Des molécules anti-VIH à l’étude contre l’épidémie de Covid-19

Il n’existe actuellement pas de traitement spécifique contre le nouveau coronavirus qui vient d’émerger en Chine. Dans l’urgence, les firmes du monde entier tentent d’identifier des agents antiviraux efficaces pour lutter contre la maladie, et s’intéressent, entre autres, à plusieurs molécules déjà utilisées contre le VIH ou le VHB.

Depuis décembre 2019, une nouvelle infection causée par un coronavirus jusqu’alors inconnu désormais appelé Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. a fait son apparition à Wuhan, une ville de 11 millions d’habitants au centre de la Chine.

La plupart des premiers cas étaient liés à des expositions dans un marché de fruits de mer et d’animaux vivants à Wuhan. Au 20 février 2020, les autorités chinoises et le site de l’Université John Hopkins qui permet de suivre l’épidémie en temps réel ont signalé 75 778 cas, 2130 décès et une diffusion du virus dans 29 pays dont la France (12 cas), Hong Kong, Macao, Taiwan, Thaïlande, Japon, Corée du Sud, États-Unis, Vietnam, Singapour, Népal, Australie, Canada, etc.

Capture d’écran du site de l’Université John Hopkins sur le Covid-19

L’agent pathogène a rapidement été identifié, le 10/01/2020, comme un nouveau coronavirus (Covid-19), étroitement lié au CoV du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV). Le nouveau virus partage une analogie de séquence du génome de 80% et 96,3% de similitude génomique avec la séquence du BatCoV RaTG13 issu de la chauve-souris. Ce qui en fait un virus circulant et non le fruit d’une récente recombinaison, a fortiori de laboratoire, comme on l’entend dans le flot de fake news associées à l’épidémie.

Pas de traitement spécifique actuellement

Actuellement, il n’existe pas de traitement spécifique contre les coronavirus et donc contre ce nouveau virus. Le Covid-19 appartient à la famille des bêta-coronavirus qui contient également le CoV du SRAS (2002-2003) et le CoV du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV, 2012). Les firmes du monde entier tentent d’identifier dans l’urgence des agents antiviraux efficaces pour lutter contre la maladie. Soit en reprenant des molécules actives contre d’autres virus —VHC, VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. virus H1N1, CMV, virus d’Ebola, etc.—, soit en passant au crible des cultures virales de Covid-19, toutes les molécules dont ils disposent. C’est ainsi d’ailleurs que fut découvert l’AZT, premier médicament antirétroviral utilisé pour le traitement de l’infection par le VIH, mais aussi les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse. Certaines recherches empruntent aussi une approche immunothérapeutique: anticorps monoclonaux ou immunoglobulines issues de malades guéris. Même la médecine traditionnelle est de la partie en ce qui concerne certains essais chinois.

38 essais programmés

Sur le très officiel site du NIH aux États-Unis, on recense à la date du 20/02/2020 pas moins de 38 essais programmés, ou en cours, sur le Covid-19 (voir tableau 1).

Tableau 1 – Essais en cours ou programmés autour du Covid-19

Plusieurs médicaments, tels que la ribavirine et les interférons, actifs contre le virus de l’hépatite C, mais aussi le lopinavir-ritonavir (Kaletra®) ou le darunavir (Prezista®), médicaments contre le VIH, voire le booster présent dans le Genvoya® (le cobicistat), sont sur la liste des molécules à l’étude in vivo. Des protocoles avec le Kaletra® avaient déjà été lancés dans le cas du MERS-Cov en 2016, tel que l’essai MIRACLE, en Arabie Saoudite, avec des résultats qui, s’ils avaient tenu du miracle, auraient déjà été publiés… L’efficacité antivirale d’autres médicaments approuvés par la FDA a aussi été évaluée dans plusieurs études in vitro : la ribavirine, le penciclovir, le nitazoxanide, le nafamostat, la chloroquine et deux médicaments antiviraux à large spectre bien connus, l’oseltamivir (contre la grippe), le remdesivir contre Ebola et le favipiravir (T-705), sont tous testés contre un isolat clinique de Covid-19 in vitro. Des essais standards ont été réalisés pour mesurer les effets de ces composés sur la cytotoxicité, le rendement viral et les taux d’infection du virus qu’on a d’abord appelé 2019-nCoV. Le remdesivir semble être reconnu comme un médicament antiviral prometteur contre un large éventail d’infections par des virus à ARN (y compris le SRAS/MERS-CoV5) dans des cellules cultivées, des souris et des modèles de primates non humains. Il est actuellement en cours de développement clinique pour le traitement de l’infection par le virus Ebola. 

Pour autant, rien ne permet d’écrire que les molécules anti-VIH sont en bonne place pour la recherche thérapeutique anti-coronavirus. Une étude comparative menée par TP Sheahan sur des modèles in vitro de MERS-CoV a démontré que «le remdesivir (RDV) et I’interféron bêta (IFNb) ont une activité antivirale supérieure à lopinavir (LPV) et ritonavir (RTV) in vitro. Chez la souris, les RDV prophylactique et thérapeutique améliorent la fonction pulmonaire, et réduisent la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. pulmonaire et la pathologie pulmonaire sévère. En revanche, le LPV / RTV-IFNb prophylactique réduit légèrement les charges virales sans impact sur les autres paramètres de la maladie. Le LPV / RTV-IFNb thérapeutique améliore la fonction pulmonaire mais ne réduit pas la réplication du virus ni la pathologie pulmonaire sévère» (figure 1).

Figure 1 – Des espoirs thérapeutiques ? (criblage des molécules)

De quoi largement tempérer le questionnement, sur les réseaux sociaux, de certaines personnes vivant avec le VIH et traitées ou sous PrEPPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. qui veulent savoir si elles sont protégées du coronavirus. Pour l’heure, assurément non.

Pour en savoir plus

Bibliographie

Paraskevis D, Kostaki EG, Magiorkinis G, Panayiotakopoulos G, Sourvinos G, Tsiodras S. Full-genome evolutionary analysis of the novel coronavirus (2019-nCoV) rejects the hypothesis of emergence as a result of a recent recombination event. Infect Genet Evol. 2020 Jan 29;79:104212. doi: 10.1016/j.meegid.2020.104212

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Sheahan TP, Sims AC, Leist SR, Schäfer A, Won J, Brown AJ, Montgomery SA, Hogg A, Babusis D, Clarke MO, Spahn JE, Bauer L, Sellers S, Porter D, Feng JY, Cihlar T, Jordan R, Denison MR, Baric RS. Comparative therapeutic efficacy of remdesivir and combination lopinavir, ritonavir, and interferon beta against MERS-CoV. Nat Commun. 2020 Jan 10;11(1):222. doi: 10.1038/s41467-019-13940-6.