compliqué pour beaucoup de personnes à cause du faible nombre de doses mobilisables rapidement. Pour répondre à l’urgence d’augmenter la couverture vaccinale, les recommandations officielles concernant la date d’une deuxième injection ont d’ailleurs été assouplies durant l’été: les rendez-vous pour une deuxième dose avaient été reportés à une date ultérieure dans la campagne vaccinale. Les associations de personnes concernées avaient d’ailleurs réagi très défavorablement à cette annonce. Avec l’arrivée de nouvelles doses, ces rendez-vous vont pouvoir être pris et honorés.
Certains pays ont autorisé la vaccination intradermique pour injecter le vaccin antivariolique, dans le but d’économiser des doses. En effet, cette technique utilise un cinquième de la dose de vaccin nécessaire pour une injection classique (sous-cutanée). En injectant le vaccin sous la première couche de la peau, il est possible de multiplier ainsi par cinq le stock existant. En France, l’ANSM se montre prudente à ce sujet, comme l’a expliqué la docteure Caroline Semaille, Directrice générale adjointe de l’Agence: «Cette technique est plus difficile à réaliser, et elle ne se fait plus beaucoup, donc on aurait du mal à trouver des personnes pouvant la réaliser. Et surtout, il est beaucoup plus réactogène, et provoque beaucoup plus d’effets indésirables locaux.»
Enfin, les premiers retours de l’expérimentation de la vaccination chez les pharmaciens (5 pharmacies dans 3 régions) sont positifs, mais il reste de vrais défis organisationnels, avec des questions de chaîne du froid et de stockage. Jérôme Salomon suggère un «élargissement pragmatique», après évaluations des besoins locaux.
Le lendemain de la conférence de presse française, l’OMS déclarait que «l’Europe pouvait éliminer la variole du singe», si elle intensifiait «[ses] efforts de toute urgence».