Dès 10h35, heure locale, James Hildreth (Nashville, TN, USA) a très largement ouvert les hostilités et le débat avec des diapositives (ci-dessous) qui devront figurer à la fois dans l’Histoire de la lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. comme dans celle de la pandémie à SARS-CoV-2.
Les deux syndémies puisent leurs facteurs de sur-risques dans les déterminants socio-démographiques, et l’une des pathologies peut influencer l’autre. James Hildreth a rappelé que «le sida a été découvert en 1981. Et que le président Ronald Reagan ne mentionna pas cette maladie publiquement jusqu’en octobre 1987!». L’auteur rappelle au passage que, durant cette période de silence présidentielle, «il y a eu aux États-Unis 60000 cas de sida et 28000 décès».
En miroir de cet élément historique, les déclarations tonitruantes et parfois délirantes de Donald Trump, qui se croyait malin en parlant de “Kung Flu” pour décrire le Covid: «Même après 5 millions de cas et des dizaines de milliers de décès, Trump a encore fait sciemment de fausses déclarations sur la gravité d’une véritable crise de santé publique nationale.» L’auteur a également enfoncé le clou de la disparité et de l’impact des comorbidités selon les origines sociales et ethniques aux États-Unis. S’il ne fallait retenir que deux points de mesure: 43 % des femmes hispaniques et 56,7 % des femmes afro-américaines sont obèses. Quant au diabète de type II, il est présent chez 13,2 % des Afro-américains, 12,8 % des Hispaniques, 9 % des Asiatiques et 7,6 % des Caucasiens…
Fort de cette introduction sociale et sanitaire, le symposium 04 drivé par un binôme de talent, Francois Dabis (Bordeaux) et Wafaa M. El-Sadr (Columbia University), a tenté de dresser l’impact réciproque du VIH et de la CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. sans qu’on puisse d’ailleurs précisément trancher sur ces interactions réciproques. Sauf sur un point, l’impact de la Covid sera désastreux pour la lutte contre le VIH à l’échelle mondiale. Comme l’a rappelé Andrew D. Kambugu (#32; Kampala, Ouganda), les modélisations prévoient +10 % de décès sur 5 ans à l’échelle mondiale liés au VIH comparé au scénario sans Covid. Premier facteur de risques de cette mortalité et de morbidité accrue: l’interruption de traitement ARV. De la thérapeutique à la prévention. Dans le même mouvement Helen Bygrave (#31 ; IAS, Londres) a montré comment la couverture vaccinale des enfants sous le poids du Covid laisserait 80 millions d’enfants à risque sans vaccin contre diphtérie, tétanos, poliomyélite, mais aussi –en cette journée internationale des droits des femmes– 1,5 million de femmes subissant des avortements clandestins faute d’accès aux soins, 900000 grossesses non désirées et 3100 décès maternelles supplémentaires… Des chiffres à passer probablement dans les émissions de télévision continue à contenu complotiste, qui ne cessent de distiller des messages prétendument «rassuristes» dans une vision égocentrée et hexagonale dont il serait temps, après un an de pandémie de Covid, de sortir.
L’incertitude a plané autour de 2 intervenantes, Helen Bygrave (#33) et Julia del Amo (#31 ; ministère de la Santé, Madrid) sur les inter-relations entre VIH et SARS-CoV-2 sous nos latitudes. Cette dernière s’est même avérée assez péremptoire dans ses questions/réponses de conclusions :
Les PVVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH sont-ils plus à risque de subir le dépistage du SARS-CoV-2?
Oui, à condition que l’accès soit égal.
Les PVVIH sont-ils plus à risque d’infection par le SARS-CoV-2?
Ils sont dans la plupart des analyses non ajustées, aucune preuve d’effet indépendant une fois ajusté sur les caractéristiques socioéconomiques.
Les PVVIH sont-ils plus à risque de résultats sévères de la Covid-19?
Il s’agit dans la plupart des cas d’analyses non ajustées, mais plus de preuves sont nécessaires pour identifier un effet indépendant non médié par le diabète, l’hypertension et d’autres comorbidités.
La question de ces inter-relations VIH et SARS-CoV-2 peut néanmoins être éclairée par d’autres données récentes telles que l’étude du groupe Epipharm (ANSM/CNAM). Entre février et juin 2020, l’analyse d’une base de données de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) de 146 204 personnes vivant avec le VIH a vu, sur cette période, 575 hospitalisations et 64 décès liés à la Covid. Pour l’hospitalisation, avec ajustement sur l’âge et le sexe, le risque relative est de 2,74 pour une personne vivant avec le VIH (2,53-2,98)… Et après ajustements sur les autres variables individuelles disponibles, on est encore avec des ratios à 1,88 (1,73-2,04) ; pour les seules personnes vivant avec le VIH de moins de 80 ans : 1,87 (1,72-2,04) ; pour les décès, les chiffres sont respectivement de 2,7 (2,11-3,46) et 1,93 (1,5-2,4). Certes, c’est sur peu de cas, mais le sur-risque est clairement significatif. À méditer à l’heure où la politique vaccinale française n’a de cesse de patiner, de louvoyer, de s’adapter à l’opinion publique sans que l’on voit, malgré les démarches pro-actives du TRT-5 et de la SFLS, poindre la moindre priorisation vaccinale pour les personnes vivant avec le VIH.
Le titre de cet édito est un proverbe ungandais, rapporté par Andrew D Kambugu lors de sa présentation.
Cet article a été publié initialement dans le e-journal de « La Lettre de l’infectiologue » couvrant la conférence, nous le reproduisons ici avec leur aimable autorisation.