Ce numéro consacre un large dossier aux communautés thérapeutiques (CT). Concept ancien qui fonde le réapprentissage de la vie sans produit sur le groupe avec un rôle croissant des résidents selon leur antériorité au sein de la CT et un soutien des professionnels et ce, dans un cadre fermé.
Pourtant les communautés thérapeutiques, entachées par les dérives sectaires à l’instar du Patriarche de Lucien Engelmajer (cf. Swaps n° 103) étaient à la fin des années 1990 largement décriées. Le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. avait imposé –non sans mal et lenteur en France– la RdR et la substitution, mais le modèle d’un séjour long et protégé méritait d’être reconsidéré face à la diversité des addictions et des besoins qu’elles engendrent. C’est ce qu’expriment à la fois le témoignage à la première personne de Didier Jayle, alors président de la Mildt et fondateur de Swaps (p. 13) et l’article très documenté de Ruth Gozlan et de Jean-Pierre Couteron (p. 15). Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l’alcool confirmait alors la nécessité d’un répertoire de soins variés, répondant au cas par cas à la diversité des parcours de vie, des parcours d’usage et des parcours de sortie de la drogue. Ce volontarisme se manifeste dans la note interne à la Mildt de 2004, intitulée «Propositions pour l’ouverture de nouvelles communautés en France» et précisait bien que les communautés thérapeutiques ne venaient pas se substituer à l’offre plus classique: postcure, prise en charge psychologique, accompagnement social ou traitement de substitution pour la dépendance aux opiacés. Il s’agissait d’offrir des nouvelles conditions de prises en charge, protégées des dérives autoritaires, du prosélytisme religieux ou sectaire ou encore de l’exploitation mercantile. C’était l’objet du cahier des charges coconstruit patiemment avec les professionnels de l’addiction et mis en place en 2006 par une circulaire de la Mildt. À ce jour, une douzaine de communautés thérapeutiques sont déployées en France, dont huit sur le modèle du cahier des charges de 2006.
La place de la communauté thérapeutique se pose assez clairement pour Élisabeth Avril (cf. p.28) pour les usagers du crackCrack Le crack est inscrit sur la liste des stupéfiants et est la dénomination que l'on donne à la forme base libre de la cocaïne. Par ailleurs, ce dernier terme est en fait trompeur, car le mot cocaïne désigne en réalité le chlorhydrate de cocaïne. L'origine du mot 'crack' provient du craquement sonore qu'il produit en chauffant. en situation d’extrême précarité qui ont besoin d’une prise en charge individualisée à laquelle ne répondent que de façon très insuffisante ou trop partielle les modèles existants. La situation et l’addiction des usagers de crack appellent à l’invention de nouveaux parcours de prise en charge, plaide-t-elle. On lira avec attention le témoignage de Susie Longbottom (p. 21) qui a participé à la création du centre Apte, avec Kate Barry, et qui a aussi dirigé la communauté thérapeutique de l’association Aurore à Aubervilliers —expérience rare de CT en milieu urbain— avec au sein de ce témoignage la question centrale du sevrage préalable à la plupart des prises en charge, en opposition avec l’approche de réduction des risques soutenue notamment par la substitution sur le versant du traitement. Les produits et les usages évoluent, et avec eux les formes de l’addiction, qui vont du cadre addict au chemsexChemsex Le chemsex recouvre l’ensemble des pratiques relativement nouvelles apparues chez certains hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), mêlant sexe, le plus souvent en groupe, et la consommation de produits psychoactifs de synthèse. à la personne sans domicile, souvent migrante, chassée chaque jour de son morceau de trottoir. L’offre de prise en charge doit s’adapter à ces contextes, immense défi pour les professionnels qui se heurtent à l’indifférence de l’État et à l’hostilité du «not in my backyard».