Depuis 2004, les recommandations de traiter les mères infectées par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et enceintes sont clairement appliquées pour celles qui sont dépistées. Les très rares cas de transmission fœto-maternelle sont, en général, des échappements aux politiques de dépistage ou à la mise sous traitement. La cohorte périnatale française de l’ANRS (ANRS CO 1 / CO 11) a déjà beaucoup produit sur le suivi de cette prévention et des enfants nés dans ce cadre-là depuis 1986. Cette étude est centrée sur la prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. des malformations dans la population de ces enfants nés de mère infectées par le VIH et recevant, ou non , des antirétroviraux durant la grossesse et lors de l’accouchement avec comme but d’évaluer les corrélations entre chacune des molécules et des anomalies morphologiques observées chez le bébé.
Cette importante étude a concerné 13 124 enfants nés de mère séropositives pour le VIH et exposées ou non aux antirétroviraux entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 2010. Parmi eux, 42% (n=5388) ont été exposés aux antirétroviraux dans le 1er trimestre de grossesse, et cette proportion est dépendante évidement de la période d’étude, puisqu’elle est passée de 19% entre 1994 et 1996 à 52% entre 2005 et 2010. 61% des mères étaient d’origine d’Afrique Sub-Saharienne avec une médiane d’âge à 31 ans. La majorité d’entre elles avaient plus de 350 CD4 et une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. inférieure à 400. Pour 5 076 d’entre elles s’était un accouchement par voie basse et pour 2388 un accouchement par césarienne. La prévalence d’anomalies génétiques, toutes confondues, était de 4.4% (IC 95% : 4%-4.7%).
Association significative
Les principales conclusions de l’analyse multivariée, en ajustant sur le type d’antirétrovirales, l’âge maternel, l’origine géographique, le fait d’avoir été ou non injecteur de drogues intraveineuses, le type de maternité, les auteurs retrouvent une association significative entre l’exposition à la zidovudine durant le premier trimestre et les anomalies congénitales cardiaques : odds ratio ajusté = 2,2 [IC 95% : +1.3 – +3,7, p= 0,003]. Une association significative entre l’exposition à la didanosine (odds ratio ajusté = 3,4 [IC 95% : 1.1 -10,4, p= 0,04]). et à l’indinavir (odds ratio ajusté = 3,8 [IC 95% : 1,1 – 13,8, p= 0,04]). pour les anomalies congénitales du nez et de la face. Et une association significative avec les anomalies neurologiques en cas d’exposition à l’efavirenz (odds ratio ajusté = 3,0 [IC 95% : 1,1 – 8,5, p= 0,04]).
Comme le spécifient les auteurs, la limite majeure de cette importante étude est l’absence de documentation pour l’analyse multivariée des données sur la fin de la grossesse, la consommation de tabac et d’alcool durant la grossesse, la consommation de médicaments ou de toxiques concomitants qui peuvent avoir influencé la prévalence de telle ou telle anomalie congénitale.
Aucun mécanisme n’a d’ailleurs été élucidé pour expliquer cette association entre l’utilisation de certaines molécules et ces anomalies congénitales. C’est pour ça que les auteurs dans leur conclusion soulignent l’extrême prudence avec laquelle nous devons interpréter notamment l’association entre les anomalies neurologiques et l’exposition à l’efavirenz. Par ailleurs, pour toutes les autres molécules auxquelles femmes et fœtus ont pu être exposés et pour lesquelles il n’y a pas eu d’association, telles la névirapine, le ténofovir, le staludine, l’abacavir, le ritonavir, le lopinavir, cette étude est extrêmement réconfortante. Enfin, ces résultats semblent aller dans le sens des recommandations de l’OMS concernant la PTME, qui ne recommandent plus la zidovudine en traitement de première intention chez la femme enceinte et qui insistent sur l’importance du suivi chez les enfants exposés à l’efavirenz pendant la grossesse.
Bibliographie
Sibiude J, Mandelbrot L, Blanche S, Le Chenadec J, Boullag-Bonnet N, et al. (2014)
Association between Prenatal Exposure to Antiretroviral Therapy and Birth Defects: An Analysis of the French Perinatal Cohort Study (ANRS CO1/CO11). PLoS Med 11(4): e1001635.