Cet article a été publié dans le Transcriptases n°148, consacré à la 16e ICASA 2011.
L’actualité concernant cette maladie est en effet riche, entre un nouveau test de diagnostic prometteur, plusieurs études évaluant l’intérêt d’un dépistage systématique et d’un traitement précoce, des essais thérapeutiques évaluant de nouvelles options thérapeutiques plus abordables en contexte de faibles ressources et les premières recommandations de l’OMS pour la prise en charge de cette affection.
1/ La cryptococcose : première cause de mortalité chez les patients infectés par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et quatrième cause de mortalité dans la population générale en Afrique sub-saharienne?
Aussi étonnante que paraisse cette assertion, telle est la conclusion d’un travail publié en 2009 par Park, et al. des CDC d’Atlanta1Park BJ, Wannemuehler KA, Marston BJ, Govender N, Pappas PG,Chiller TM. Estimation of the current global burden of cryptococcal meningitis among persons living withHIV/AIDS. AIDS 2009 ; 23 :525-30, et cité à maintes reprises, notamment lors de cette 16ème ICASA, entre autre par Marco Vitoria de l’OMS2WELNADS31 : The Global Burden of Diseases of Priority Opportunistic Infections. De ce constat, largement méconnu, découle la priorité accordée à améliorer la prise en charge de cette maladie opportuniste.
2/ Le « cryptoPOCT » : le test idéal?
D’un point opérationnel, la cryptococcose mérite également d’être considérée comme une priorité de santé publique dans les RLS (Ressource limited settings)par l’accessibilité de son diagnostic. C’était déjà le cas avec l’examen microscopique du LCR après coloration à l’encre de Chine et la mesure de l’antigène cryptocoque par technique immunoenzymatique (EIA) ou par agglutination latex (LA) dans différents milieux (sang, LCR, urine). Pourtant, force est de constater que ce diagnostic est rarement fait dans ce contexte, y compris dans les structures de soins tertiaires et dans les services spécialisés, comme l’illustre le travail mené en Guinée par Grâce Choaken, Rosalie Vilain et al.3MOPE026 : Neurological Disorders among HIV infected Patients Hospitalized in Conakry : A Diagnosis to improve considering their Major Impact on Mortality. D’où l’intérêt particulier du CrAg Lateral Flow Assay (LFA) développé par le laboratoire IMMY : comparativement aux autres techniques (Nelesh Govender4WELNADS31 : Diagnostics of Cryptococcal Infections : Review and Updates), ce test a non seulement toutes les qualités d’un test point-of-care (POCT), à savoir la rapidité du résultat, la facilité de réalisation et d’interprétation (absence de nécessité d’une expertise technique), l’absence de nécessité d’une chaîne du froid et d’un équipement de laboratoire, mais il est également doté d’une excellente performance5Lindsley MD, Mekha N, Baggett HC, Surinthong Y, Autthateinchai R, Sawatwong P, Harris JR, Park BJ, Chiller T, Balajee SA, Poonwan N. Evaluation of a newly developed lateral flow immunoassay for the diagnosis of cryptococcosis. Clin Infect Dis. 2011 Aug ;53(4) :321-5, le tout malgré un coût extrêmement concurrentiel, y compris face à l’examen du LCR à l’encre de Chine. Ce test prometteur pourrait changer la donne et étendre enfin l’accès à la prise en charge d’une des infections opportunistes les plus meurtrières.
3/ Faut-il systématiser le dépistage?
Ce nouveau test relance notamment l’intérêt d’un dépistage systématique de la cryptococcose chez les sujets infectés par le VIH. Le taux de positivité est relativement important, y compris chez des sujets asymptomatiques, si on sélectionne des sujets avec des CD4<100, voire 200/mm3 comme l’a montré Abere Shiferaw en Ethiopie6THLB0303 : Screening for Cryptococcal Disease in HIV-Infected patients Visiting Black Lion and ALERT ART Clinics in Addis Ababa, Ethiopia, 2011. Monika Roy (CDC) a réussi à mettre en évidence dans une cohorte sud-africaine rétrospective7TUAB0503 : Evaluation of a Cryptococcal Antigen Screening Program for HIV-infected Persons Initiating Antiretroviral Therapy (ART) in South Africa, que ce dépistage permettait d’identifier des sujets avant le développement d’une cryptococcose méningée symptomatique, et avait un impact majeur sur le pronostic grâce à la remarquable efficacité et simplicité du traitement préemptif par fluconazole. Ce dépistage est recommandé, assez prudemment, par l’OMS8Rapid Advice. Management of cryptococcal disease in HIV-infected adults, adolescents and children. WHO, Dec 2011. : il est à considérer chez les sujets ayant moins de 100 CD4/mm3 si la prévalence de la cryptococcose dans le pays est supérieure à 3%. Ces recommandations reposent principalement sur une étude coût-efficacité publiée en 20109David B. Meya, Yukari C. Manabe, Barbara Castelnuovo, Bethany A. Cook, Ali M. Elbireer, Andrew Kambugu, Moses R. Kamya, Paul R. Bohjanen, and David R. Boulware. Cost-Effectiveness of Serum Cryptococcal Antigen Screening to Prevent Deaths among HIV-Infected Persons with a CD4+ Cell Count <100 Cells/mL Who Start HIV Therapy in Resource-Limited Settings. CID 2010 ; 51(4) :448-455, démontrant que le coût du traitement de la cryptococcose symptomatique (avec amphotéricine B) dépassait celui du dépistage systématique dès que la prévalence de l’affection dans la population considérée était supérieure à 3%.
4/ Les premières recommandations de l’OMS concernant une infection opportuniste (tuberculose exceptée)
Même après diagnostic, le pronostic de la cryptococcose reste sombre dans les RLS (Songida Ismael Ouattara10TUAB0504 : Prise en Charge et Devenir de la Cryptococcose Neuroméningée à l´Ère des Antirétroviraux chez les Adultes Ouest Africains (Côte d’Ivoire) Infectés par le VIH ). Une des raisons est l’inadaptation des protocoles thérapeutiques nationaux, bien mise en évidence par Philippa Easterbrook de l’OMS11TUAB0505 : Cryptococcal Meningitis (CM) : Review of Induction Treatment Guidance in Resource-Limited Settings. Même en cas de protocoles thérapeutiques conformes aux recommandations internationales, les produits sont fréquemment indisponibles ou la prévention des effets indésirables et la surveillance des traitements insuffisants. D’où la recherche de nouveaux protocoles thérapeutiques simplifiés, permettant notamment de trouver des alternatives à la classique induction par amphotéricine B + 5FC qui est particulièrement difficile à mettre en œuvre en RLS : raccourcissement de la durée de l’amphotéricine B (notamment si les moyens de prévention et surveillance de la toxicité manquent), voire utilisation de fluconazole seul à haute dose. L’ensemble de ces éléments ont abouti à l’élaboration d’un document de recommandation de l’OMS pour la prise en charge de la cryptococcose en RLS qui a été diffusé à l’occasion de l’ICASA (Rapid Advice7, la version complète est attendue en Mars 2012)12WELNADS31 : Overview of the WHO Guidelines on Management of Cryptococcal Infections, une première, puisqu’aucun guide de prise en des IO n’avait été produit à ce jour par cette institution.