<ahref= »http://www.thelancet.com/journals/lanhiv/article/PIIS2352-3018(17)30066-8/fulltext »>Cette étude sans précédent1Survival of HIV-positive patients starting antiretroviral therapy between 1996 and 2013: a collaborative analysis of cohort studies
The Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration
http://www.thelancet.com/journals/lanhiv/article/PIIS2352-3018(17)30066-8/fulltext, publiée dans le Lancet le 11 mai 2017, se base sur les données de 88 504 patients d’un célèbre consortium (the Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration ou ART-CC) de dix-huit cohortes issues de pays européens et américains du Nord. Étaient concernés des patients VIH ayant commencé un traitement par antirétroviraux (ARV) entre 1996 (date d’apparition des trithérapies à base d’inhibiteurs de protéase) et 2010, date de fin de l’étude. Dominique Costagliola, dont l’équipe est co-auteur de cette étude, épidémiologiste, directrice de recherche à l’INSERM, explique dans Sciences et Avenir que «cette étude, la première d’une telle ampleur, est en fait la prolongation dans le temps d’un premier suivi épidémiologique transatlantique réalisé de 1996 à 2005.» Environ 40% des personnes participant à l’étude sont françaises.
L’espérance de vie atteint ainsi 73 ans chez les hommes et 76 ans chez les femmes, mais uniquement pour un patient de 20 ans qui a commencé son traitement à partir de 2008 et n’est pas, bien sûr, décédé durant la première année. Des chiffres proches de ceux avancés pour la population générale des pays couverts par l’étude, qui est de 78 ans en moyenne, hommes comme femmes. Cela correspond à une augmentation de dix ans chez les hommes et neuf ans chez les femmes vivant avec le VIH par rapport aux données existantes avant les trithérapies.
Des traitements plus performants
Selon l’un des auteurs de l’étude, Adam Trickey, de l’Université de Bristol, «les combinaisons d’ARV sont utilisées dans le traitement du sida depuis 20 ans, mais les médicaments récents ont moins d’effets secondaires, obligent à prendre un nombre moins élevé de cachets, empêchent davantage le virus de se reproduire et de résister au traitement».
Ces combinaisons de médicaments, ou mutithérapies, associent trois molécules ou davantage qui agissent à différents stades de la réplication du VIH, et empêchent ainsi le virus de se multiplier. Elles sont aujourd’hui beaucoup mieux tolérées et leur efficacité est telle qu’une personne sous traitement depuis plus de 6 mois n’a statistiquement quasiment plus de risque de transmettre le VIH à un ou une partenaire sexuelle régulière. C’est ce qu’on appelle le Traitement comme prévention ou TasP
Des disparités selon les populations
Ces progrès expliquent en partie que le nombre de morts durant les trois premières années du traitement est moins élevé chez les patients qui l’ont commencé entre 2008 et 2010 que chez ceux qui l’ont fait entre 1996 et 2007. Cette amélioration de l’espérance de vie est également moins visible chez les patients qui ont été infectés à la suite d’un usage de drogue par injection.
C’est l’une des limites de l’étude: ses résultats ont pu être affectés par des changements de comportements au fil du temps. Ainsi, les patients à avoir commencé leur traitement ces dernières années sont moins nombreux à avoir été infectés à la suite d’une injection.
Une amélioration de l’espérance de vie multifactorielle
Le pays d’origine est, on s’en doutait, une autre source de variation des gains d’espérance de vie, cette dernière étant plus faible aux Etats-Unis pour la population générale qu’en Europe, en partie parce que l’accès au système de soin y est encore moins bon.
Une prise en charge médicale globale est pourtant essentielle pour bénéficier des derniers progrès dans le champ du VIH. Le traitement n’est pas l’unique responsable de cet allongement de la durée de vie des séropositifs. Les auteurs de l’étude expliquent ainsi que les progrès dans les médicaments anti-VIH ont permis aux personnels de santé de se pencher sur les autres maladies chroniques affectant les personnes atteintes du VIH, comme les maladies cardiaques et le diabète.
Ce suivi médical poussé se montrerait d’ailleurs tellement efficace, qu’une étude canadienne de 2014 avait même avancé des chiffres encore plus encourageant, pour les personnes vivant avec le VIH: un jeune venant d’être contaminé, traité et suivi médicalement de manière régulière, sans co-infection, pourrait espérer vivre jusqu’à l’âge de 89 ans. Soit près de dix ans de plus que l’espérance de vie pour un homme en France2Wada N et al. Cause-specific mortality among HIV-infected individuals, by CD4+ cell count at HAART initiation, compared with HIV-uninfected individuals. AIDS 28:257-265. 2014.. Ceci serait logiquement expliqué, au-delà de l’effet de plus en plus important des antirétroviraux, par l’augmentation du suivi —une visite au spécialiste par an ou tous les trois mois—, par un meilleur dépistage des comorbidités —atteinte rénale, coïnfection virale, traitement et prévention du risque cardio-vasculaire accru, etc. En clair les personnes vivant avec le VIH, et que le VIH, sont mieux suivies, mieux dépistées et mieux traitées que la population générale.
De nouveaux défis
Ces résultats sont une excellente nouvelle, évidemment. Mais cet allongement de l’espérance de vie soulève de nouveaux problèmes spécifiques. Vivre avec le VIH expose à des complications métaboliques qui s’apparentent à un «vieillissement accéléré», à cause de l’immunodépression, de l’inflammation causée par le virus, des effets indésirables des traitements (pour les plus vieux patients) et des conditions de vie (isolement, dépression). En 2015, au niveau mondial, le nombre de personnes vivant avec le VIH de plus de 50 ans était de 5,8 millions. Dans les pays à revenus élevés comme l’Europe et les Etats-Unis, ce sont 31% des personnes vivant avec le VIH qui sont aujourd’hui âgées de plus de 50 ans. Ces personnes âgées-là ont jusqu’à cinq fois plus de risques de développer des maladies chroniques. Elles sont susceptibles de développer des effets indésirables à long terme à cause des ARV, une résistance aux médicaments. Elles peuvent avoir besoin de traitement pour les causes de co-morbidité telles que la tuberculose et l’hépatite C, et risquent de souffrir d’interactions médicamenteuses. Elles ont donc besoin d’une prise en charge spécifique.
Enfin, ces bons résultats ne concernent que les personnes vivant avec le VIH connaissant leur statut. Aucune amélioration n’est possible sans un recours amplifié au dépistage, pour qu’il soit le plus précoce possible, et à une mise sous traitement rapide pour arriver à un contrôle de la charge virale précoce. C’est à cette condition que les bonnes nouvelles de cette étude seront partagées par toutes les personnes vivant avec le VIH.