Cet article fait partie du numéro 146 de la revue Transcriptases, qui doit être publié prochainement.
Diabète
Cohorte APROCO-COPILOTE ANRS CO8
Quelle est l’incidence annuelle des diabètes chez les personnes vivant avec le VIH ? La cohorte APROCO-COPILOTE a permis de la mesurer pendant 10 ans, jusqu’en 2009. Les 1 046 patients évaluables, inclus entre 1997 et 1999, ont reçu des antirétroviraux de première génération. Dans cette population de patients infectés depuis longtemps et soumis à des molécules toxiques sur le plan métabolique, l’incidence du diabète est élevée (14/1000 patients-années), quatre fois supérieure à celle de la population française (4-5/1000 patients-années). Sa survenue est associée à la prise de stavudine et d’indinavir en premier lieu, mais aussi à la présence d’un syndrome lipodystrophique (lipoatrophie périphérique ou hypertrophie abdominale). L’incidence des nouveaux diabètes était particulièrement élevée en 1999-2000. Problème : une fois installé, le diabète régresse rarement, même après l’arrêt des molécules en cause.
Capeau J et al., « Diabetes Mellitus in Treated HIV-infected Patients: Incidence over 10 Years in 1046 patients from the ANRS CO8 APROCO-COPILOTE Cohort », CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2011, Poster # 850
Evolution des causes de décès
Cohorte suisse SHCS
Comment ont évolué les causes de décès depuis l’arrivée des trithérapies ? Une étude à partir de la cohorte suisse apporte des éléments de réponse. L’analyse portait sur 459 patients décédés entre 2005 et 2009 sur un total de 9053 patients suivis. Elle révèle qu’entre les périodes 1984-1995 et 2005-2009, le profil des causes de décès évolue de façon majeure.
La mortalité récente implique surtout des causes non-classant sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. Une mortalité liée en majorité aux cancers non-classant et aux atteintes hépatiques, alors que la mortalité pour cause cardio-vasculaire reste faible. Au contraire, dans la population suisse non infectée, les causes cardio-vasculaires sont au premier plan, suivies des cancers.
Actuellement, les causes non-classant sida représentent 85 % de la mortalité, et les cancers un quart. Les cancers sont non-classant sida deux fois sur trois. En 2009, l’âge moyen de décès était de 49 ans et le taux moyen de 321 CD4/mm3.
L’analyse montre, comme attendu, que les causes classant sida sont majoritaires lorsque le taux de CD4 est inférieur à 50/mm3. Un taux de CD4 bas mais supérieur à 50/mm3 est associé à une plus forte mortalité par causes de cancer non classant sida ou hépatique, mais pas pour les causes cardio-vasculaires. Une co-infection par le par le virus de l’hépatite C (VHC) modifie les causes de décès qui deviennent pour un quart d’entre elles liées à des causes hépatiques, en mettant de côté les hépatocarcinomes (cancer primitif du foie).
Ruppik M et al., « Changing Patterns of Causes of Death: SHCS, 2005 to 2009 », CROI 2011, Poster #789
Incidence des co-morbidités associées au vieillissement
Cohorte suisse SHCS
La population infectée par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. vieillit. En 2010, 26 % des 8136 patients de la cohorte suisse ont entre 50 et 64 ans et 5 % plus de 65 ans. L’incidence des évènements cliniques entre 2008 et 2010 a été analysée pour ces trois groupes. Celle des événements classant sida, des infections bactériennes et des embolies pulmonaires ne varie pas en fonction de l’âge. En revanche, celle des comorbidités non-classant sida, des atteintes cardio-vasculaires (angioplastie coronaire, infarctus du myocarde), de l’ostéoporose, du diabète, des cancers non-classant sida, augmente après 50 ans, puis reste stable au-delà de 65 ans. Une nouvelle preuve que les comorbidités associées au vieillissement surviennent à partir de 50 ans chez les personnes vivant avec le VIH, soit beaucoup plus tôt qu’en population générale.
Hasse B et al., « Aging and Non-HIV-associated Co-morbidity in HIV+ Persons: The SHCS », CROI 2011, Poster #792
Troubles neurocognitifs associés aux VIH :
un rôle pour la translocation bactérienne et l’activation immune
Les troubles neurocognitifs légers observés chez les personnes vivant avec le VIH (HAND) dont le traitement antirétroviral est efficace (virus bien contrôlé) sont une préoccupation importante. Mais à ce jour, leurs causes sont mal identifiées.
Une étude s’est penchée sur le rôle de la translocation bactérienne. On sait en effet que l’atteinte de la muqueuse intestinale induit une augmentation de la translocation bactérienne et une élévation des taux de LPS circulants, qui persiste malgré le contrôle de la réplication virale. L’élévation du LPS induit une activation des acteurs de l’immunité innée, monocytes et macrophages, conduisant tout d’abord à une élévation du sCD14. Puis à une activation des CD4 et CD8, qui participe à une moins bonne reconstitution immune.
Deux études se sont penchées sur le rôle de ces paramètres – LPS et sCD14 – dans les troubles neurocognitifs légers. L’étude Neuradapt, pilotée par Pierre Dellamonica à Nice, a montré que les taux de LPS circulants (dosés par une équipe référente) étaient augmentés chez les patients présentant des troubles neurocognitifs légers, qu’ils soient symptomatiques ou non. Dans l’étude menée à la Harvard Medical School, les taux de sCD14 étaient augmentés chez les sujets présentant des troubles de l’attention et de l’apprentissage, mais pas ceux de LPS, très difficiles à doser. Cela suggère une implication des voies corticales et limbiques affectées par des processus d’inflammation chronique. Le sCD14 pourrait s’avérer un bon marqueur pour suivre l’évolution des troubles neurocognitifs.
Au total, ces deux études mettent en cause l’activation immune chez les patients dont le virus est bien contrôlé dans la survenue de certaines atteintes neuro-cognitives.
Carsenti-Dellamonica H et al., « LPS May Be a Predictive Factor Even in Mild Forms of HIV-associated Neurocognitive Impairment: Sub-analysis of the Neuradapt Study », CROI 2011, Poster #404
Lyons J et al., « Plasma-soluble CD14 Is a Strong Predictor of Impaired Neurocognitive Test Performance in Attention and Learning Domains in HIV-infected Subjects », CROI 2011, Poster #405
L’hydroxychloroquine, un futur traitement contre
l’activation immune et l’inflammation liée au VIH ?
L’hydroxychloroquine – un médicament notamment indiqué dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, du lupus et de la lucite – pourrait-elle diminuer l’activation immune et l’inflammation chez les personnes, qui malgré le traitement antirétroviral conservent une restauration immune insuffisante ? C’est ce que suggère une étude de Stefania Picoli, à Milan. Une hypothèse courante est que la « non-réponse immunologique » résulterait d’une activation immune augmentée en raison de la translocation bactérienne (passage de produits bactériens dans l’organisme, en raison de l’altération de la barrière intestinale). Une activation qui impliquerait la voie des récepteurs TLR.
L’étude suggère que l’hydroxychloroquine est capable de diminuer l’activation immune en bloquant l’activation des TLR. Quinze personnes sous traitement antirétroviral, avec moins de 200 CD4 / mm3 malgré une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. indétectable, ont été traitées par hydroxychloroquine 400 mg/jour pendant 6 mois. Une augmentation du taux des CD4 et une réduction de l’activation immune a été observée, et elle était associée à une baisse des taux d’IL-6. L’hydroxychloroquine se révélera-t-elle bénéfique chez les patients dont les CD4 ne sont pas suffisamment restaurés ? A suivre…
Piconi S et al., « Immunomodulatory Effects of Hydroxychloroquine in HIV-infected ART-treated Immunological Non-responders », CROI 2011, Poster #382