CROI 2017 — Surtout ne nous débarrassez pas de la Rakaï

La Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes, la CROI, a choisi Seattle pour son édition 2017, du 13 au 16 février. Gilles Pialoux, rédacteur en chef de Vih.org, est sur place.

Difficile encore, à J1 de cette CROI loin de tout, de distinguer ce qui va rester dans les mémoires, si ce n’est dans les consciences, en rentrant, jetlagués, de Seattle. On peut faire preuve de fainéantise en reprenant le Press Conference Schedule qui a retenu, entre autres les inhibiteurs de capsides à action prolongée, l’essai ANRS 12 249 de TasP en Afrique du sud ( 2 communications orales), l’essai SWORD 1 et 2 avec DTG+RPV, le Bictegravir en comparaison frontale avec le Dolutegravir (avec FTC/TAF), l’effet de le prednisone sur la prévention de l’IRIS tuberculeuse, le microbiote …vaginal, ses facteurs de risques de transmissibilité VIH et son impact sur la PrEP chez les femmes, la doxycicline en prévention post exposition chez les HSH dans Ipergay,  l’épidémie cachée et la cascade de soins chez les HSH aux Etats-Unis (3 CO), le chemsex etc.. Sans oublier la Rakai qui nous revient régulièrement. Non pas cette racaille dont un certain Nicolas S. avait promis de nous débarrasser mais la province d’Ouganda, appendue au Lac Victoria. Là même ou le TasP a débuté en 200. Et là où, aujourd’hui, la prévention combinée (Antirétroviraux depuis 2004, circoncision débuté en 2007, le tout grâce au Pepfar à l’avenir incertain sous l’aire Trump) associés aux modifications comportementales et aux préservatifs fait au bas mot 42 % de réduction de l’incidence VIH!

Pas de conclusion hâtive, mais un sentiment. Qu’il n’est point besoin de convoquer les épistémologistes, Bachelard en particulier, pour constater de CROI en CROi combien la science n’est que récurrence de la pensée. La théorie du « cure » lancé une première fois en grande pompe lors de la Croi 1996 puis celles de 2013 et 2014, édulcorée en « guérison fonctionnelle » dans le sillage du Patient de Berlin et des enfants Visconti n’est plus l’ombre que d’elle même. Songez qu’il a été montré ou redémontré que traiter les primo-infections très précocement (Fiebig 1) ne suffit pas à se passer des antirétroviraux, que l’association d’un vide-réservoirs (Romidepsin) et d’une molécule vaccinale ne suffit pas à purger les réservoirs, que les anticorps neutralisants (VRC 01b) ne préviennent pas le rebond post arrêt des antirétroviraux  et que même les associations les plus novatrices (TLR 7 angonist + Ad 26 MVA) ne font qu’estomper le rebond viral post suspension antirétrovirale. Que dire du retour es Zinc Fingers promus en 2014 déjà ? Et même la très élégante et médiatique présentation plénière de Carl H.June (# 13) (Philadelphia,PA) sur les avancées en matière de thérapie cellulaire n’a pas dissipé le malaise. Concernant l’approche CAR T Cell (Chimeric Atigen Receptor) : 161 essais recensés au 14/2/2017, tous dans le cancer, aucun dans le VIH…

Et aussi, cette vérité lancinante rappelé lors de plusieurs séances : le poids des HSH1 Dans l’avion Paris–Seattle lecture d’un petit livre du romancier Philippe Besson: «Le patient zéro». Un joli livre sur les candidats différents à la position controversée et stigmatisante de « patient zéro », de Andrew Carr à Gaétan Dugas. STEINKIS EDITIONS (18/05/2016). dans l’épidémie actuelle au Nord. Tant pour le VIH que pour les autres IST Sonia Singh (#30) du CDC a re-précisé que les HSH représentent 2 % de la population générale et 67 % des personnes vivant avec le VIH aux Etats-Unis en 2015. Dont 17,3% (16,3-18,4) sans connaître son statut sérologique. Soit une prévalence de 615 000 HSH VIH + sur le territoire américain et un accroissement d’incident chez les latinos HSH et chez les plus jeunes (25-34 ans) d’entre eux.  

Enfin comment ne pas remarquer que cette XXIVème CROI se déroule avec une participation française qui rétrécit à vue d’oeil. Et sans fête de l’ANRS cette année, pour cause d’année compliquée pour l’Institution entre l’IAS Paris 2017 et d’absence d’arbitrage ministériel sur la succession de Jean-François Delfraissy.

Gilles Pialoux est en direct de la CROI, avec le e-journal d’Edimark et jean-Philippe Madiou, Valérie Pourcher, Laurence Morand-Joubert, Rodolphe Garaffo. 

Précision

Suite à l’envolée éditoriale d’hier sur le thème «un éléphant çà Trump énormément», il nous faut préciser que Avi Hakim, présentateur du Poster # 914: «HIV status awarreness and art coverage among female sex workers in Juba, south Sudan» alors que le sud Soudan figure parmi les sept « pays musulmans jugés dangereux » par Donald Trump, était bien présent devant son poster. Et pour cause, il est américain, et membre du CDC. Les soudanais, eux, sont restés bien au chaud chez eux.