Depuis fin mai, des cas de monkeypox —577 cas en France au 5 juillet, plus de 5700 au total au 5 juillet— ont été identifiés dans plusieurs pays non endémiques. La plupart, voire la quasi-totalité des cas dans certains pays, concernent des hommes homosexuels et bisexuels, bien que n’importe qui puisse être infecté par le monkeypox. Nous avons déjà rassemblé dans notre article : Variole du singe : ce que nous savons, les informations générales concernant cette maladie. En complément, un petit point d’information pour les personnes exposées.
Que sait-on des personnes atteintes en France?
On en apprend chaque jour un peu plus sur les personnes touchées par le monkeypox et les chiffres sont mis-à-jours régulièrement sur le site de Santé publique France. L’Île-de-France concentre la majorité des cas observés en France, soit 387 cas confirmés au 5 juillet 2022. Tous ces cas, sauf deux femmes et trois hommes hétérosexuels, concernent des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH).
Au 5 juillet, en France, 97% des cas pour lesquels l’orientation sexuelle est connue sont survenus chez des HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Et parmi les personnes ayant communiqué ces informations, 75% déclarent avoir eu au moins 2 partenaires sexuels dans les 3 semaines avant l’apparition des symptômes.
On sait également que fin juin, 55% d’entre eux étaient sous PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. 30% vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. 32% avaient voyagé récemment à l’étranger et 32% avaient déclaré pratiqué le chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. Leur moyenne d’âge était de 33 ans, avec des cas de 19 à 71 ans.
Enfin, pour ce qui est du sujet contact (selon la définition de Santé Publique France, voir ci-dessous), 351 sujets avaient été identifiés et 158 d’entre eux vaccinés au 23 juin 2022.
Comment se transmet le virus?
Le monkeypox se transmet par contact physique étroit (peau à peau), et donc lors de rapports sexuels, même s’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une infection sexuellement transmissible (IST). Le virus peut également se propager par des gouttelettes respiratoires lors d’un contact face à face prolongé et par des objets contaminés (tels que les jouets sexuels ou les seringues). La vaisselle, les vêtements et la literie ne doivent pas être partagés non plus.
Avoir des contacts sexuels fréquents avec des partenaires multiples accroît donc le risque d’exposition et d’infection. Les lieux fermés où on porte peu de vêtements (comme les sex clubs et les saunas) offrent au virus plus d’opportunités pour entrer en contact avec la peau. La pratique du chemsex réunit également toutes les conditions d’exposition au monkeypox.
Pour l’heure, il n’a pas été décrit de transmission à partir des personnes qui ne présentent pas de symptômes, et ce mode de transmission n’a pas non plus été identifié dans les épidémies décrites en Afrique de l’Ouest ou en Afrique centrale.
Quels sont les symptômes à surveiller?
Le monkeypox peut se manifester sous la forme de boutons, d’éruptions cutanées, de tâches, d’ulcères ou de cloques n’importe où sur le corps, mais le plus souvent dans la région génitale. Attention, ces boutons peuvent avoir l’air banal et ne sont pas forcément des plaies. Ils peuvent également simuler une autre infection muqueuse ou cutanée comme l’herpès.
Le virus peut également provoquer l’apparition de ganglions lymphatiques enflés et douloureux, de la fièvre, des maux de tête et des douleurs musculaires, d’angine, ainsi que des frissons et/ou de l’épuisement.
A ce stade encore débutant de l’épidémie, l’auto-surveillance est très importante pour détecter les cas précocement. Enfin, cela peut prendre jusqu’à 3 semaines pour que les symptômes apparaissent après avoir été en contact avec une personne atteinte, il est donc nécessaire d’être vigilant durant cette période.
Que faire en présence de ces symptômes ou de doute persistant?
D’abord, il est nécessaire de faire établir un diagnostic par un médecin. En cas d’éruption cutanée inexpliquée, il est conseillé de se rapprocher de son médecin traitant ou du médecin chargé de son suivi PrEP ou VIH. Il est également possible de contacter le 15, même si c’est un processus plus lourd. En Île-de-France, tous les centres de santé sexuel, les CegiddCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. et les services de maladies infectieuses devraient être à même de répondre à toutes les questions, notamment via une ligne ou une boîte mail dédiée.
En Ile-de-France, les laboratoires et établissements de soins sont en capacité de réaliser les prélévements (test PCR) afin qu’ils soient ensuite analysés par les établissements de santé franciliens de référence (hôpital Bichat et à la Pitié-Salpêtrière).
Ensuite, il est recommandé de s’isoler rapidement, d’éviter tout contact rapproché, y compris sexuel, jusqu’à avoir reçu l’avis d’un professionnel de la santé. Cet isolement est guidé par le risque de transmission qui se prolonge jusqu’à la disparition des croûtes ce qui peut prendre 21 jours et plus.
Bien sûr, il est également recommandé de s’abstenir de fréquenter des lieux de convivialité (sauna, sex club, lieux de drague) ou des rassemblements.
Quels sont les risques pour la santé?
A ce jour, la plupart des personnes touchées par l’épidémie actuelle n’auront probablement besoin que de trois semaines de rétablissement à domicile, mais quelques personnes ont été hospitalisées en raison de leurs symptômes de monkeypox ou d’infections cutanées ultérieures.
Les personnes vivant avec le VIH ne sont pas plus à risque de sévérité accrue que les autres, si leur taux de CD4 n’est pas inférieur à 200.
Quels sont les traitements et les soins disponibles?
Il n’y a pas de traitement curatif pour le monkeypox. Mais des molécules ont été expérimentées comme le brincidofovir (prodrogue du cidofovir, un médicament actif contre le cytomégalovirus), ou plus spécifiquement le tecovirimat, en première intention, qui dispose d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) européenne mais qui n’est encore disponible en France.
Les personnes atteintes peuvent se laver en utilisant un savon doux, et en privilégiant les douches plutôt que les bains, avant de se sécher en tamponnant plutôt qu’en frottant. Le médecin pourra prescrire, en fonction de la situation, des antihistaminiques en cas de démangeaisons et des antalgiques en cas de douleurs. Certaines lésions sont effectivement très douloureuses.
Dans tous les cas, il faut éviter de gratter les boutons ou les plaies au risque de les surinfecter. ll est recommandé de se laver les mains après avoir touché l’éruption cutanée et de garder ses ongles courts.
En cas de gonflement ou de rougeur autour de l’éruption cutanée, ou d’apparition soudaine de fièvre —et même si les symptômes s’améliorent—, il est impératif de consulter un médecin pour traiter une éventuelle surinfection par des bactéries (type staphylocoque doré).
Quelles précautions prendre si on est infecté?
Bien sûr, il est fortement conseillé de s’abstenir de toute activité sexuelle jusqu’à la guérison de l’éruption cutanée ou des muqueuses. Les personnes infectées doivent rester isolées pendant 21 jours, jusqu’à ce que les croûtes tombent d’elles-mêmes. L’isolement peut prendre fin, après avis médical, au bout de 14 jours en cas de guérison de toutes les vésicules.
Les croûtes tombées doivent être jetées dans des sacs fermés et doublés, dans les ordures ménagères, ou en milieu de soin, dans des boîtes jaunes dédiées aux déchets d’activités de soins à risques Infectieux (DASRI).
Les personnes atteintes doivent rester dans leur chambre lorsqu’ils sont à la maison et utiliser des articles ménagers désignés (vêtements, linge de lit, serviettes, ustensiles de cuisine, assiettes, verres), qui ne doivent pas être partagés avec d’autres membres de l’entourage et être lavés séparément, à 60°C si possible. Il est conseillé de nettoyer et désinfecter régulièrement les surfaces touchées, surtout sanitaires au moins une fois par jour, avec les produits habituels. C’est aussi le moment de ressortir le gel hydro-alcoolique et les masques chirurgicaux en présence d’autres personnes.
Si possible en fonction de leur localisation, les lésions cutanées peuvent être recouvertes d’un pansement ou d’un linge pour diminuer les risques de transmission.
Tout contact étroit avec des personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et les jeunes enfants doit être évité. Par précaution et en l’absence d’étude, les animaux de compagnie, qui pourraient transporter le virus et créer ainsi un réservoir local, doivent être aussi isolés. Durant l’isolement, il est préférable que les autres membres du foyer non symptomatiques s’occupent de l’animal.
En fin d’isolement, un nettoyage soigneux du domicile comportant les surfaces, la literie, les vêtements et la vaisselle doit être réalisé.
Existe-t-il un vaccin préventif contre le monkeypox ?
Aucun vaccin contre le monkeypox spécifiquement n’est disponible, mais le vaccin contre la variole protège à hauteur de 80 à 85% du monkeypox. Il est aujourd’hui accessible aux personnes exposées.
A l’étranger, les villes de Montréal et de New-York ont très rapidement offert la vaccination aux hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes multipartenaires qui le souhaitaient. Et le 29 juin, l’administration Biden avait annoncé un plan de vaccination contre la variole du singe en direction des HSH. Les États-Unis souhaitent utiliser les stocks de vaccin antivariolique Jynneos (vaccin de 3e génération disposant d’une AMMAMM Autorisation de Mise sur le Marché. Procédure administrative qui autorise un laboratoire pharmaceutique à commercialiser une molécule. américaine) : 56 000 doses dès maintenant, et 240 000 doses dans les semaines à venir. Le but est d’arriver à 750 000 à la fin de l’été et 500 000 à l’automne.
Qu’est-ce qu’une personne-contact à risque?
Un cas contact est une personne ayant eu un contact physique direct non protégé, avec la peau ou les fluides biologiques d’une personnes présentant des symptômes du monkeypox, quelles que soient les circonstances.
Les cas contacts ne sont pas seulement les partenaires sexuels : Toute personne ayant eu un contact non protégé à moins de 2 mètres pendant 3 heures avec une personne symptomatique peut être considérée comme personne contact.
La définition officielle de personne contact par Santé Publique France est la suivante :
«Toute personne ayant eu un contact physique direct non protégé avec la peau lésée ou les fluides biologiques d’un cas probable ou confirmé symptomatique, quelles que soient les circonstances y compris rapport sexuel, actes de soin médical ou paramédical, ou partage d’ustensiles de toilettes, ou contact avec des textiles (vêtements, linge de bain, literie) ou de la vaisselle sale utilisés par le cas probable ou confirmé symptomatique. Toute personne ayant eu un contact non protégé à moins de 2 mètres pendant 3 heures (cumulées durant 24h) avec un cas probable ou confirmé symptomatique (ex. ami proche ou intime, partenaire sexuel habituel même en l’absence de rapports sexuels, personnes partageant le même lieu de vie sans lien intime, voisin pour un transport de longue durée, personnes partageant le même bureau, acte de soin ou d’hygiène, même classe scolaire, salle de TD universitaire, club de sport pour les sports de contacts, salles de sports, etc.).»
Que doivent faire les personnes cas-contacts?
Les personnes ayant été en contact rapproché avec des cas de monkeypox doivent surveiller elles-mêmes le développement de symptômes pendant 21 jours après le dernier contact à exposition possible. Elles peuvent demander à être vaccinées contre la variole si elles ne présentent pas de symptômes. Selon les premières données, ce vaccin Imvanex™, qui immunise contre un virus proche (celui de la variole), protégerait du monkeypox à hauteur de 80%. Le vaccin de 3e génération utilisé est beaucoup mieux toléré, avec moins de risques d’effets indésirables, que les générations précédentes.
Le vaccin doit être administré idéalement dans les 4 jours après la date du dernier contact à risque et au maximum 14 jours plus tard selon le schéma recommandé par la HAS.
Par ailleurs, les personnes qui vivent avec une personne infectée doivent se laver les mains régulièrement, éviter tout contact direct (de peau à peau) avec la personne atteinte ou ses effets personnels (comme la vaisselle, le linge) et porter un masque chirurgical pour tout contact rapproché (moins de 2 mètres).
En l’absence de symptômes visibles, l’isolement n’est pas obligatoire pour les personnes contacts.
Faut-il prévenir ses partenaires sexuels?
Si possible, il est recommandé de conserver les coordonnées de ses partenaires sexuels récents, car cela peut faciliter la recherche et l’information des partenaires en cas de diagnostic de monkeypox. Les services de santé publique surveillent et enquêtent sur l’épidémie et prennent des mesures pour ralentir ou arrêter la propagation du monkeypox. Les épidémiologistes des agences régionales (ARS) cherchent donc à identifier les contacts des personnes touchées, afin de les contacter de manière respectueuse et anonyme, pour évaluer le risque et permettre la vaccination et le dépistage.
Est-il risqué de faire la fête pendant la saison estivale ?
La participation à des événements et à des festivals en plein air n’expose pas à un risque accru d’infection par le monkeypox, mais tout contact physique rapproché, et particulièrement les relations sexuelles, augmente le risque d’exposition.
Dans tous les cas, il est conseillé, avant de se rendre à une fête ou à une soirée, de vérifier la présence de symptômes de monkeypox. Si des cloques, des éruptions cutanées ou des inflammations anormales sont relevées, il est déconseillé d’assister à des événements impliquant des contacts rapprochés ou du contact de peau à peau.
Il est important de connaître les symptômes du monkeypox et de consulter rapidement un médecin si besoin. En cas de doute, il est recommandé d’arrêter de participer aux événements publics jusqu’à un examen par un professionnel de santé.
Comment lutter contre la désinformation et la stigmatisation au sujet du monkeypox ?
Il est important de rappeler que le monkeypox n’est pas ni une «maladie gay» ni une maladie «africaine» (ou même, d’ailleurs, une maladie du singe à proprement parler…) Endémique dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest et du centre, l’infection s’est diffusée ailleurs parmi les hommes homosexuels sans qu’il y ait matière à stigmatiser cette population pour cette épidémie.
La stigmatisation est contre-productive, empêchant les personnes exposées d’accéder à l’information et aux soins de santé dont elles ont besoin.
Chacun peut contribuer à contenir ce début d’épidémie, en partageant les informations avec ses proches HSH, en gardant une vigilance sur les symptômes et, en cas de diagnostic positif, en s’auto-isolant et en aidant les autorités sanitaires à informer les contacts proches en facilitant l’information de ses contacts
Enfin, bien que plusieurs informations s’adressent au groupe qui a été le plus touché par l’épidémie actuelle à ce jour dans les pays hors d’Afrique, la plupart peuvent s’appliquer à toute personne susceptible d’être exposée à l’infection par le monkeypox.
Sources
Dans un document publié le 10 juin 2022 en direction des hommes gay, bisexuels et ceux ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) adresse une partie des questions que peuvent se poser les personnes les plus touchées pour le moment par cette nouvelle flambée épidémique. De son côté, Santé publique France a créé une page d’information sur son site de santé sexuelle, Sexosafe et réalisé des affiches et flyers de prévention à diffuser dans les espaces gay : lieux de convivialité, événements, etc. Le site de l’ARS Île-de-France propose une page d’information : Variole du singe : conseils et prise en charge en Ile-de-France. Enfin, la Société française de lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. (SFLS) a également édicté un avis d’information sur le monkeypox.
Les recommandations concernant cette toute nouvelle épidémie évoluent presque de jour en jour. Ces informations sont rédigées le 12 juillet 2022 et seront mises-à-jour en fonction de l’évolution des recommandations.