Le docteur Ragia Shawsky travaille au Caire pour l’Egyptian Initiative for Personal Rights, organisation non gouvernementale de promotion et de défense des droits de l’homme et de la liberté, dans le programme Santé et Droits de l’Homme. Sa structure est amenée à soutenir des personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. dans leurs démarches juridiques. Nous l’avons rencontré pour en apprendre plus sur la question du VIH en Egypte:
Discrimination et VIH
«La discrimination fait rage en Egypte envers les personnes vivant avec le VIH. En ce qui concerne la prise en charge des personnes vivant avec le VIH en Egypte, le suivi des personnes infectées est approximatif. Plusieurs d’entre eux sont déjà venus se plaindre de leur prise en charge médicale. Il n’existe pas de structure spécifique prenant en charge les personnes infectées par le VIH. Ils ne peuvent pas être hospitalisés dans les hôpitaux. En Egypte, il existe des Fever Hospital où sont prises en charge les nombreuses hépatites aiguës. Ce sont les seules structures où peuvent se rendre les personnes vivant avec le VIH en situation d’urgence, en pratique lorsque qu’ils présentent une infection opportuniste nécessitant une prise en charge.
L’accès à ces des Fever Hospital est gratuit mais certains traitements de maladies opportunistes coûtent très cher et ne sont pas accessibles. Ils ne peuvent pas être suivis dans ces structures. Ils n’ont pas accès au dosage des CD4 et à la mesure de la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. dosage indispensable au bon suivi de la maladie. Il existe un seul laboratoire au Caire et un à Alexandrie réalisant les CD4 mais pas régulièrement. La recherche du profil de résistance du virus n’est pas effectuée.
Des traitements ARV seulement depuis 2005
Pour le suivi et l’accès au traitement, les personnes vivant avec le VIH doivent se rendre dans les murs du ministère de la Santé où leur est délivré le traitement antirétroviral. Pendant longtemps, ils n’avaient accès qu’à la première ligne de traitement antirétroviral. Ils auraient maintenant accès à une deuxième ligne.
Quelques rares médecins ont été formés à la prise en charge du VIH mais ils sont disséminés sur le territoire et ne peuvent pas répondre aux besoins. L’Egypte était un des derniers pays à avoir rendu le traitement accessible (2005), et uniquement aux bithérapies initialement ; la trithérapie est maintenant disponible.
Dix-neuf centres de dépistage
Les choses pourraient s’améliorer avec le fond global de lutte contre le VIH, mais il y a très peu de transfert de fond du programme national vers les initiatives locales. L’état a récemment mis en place des actions dans le cadre du programme national. Parmi elles, une ligne de téléphone anonyme pour s’informer sur le VIH/Sida (023152801, 023152801) et une ligne gratuite (08007008000) joignables de 9h à 21h, 7 jours sur 7. Le problème est qu’il n’y a pas de communication sur cette ligne.
Des centres de dépistage anonymes et gratuits ont également été mis en place ; dix neufs en tout, certains mobiles d’autres fixes. Ils réalisent le test de manière anonyme et sont composés d’une équipe formée. Les personnes y aillant eu recours étaient satisfait. Cependant, si le test est positif et que vous voulez avoir accès aux traitements, votre nom est révélé. De plus la population ne connait pas l’existence des centres de dépistage. Il n’y a pas de messages les informant de leur existence.
La plupart des messages de prévention appellent à l’abstinence mais les groupes à haut risque ne sont déjà plus abstinents… Les messages plus concrets sont mal vus. Il y a très peu de message à propos du ‘safer sex’. C’est interdit par la religion. Les gens pensent que dieu les punira pour leur comportement. Dernièrement, le ministre de l’intérieur écrivait dans le journal qu’il aidait à prévenir le VIH en arrêtant les prostituées.
Pas d’anonymat
Il est écrit dans la loi qu’il est obligatoire de déclarer tout diagnostic de séropositivité pour le VIH. La déclaration est faite au ministère de la santé qui propose alors à la personne infectée de se présenter au ministère pour être enregistré et se voir proposer un traitement. Certains abus lié à cette absence d’anonymat ont été rapportés. Par exemple, il y a le cas d’un homme séropositif connu du ministère qui désirait se marier mais ne voulait pas annoncer sa séropositivité à sa future femme ni à sa belle-famille malgré la demande du médecin travaillant au ministère. Le médecin est alors allé rencontrer la famille et les voisins et leur a annoncé sa séropositivité. Nous n’avons pas pu engager de poursuite car l’homme n’a pas voulu porter plainte. C’est ce qui se passe souvent, les personnes vivant avec le VIH ont peur de s’engager dans des poursuites.
Pour les étrangers voulant travailler en Egypte, le test de dépistage du VIH est obligatoire et s’il est positif, l’entrée sur le territoire n’est pas permise. Il en est de même pour les Egyptiens désirant se rendre dans les pays arabes. C’est souvent une des occasions, avec le don du sang, à laquelle est diagnostiquée l’infection par le VIH. La majorité des personnes vivant avec le VIH perdent leur travail ou continuent à travailler en cachant leur situation. Pour travailler dans certaines compagnies, comme l’Organisation du Canal de Suez, le test du VIH et de l’hépatite C sont obligatoires.
Séropositivité et homosexualité
Parlons de l’arrestation de la personne séropositive qui a fait scandale en 2007. Tout a commencé avec deux jeunes hommes qui se bâtaient dans la rue. Des policiers sont intervenus. Un des jeunes hommes a dit au policier qu’il était séropositif et traité par le ministère de la santé, pensant naïvement que cela pourrait jouer en sa faveur.
Les policiers l’ont alors suspecté d’être homosexuel, ce qui est illégale en Egypte, et l’ont arrêté. Ce qui est puni par la loi c’est la pratique du sexe pour l’argent ou le multipartenariat, et donc non l’homosexualité en tant que telle. Il a été battu pendant son interrogatoire, ce qui est monnaie courante en Egypte, a eu un examen anal pour attester de son homosexualité et a été forcé à réaliser un test du VIH. Il est autorisé par la loi de réaliser un dépistage des maladies sexuellement transmissibles dans le cadre d’un crime sexuel. Les jeunes hommes furent finalement jugés et condamnés. Toutes les personnes suspectes d’être homosexuelles sont maltraitées. Ceci a une mauvaise influence sur la prévention.
Plusieurs ONG travaillent sur la question du VIH en Egypte. Récemment a été crée une ONG pour accompagner les personnes vivant avec le VIH. L’ONUSIDA est également actif.»