L’Organisation mondiale de la santé (OMS) défini l’infodémie comme une surabondance d’informations, exactes ou non, dans l’espace numérique et physique, accompagnant un événement sanitaire aigu tel qu’une flambée ou une épidémie. Elle peut avoir un impact sur la perception des risques, la confiance dans le système de santé et les professionnels de la santé.
L’analyse des composants de la désinformation, des fake news, du complotisme sanitaire et l’évaluation de leur impact sur les politiques publiques de prévention et de réponse aux pandémies apparait pourtant comme essentielle pour la communauté scientifique, afin de déterminer la riposte qu’elle se doit d’y apporter.
Une récente revue générale sur le sujet atteste que les infodémies ont un impact délétère sur la santé physique et mentale, affectant les dimensions sociales et politiques comme l’antivaX ou le rejet des politiques publiques1Lamis Abuhaloob, Tina D Purnat, Celine Tabche, Zeenah Atwan, Elizabeth Dubois, Salman Rawaf. Management of infodemics in outbreaks or health crises: a systematic review. Front Public Health. 2024 Mar 15:12:1343902. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38566799/.
La session dédiée intitulée «How to address anti-science in our community?» n’a pas vraiment tenu ses promesses. Malgré Tyra Grove Krause (Staten Serum Institut, Danemark) qui a rappelé en introduction qu’il s’agissait d’«un sujet particulièrement d’actualité à l’heure de la désinformation notamment vis-à-vis du vaccin contre la rougeole». Sans en dire plus. A ce titre, la session était assez décevante au regard de l’importance du sujet et du nombre d’équipes dans le monde —notamment en France2L’ANRS-MIE, partenaire de la couverture de l’ESCMID 2025 avec Vih.org, s’est dotée d’un groupe de travail «Infodémie» auquel participe l’auteur de ces lignes— qui travaillent en science de l’information sur l’infodémie, particulièrement celle qui passe par les réseaux sociaux.
Une projection-débat pour illustrer l’infodémie
La surprise est venue d’une session inattendue de « movie » dédiée à la projection-débat du film Contagion, ce thriller d’anticipation américain réalisé par Steven Soderbergh, sorti en 2011; neuf ans après l’émergence du SRAS (800 morts) dont il reprend des éléments de réalité et huit ans avant le Sars-Cov-2 (7 090 776 de morts selon l’OMS au 23 février 2025), dont il anticipe à l’américaine certaines des retombées. Un film «très US centré» selon William Hanage (Boston, Etats-Unis), co-chair de la session. On y voit entre autres Gwyneth Paltrow mimer parfaitement la convulsion, un complotiste Alan Krudwiede (joué par Jude Law) en campagne de désinformation à partir de la vidéo d’un homme s’effondrant dans le métro hongkongais et le docteur Erin Mears (Kate Winslet) nous expliquer l’importance du taux de reproduction (R0). Sièges de congrès, questionnaire papier et des pop corn pour la salle (trop de bruit de papier) et Martini (vrai ?) pour les chairmen. Une ambiance de salle de cinéma d’art et d’essais assez rare dans un congrès mondial.
La projection était entrecoupée par deux fois d’un débat avec la salle (d’abord à la 35eme minute du film) autour de questions centrales que pose en filigrane ce film prémonitoire de la crise sanitaire :
- «Basé sur ce que vous venez de voir, pouvez-vous prédire ce qui va arriver?»
- «Quelles stratégies de contrôle sanitaire mettriez-vous en place à ce stade?»
- «Quels exemples vous semblent similaires?»
- «Est-ce que le R0 permet de comprendre un potentiel épidémique?»
Puis au bout d’une heure et dix minutes de film :
- «À quel challenge sont confrontés les scientifiques pour développer un vaccin sous la pression?»
- «Comment la désinformation impacte-t-elle les efforts de santé publique? etc.»
Iconoclaste et intéressant débat.
Revenons à la courte session orale qui précéda la session «movie» sur le thème «How to address anti-science in our community»: les deux communications orales ont surtout tourné autour d’une réflexion sur la «vérité» en science qui est un sujet dans le sujet. Selon une étude danoise, 19% des personnes considèrent que les scientifiques ne doivent pas communiquer avec les politiques. A aussi été évoqué le poids différentiel des religions dans l’infodémie identifié dans la plupart des études ou sondages et la corrélation inverse entre equality et truth. On a regretté une focalisation sur le Covid alors que la question du confinement qui a fait perdre la confiance envers le politique et le scientifique demeure exportable à d’autres agents infectieux comme on l’a vu récemment pour le pseudo «nouveau virus chinois» —en l’occurrence le metapneumovirus—, ou le Mpox. Au-delà des concepts mobilisés avec peu d’études citées sur les fake news circulant sur les réseaux sociaux, on retiendra le baromètre «Eurobaromètre 2024» qui établit que 80% des personnes interrogées considèrent que les recherches publiques devraient être disponibles online et en libre accès et 77% qui déclarent que la science et la technologie devraient mieux considérer les besoins des personnes dans la recherche et le développement des molécules ou des stratégies préventives. Une position citoyenne qui donne l’impression que la recherche ne traite pas des questions qui sont importantes pour eux, ce qui représenterait une critique sérieuse – et sans doute en grande partie infondée de la science.
Quelques recettes ont été distillées par l’oratrice danoise quant à la manière d’aborder l’anti-science :
- «Prenez le problème au sérieux, ne pensez pas qu’il ne vous concerne pas.»
- «Critiquez la qualité de la recherche»
- «Abordez la culture universitaire en vérifiant les sources»
- «Prenez des mesures contre les acteurs malveillants affiliés à des universités»
- «Prenez les préoccupations des citoyens au sérieux»
- «Méfiez-vous des tactiques politiques populistes (et demandez conseil!)»
Gageons que les organisateurs des prochaines conférences nationales ou internationales (JNI, EACS, IAS, AFRAVIH…) seront mieux inspirés. A l’heure des réseaux sociaux, de l’IA et des algorithmes, on peut craindre que ces recommandations soient peu efficaces !
