Avec la montée en puissance de la prévention biomédicale, il était impératif de mettre à jour les recommandation de 2009 concernant le dépistage. L’HAS propose aujourd’hui, au regard des dernières données épidémiologiques une nouvelle stratégie de dépistage «pour contribuer à l’objectif d’éradication de l’épidémie à court terme visé par Onusida».
Le dépistage doit être proposé en priorité aux populations les plus exposées, «afin de freiner la dynamique de circulation du virus»:
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tous les 3 mois pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), qui connaissent un risque d’infection 200 fois plus important que les hommes ayant exclusivement des rapports hétérosexuels;
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tous les ans pour les utilisateurs de drogue par injection (le risque est là, 20 fois plus important) ;
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tous les ans pour les personnes originaires de zones à forte prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. notamment d’Afrique subsaharienne (le risque étant 70 fois plus important pour les femmes et 30 fois plus pour les hommes) et des Caraïbes.
La HAS recommande également que chaque personne réalise au moins une fois dans sa vie (entre 15 et 70 ans) un test de dépistage, particulièrement les hommes et les habitants de certaines régions connaissant une incidence de l’infection et une prévalence de l’infection non-diagnostiquée plus élevées que la moyenne nationale (soit l’Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et les départements français d’Amérique.) Notons que les hommes représentent près des ¾ des personnes ignorant leur séropositivité et ont un moindre recours au système de soins que les femmes, même si la HAS insiste par ailleurs sur le fait que «toute démarche individuelle et volontaire de recours au dépistage doit être encouragée et facilitée».
La HAS entérine ainsi le dépistage comme faisant pleinement partie d’une démarche de prévention avec le préservatif, le traitement post-exposition (TPE), le dépistage et traitement des infections sexuellement transmissibles (IST), le traitement comme prévention (TasP) et la prophylaxie pré-exposition (Prep).
Une nouvelle fiche pour la «Prep»
La Haute autorité revient d’ailleurs sur la PrepPrEP Prophylaxie Pré-Exposition. La PrEP est une stratégie qui permet à une personne séronégative exposée au VIH d'éliminer le risque d'infection, en prenant, de manière continue ou «à la demande», un traitement anti-rétroviral à base de Truvada®. en publiant en parallèle de ses nouvelles recommandations sur le dépistage, une «fiche de bon usage de la PrEP» à l’intention des professionnels de santé qui seraient amenés à prescrire ce médicament à l’hôpital, dans les CeGIDDCeGIDD Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) des infections par les virus de l'immunodéficience humaine, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles. Ces centres remplacent les Centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) depuis le 1er janvier 2016. et en médecine de ville (désormais lors du renouvellement trimestriel). Pour la HAS, «la PrEP par Truvada® est un outil complémentaire pour réduire la transmission du VIH dans des populations à haut risque, mais qui ne remplace pas le préservatif.».
Dans la page d’extension d’indication concernant le Truvada® publiée suite à l’avis de la Commission de la Transparence de la Haute autorité de santé, cette dernière reconnaît que le médicament propose un Service Médical Rendu (SMR) «important»:
«Le service médical rendu par Truvada®, en complément d’une stratégie globale de prévention, est important dans la prophylaxie pré-exposition pour réduire le risque d’infection par le VIH1 par voie sexuelle chez les adultes à haut risque de contamination.»
En revanche, en ce qui concerne l’amélioration du service médical rendu (ASMR), qui correspond au progrès thérapeutique apporté par un médicament, le Truvada® a été considéré de niveau 5, ce qui correspond à une «absence de progrès thérapeutique» :
«La Commission considère que TRUVADA n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) dans la stratégie globale de prévention du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. dont l’outil central doit rester le préservatif.»
Le niveau d’ASMR intervient dans la fixation du prix d’un médicament remboursable. Et justement, la Commission recommande de passer ce taux de 100% actuellement à 65%.
Cette classification est loin de ce qu’avait souhaité le laboratoire, qui visait une ASMR 1, problement une rreur stratégique de la part du laboratoire Gilead (qui produite le Truvada®) puisque ce niveau ne concerne que les nouveaux médicaments révolutionnaires, à l’instar du tout premier antirétroviral, par exemple. Gilead avait aussi décidé de ne pas demander l’évaluation du Truvada® pour la Prep «à la demande», comme dans IPERGAY, et n’a donc pas pu appuyer son argumentation sur les bons résultats de l’étude, alors que les résultats d’iPrex, moins convaincants, ont été considérés.
Une communication au mieux extrêmement prudente concernant pourtant le premier médicament à être utilisé en Prep, et qui pourrait troubler la communication autour de la Prep. Le Professeur Jean-Michel Molina, principal investigateur de l’essai IPERGAY, préfère ne pas polémiquer sur le travail d’une commission qui réfléchit d’abord en termes comptables: «La tonalité de cet avis est surprenante, mais ce qui est important c’est que la Haute Autorité de Santé ait reconnu dans un avis récent que la Prep était un moyen de prévention efficace contre le VIH en complément du préservatif, et ce, dans ces deux modes de prescription, continu et à la demande au moment des rapports sexuels.» Pas question de donner une importance démesurée à cet avis.
Pour Vincent, activiste français de la Prep, c’est le signe que la Commission de la Transparence de l’HAS est «larguée sur la question de la prévention»: «Il va falloir que les association renforce leur travail avec eux. Mon inquiétude, c’est que cet avis ne facilite pas l’acceptation d’une prévention qui s’adresse à ceux qui ne mettent pas de préservatifs.» Concernant le remboursement, Vincent est moins inquiet, puisqu’il semble difficile de connaître en France deux taux de remboursement pour un seul médicament (le Truvada® est pris en charge à 100%, comme tous les antirétroviraux, et que la volonté du Ministère de la Santé est clairement en faveur un remboursement complet. «Mais nous restons vigilants», conclut l’activiste.
Alors que les preuves de l’efficacité de la Prep s’accumulent, en France et à l’étranger, il semble que beaucoup de pédagogie reste à faire, auprès des publics cibles mais aussi de certains professionnels de santé.
Note
Le rédacteur en chef de Vih.org, Gilles Pialoux, a été sollicité par Gilead dans la procédure d’appel auprès de la Commission de Transparence de l’Haute autorité de santé publique.