C’est une étude importante que celle que présente Jade Ghosn dans une récente livraison de Clinical Infectious Disease. En effet, depuis que les bases scientifiques indiscutables du traitement comme outil de prévention (TASP) ont été posées, notamment avec les résultats de l’étude HPTN 052 qui montraient un niveau de réduction de 96% du risque de transmission chez les couples sero-différents hétérosexuels et, plus récemment encore, avec les données issues de l’étude PARTNERS renseignaient une partie de l’effet du TaspTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. dissociée sang / sperme est au coeur des discussions.
Jusqu’ici, les études étaient extrêmement contradictoires, avec des populations très différentes quant à l’évaluation de la proportion de patients infectés par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ayant une charge virale dans le sang en dessous de la limite de détection et, une charge virale dans le sperme positive dont la proportion variait de 5% à 30%. La plupart de ces études, à l’image de celle réalisée en France par l’équipe de la Pitié Salpêtrière (Marcelin and al , AIDS 2008 22 ; 1677-9 et celle de E. DULIOUST ans al AIDS 2010 ; 24 : 1595-8) étaient réalisées chez les patients inclus dans un programme de procréation médicalement assistée (PMA) donc, des hommes à priori strictement hétérosexuels, à priori mono-partenaire et surtout, dans un effort d’observance que l’on imagine concernant les enjeux de la démarche de procréation médicalement assistée (PMA). Dans ces études sus-citées, la proportion de charge virale dissociée entre le sang et le sperme était autour de 3% avec la question centrale qui était de comment extrapoler ces résultats en situation particulière des essais et chez une population hétérosexuelles aux HSH?
Une analyse de charge virale dans le sperme positive dans 7,6% des prélévements
L’étude EVARIST-ANRS EP 49 a concerné des patients HSH de plus de 18 ans, ayant une charge virale plasmatique contrôlée depuis plus de six mois, dans six centres d’experts parisiens. Sur la méthodologie, il était indiqué que l’analyse du sperme ne concernait pas seulement la recherche de l’ARN VIH, mais aussi la recherche de l’ADN VIH et bien sur la recherche des ISTIST Infections sexuellement transmissibles. associées (chlamydia, neceseria gonohrée, ueoplasma uréaliticum, etc…). Cette étude a concerné 157 personnes HSH vivant avec le VIH, entrant dans les critères d’inclusion dont, grâce à l’utilisation de test ultrasensibles, 23.3% (70) avait une charge virale comprise entre 10 et 50 copies et, 75%(225) avait une charge virale sanguine VIH inférieure à 10 copies/ml. Sur le plan comportemental, le nombre médian de partenaires occasionnels était de 6 [3-13] et 51.1% (72) reconnaissait avoir des rapports sexuels non protégés avec n’importe quel type de partenaires.
Sur les 157 patients inclus, avec un temps médian de charge virale plasmatique indétectable inférieure à 50copies/ml de 3.3 années, l’analyse de la charge virale dans le sperme était positive chez 23 sur 304 des prélèvements (deux prélèvements par personne) soit une prévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. de 7.6%. Autre information importante, la charge virale médiane dans le sperme chez ces personnes discordantes entre le plasma et le sperme était de 145 copies/ml (100-1475), soit une charge virale assez basse mais dont la signification en terme d’infectiosité pose évidement question comme cela est le cas dans la discussion de l’article. En analyse multi variée, les facteurs de risque d’avoir une charge virale plasmatique dissociée dans cette population HSH étaient : le niveau de l’ADN VIH dans les PBMC (OR 2.6 [1.2-6] et l’utilisation de cannabis durant les rapports sexuels.
Pour le moins paradoxale dans cette étude, mais cela aussi est discuté dans l’article, les auteurs ne retrouvent pas de corrélation, contrairement à toutes les études préalables, entre la charge virale dans le sperme et la présence d’une infection sexuellement transmissible (IST). L’explication fournie est que probablement il y avait une majorité de patients ayant une IST dans cette étude sous forme asymptomatique. Le point de discussion important est de savoir si cette charge virale plasmatique dissociée, qui est assez faible à 45 copies/ml en médiane, peut être corrélée avec un risque infectieux évaluable ? Les auteurs rapportent que la plupart des études de modèle où les études cliniques ont suggéré qu’une charge virale inférieure à 1000 copies/ml dans le sperme était assimilé à un niveau de risque bas de transmission dans le sens homme – femme, dont on ne sait rien des valeurs de cette charge virale, notamment dans une population qui serait différentes de celle de l’étude et, qui aurait une IST concomitante.
Enfin, l’étude EVARIST pointe, même s’il ne s’agit «que» du cannabis , les relations entre les drogues récréatives et la charge virale dissociée entre le sang et le sperme, ce qui est une première et qui doit être prise en compte évidement dans les études concernant le comportement et les risques de transmission du VIH chez les HSH.