CROI 2018 — Session plénière : La santé mentale chez les personnes traitées vivant avec le VIH

Le Dr Cédric Arvieux est à la CROI 2018 et nous reproduisons ici, avec son aimable autorisation, ses chroniques publiées in extenso sur le site du COREVIH Bretagne

ADDRESSING MENTAL HEALTH: A CRUCIAL COMPONENT TO ENDING THE HIV EPIDEMIC
Robert H. Remien, New York State Psychiatric Institute and Columbia University, New York, NY, USA

La santé mentale1NDR : Pour la première fois depuis 25 ans, la CROI s’intéresse à la santé mentale des personnes séropositives en session plénière! Ça se fête. influe chaque étape de la cascade du VIH que ce soit dans le domaine de la prévention, de l’engagement dans les soins ou du succès du traitement. Une mauvaise santé mentale va entrainer une augmentation des prises de risque, diminution du dépistage, moindre adhésion aux soins ou au traitement…

Dans l’échelle américaine de l’impact sur la santé, les maladies mentales et la toxicomanie arrivent en premier, alors que le VIH apparaît en 15ème position : il y a donc du travail dans le domaine!

La maladie mentale implique une augmentation du risque d’acquisition du VIH  de l’ordre d’un facteur 4 à 10 en fonction des études. Dans les programmes de PrEP la dépression est associée à une moindre observance et une augmentation des prises de risque. En Afrique du Sud, la prévalence de la maladie mentale est de l’ordre de 26% chez les PVVIH contre 13 % dans la pop générale.

Un nombre très important de facteurs influencent cette situation, et peuvent être classés en 7 catégories : démographiques, biologiques, communautaires, stigmatisation (du VIH et de la maladie mentale), psycho-sociaux, environnementaux et économiques (cf photo ci-dessous)

Dans plusieurs études concernant la dépression chez les PVVIH, celle-ci est associée à une augmentation de la mortalité, en général d’un facteur 2. Il peut y avoir des explications biologiques (tropisme cérébral du VIH, inflammation chronique, activation immune), mais une bonne partie peut être aussi expliquer par les facteurs cités antérieurement.

Il existe de nombreux outils d’évaluation de la santé mentale, et des traitements pour faire face aux troubles rencontrés, mais que fait-on en pratique courante: pas grand chose!

Dans le monde, la santé mentale est le parent pauvre en terme de financement des dépenses de santé : au Zimbabwe, il y a 12 psychiatres pour 13 millions d’habitants, en Afrique du Sud un pour 1,5 millions!

Les modèles de prise en charge intégrés sont certainement plus efficaces que les systèmes de référencement (où on adresse le patient au psychologue ou au psychiatre au pire à l’autre bout de la ville, au mieux au sein de la même structure).  En Ouganda, une étude a montré que des infirmières ou des travailleurs communautaires bien formés pouvaient obtenir des résultats tout a fait significatifs en terme de prise en charge psychiatrique et d’amélioration de la qualité de vie des patients (Wagner et al.Plos One 2016).  En Afrique du Sud, des expériences identiques sont menées (Robbins et al. AIDS Behav 2015).

Les interventions courtes ont montré leur efficacité, mais la santé mentale nécessite souvent un engagement de plus long terme. L’étude PATH+ (Blank et al. Current HIV/AIDS Report 2013) s’est intéressé aux modèles d’intervention long terme pour que des patients VIH+ ne passent pas en stade Sida Des études sont également menées en Afrique Australe en s’appuyant sur le personnel soignant existant (Abas etal. AIDS Behav 2018).

La campagne actuelle U=U (pas de transmission du VIH en cas de charge virale indétectable) a redonné à un certain nombre de personnes séropositives une image positive d’elles-mêmes: on ne le soulignera jamais assez, se savoir non contaminant est une libération mentale majeure pour les personnes séropositives. Mais les challenges psycho-sociaux que rencontrent les personnes séropositives ne doivent pas être oubliés, et il ne faut pas négliger l’individu dans la réponse globale (Remien et al. AIDS 2007)

En résumé : la santé mentale est souvent altérée chez les personnes infectées par le VIH ; les troubles mentaux contribuent à l’acquisition du VIH ; outils d’évaluation et traitements sont disponibles mais il faut savoir utiliser les moyens de façon adaptée; des progrès considérables ont été accomplis via une approche intégrée de la pathologie VIH et de la santé mentale, et ce devrait être une pratique de routine ; une promotion accrue du droit à la santé mentale devrait être défendue pour tous… et particulièrement pour les patients séropositifs pour le VIH.

En conclusion, pas de santé sans santé mentale !