Viennent s’y ajouter des obstacles liés à la non maîtrise du français, à la crainte de l’expulsion, de la dénonciation et des contrôles, certains comportements culturels, la discrimination. Cet ensemble fait que ces personnes ont un plus faible accès au dépistage, à la prévention, aux soins et aux droits.
C’est à partir de ce constat et du manque de structures offrant des services d’information de proximité en mandarin et en espagnol auprès des communautés chinoise et latino-américaine qu’Arcat a initié, respectivement en 1999 et 2001, des programmes de prévention qu’elle continue depuis lors, car les obstacles cités sont toujours d’actualité et les besoins d’information toujours présents.
La barrière de la langue
Quelle que soit leur origine, les personnes rencontrées dans le cadre de nos actions de prévention ne parlent que leur langue maternelle. Elles ont toutes fait le choix de venir en France pour des raisons économiques. Qu’elles travaillent dans le bâtiment, la confection, dans le secteur de l’aide à domicile, de la garde d’enfant ou encore dans le secteur de la prostitution, elles sont majoritairement issues de régions du monde très pauvres (Chine, Equateur, Bolivie…). Cette migration s’inscrit dans l’illusion de trouver un «Eldorado» en Europe, avec des salaires qui permettraient d’offrir un monde meilleur à leur famille restée dans le pays d’origine.
En effet, il est important de souligner qu’une grande partie de ces personnes sont des soutiens de famille (parents, fratrie, enfants…). Elles fréquentent souvent des associations communautaires après leur arrivée en France. Notre système de santé leur est inconnu, source de préjugés, et bien souvent elles tardent à consulter ou à se faire dépister, pensant que ces services vont leur coûter cher, que le fait de ne pas avoir de papiers va leur porter préjudice ou bien qu’elles vont être mal accueillies et/ou non comprises.
Les informations données par ARCAT sur les maladies (VIH/sida mais aussi hépatites et tuberculose) et leur prévention, souvent sous forme d’entretiens individuels, vont donc intégrer des informations sur l’accès aux soins et les droits sociaux dans les langues maternelles, toujours appuyées par de nombreux documents. Des préservatifs masculins et féminins sont distribués en expliquant si nécessaire le mode d’emploi. Les actions menées auprès du public hispanophone (latino-américain) concernent aujourd’hui un public essentiellement prostitué alors que celles menées en milieu chinois touche un plus large public. Des orientations avec accompagnement physique sont si besoin réalisées.
Prostitution : l’obstacle de la répression
Concernant le public latino-américain, les actions de terrain auprès des travailleurs du sexe ont débuté dès le vote de la Loi pour la sécurité intérieure (LSI) en mars 2003 ; celle-ci a en effet eu pour conséquence la mise en place d’une répression policière très importante à l’encontre des travailleurs du sexe qui ont quitté les lieux parisiens de prostitution pour se rendre dans des forêts plus éloignées des centres villes (Saint-Germain, Melun-Sénart…) où elles se cachent ; les actions de prévention ont été plus compliquées de ce fait, et nous avons observé une dégradation des conditions sociales de ce public, l’amenant souvent à des prises de risques importantes ainsi qu’à une vulnérabilité accrue face au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ou autres ISTIST Infections sexuellement transmissibles.
Concrètement, nous menons des actions lors de tournées mobiles dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye avec le Bus des femmes, ainsi que dans un local situé dans le 17e arrondissement de Paris (lieu de vie des latinos en situation de grande précarité, dont de nombreux transgenres). Des séances d’information collectives sont menées par ailleurs en partenariat avec l’Union des Associations latino-américaines (regroupant une vingtaine d’associations) lors de soirées festives et des fêtes nationales, visant un large public, notamment des jeunes.
Combattre les tabous et les préjugés
Concernant la communauté chinoise, il existe une difficulté à parler de sexualité et les tabous sont nombreux. Originaires de différentes régions de Chine, essentiellement de Whenzou et Dongbei mais de plus en plus de la Chine centrale, les personnes restent très attachées aux médecines dites traditionnelles et n’ont souvent recours à la médecine allopathique qu’en dernier recours lorsque leur état de santé ne s’améliore pas, voire même s’aggrave. Des actions sont menées en partenariat avec des associations franco-chinoises comme Pierre Ducerf et des structures telles que le centre Croix-Rouge du Moulin Joly, le centre IST de l’hôpital Saint-Louis, hôpital particulièrement fréquenté par la communauté chinoise, le Lotus Bus, le centre social du Bas Belleville : des permanences d’information en mandarin sont menées dans trois de ces structures. Par ailleurs, des médias tels que le site internet Huarenjie et la presse chinoise permettent de relayer l’information et d’orienter un grand nombre de personnes vers ARCAT. Une mobilisation importante de la communauté a lieu autour du 1er décembre.
C’est donc dans un contexte social, politique et sanitaire complexe que les actions de prévention d’ARCAT continuent à être menées au plus près de la réalité vécue par les migrants chinois et latino-américains, tout en prenant en compte les différences culturelles de chacun.