Gestion de la crise du Covid-19: Le curieux rapport d’une commission du Congrès américain

Plus de 500 pages «pour préparer le pays et le monde à une future épidémie». Tel est l’objectif du rapporteur Brad Wenstrup, à la tête d’une sous-commission du Congrès qui s’est penchée sur la gestion du Covid. Un rapport très à charge, notamment concernant la période Biden, quitte à ne pas étayer ses affirmations.

Un rapport d’une sous-commission du Congrès américain à majorité républicaine sur la gestion politique du Covid aux États-Unis circule sur les réseaux sociaux depuis qu’il a été rendu public le 3 décembre 2024 (.pdf, 46Mo). A fortiori dans les courants anti-vaccinations et complotistes, mais pas que.

Ce rapport d’un sous-comité, présidé par le représentant républicain de l’Ohio Brad Wenstrup, podologue de formation, s’inscrit dans un contexte politique très particulier, dans l’attente de la montée au pouvoir de Donald Trump II et de la nomination de son ministre de la Santé, Robert F. Kennedy Jr., si controversé pour ses prises de position négationnistes (VIH, vaccins, Covid-19Covid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. rougeole, personnes trans, etc.) et tête de pont anti-Vax classé n°2 aux États-Unis par le CCDH (Center for Counturing Digital Hate), l’un des sites les plus engagés dans la lutte contre le complotisme et les fake news (voir notre article: Élection de Donald Trump : l’arrivée de Robert F. Kennedy, Jr. ou le complotisme sanitaire au pouvoir).

L’ensemble se présente comme un mélange d’approximations scientifiques, de prises de position politique en santé publique et de charges contre l’administration Biden dans sa gestion du CovidCovid-19 Une maladie à coronavirus, parfois désignée covid (d'après l'acronyme anglais de coronavirus disease) est une maladie causée par un coronavirus (CoV). L'expression peut faire référence aux maladies suivantes : le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) causé par le virus SARS-CoV, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) causé par le virus MERS-CoV, la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) causée par le virus SARS-CoV-2. qui semble être l’objectif premier.

Télécharger le rapport : AFTER ACTION REVIEW OF THE COVID-19 PANDEMIC: The Lessons Learned and a Path Forward, pdf, 46Mo.

Fac-similé

La méthodologie est assez surprenante. En deux ans de travail, depuis février 2023, la commission a auditionné 35 personnes dont les dépositions sont retranscrites (dont celle de Trump) et organisé 25 auditions et réunions. L’ensemble est fait de fac-similés de questions-réponses et de mails avec les points clés en encadré. Quelques citations donnent la tonalité de ce rapport très politique: «L’origine la plus probable de la pandémie de Covid-19 est un incident de laboratoire impliquant une recherche dangereuse sur le gain de fonction1En virologie les expériences gain de fonction consistent à modifier génétiquement des virus pour les rendre plus transmissibles ou plus virulents. en Chine. EcoHealth Alliance Inc. a utilisé l’argent du contribuable américain pour faciliter la recherche sur le gain de fonction à Wuhan, en Chine». La sous-commission prend clairement parti en affirmant que le Sars-Cov-2 «est très probablement apparu dans un laboratoire de Wuhan, en Chine».

Alors que, comme le rappelle CNN, la plupart des agences de renseignement américaines allèguent que le virus n’a pas été génétiquement modifié, on ne sait toujours pas exactement comment la pandémie a commencé. Si une analyse des services de renseignement américains, publiée l’année dernière, a indiqué qu’une origine naturelle ou en laboratoire était possible, la communauté scientifique reste divisée sur la question.

Le ministère américain de l’Énergie a estimé l’année dernière qu’il avait «peu confiance dans la théorie de la fuite en laboratoire». Aucune agence fédérale américaine ne pense que le virus à l’origine du Covid-19 a été créé comme une arme biologique. La Chine pour sa part a balayé les conclusions de ce rapport, jugeant qu’il n’avait «aucune crédibilité» et accusant Washington de se servir de l’épidémie pour faire de la «manipulation politique». «La conclusion scientifique faisant autorité tirée par l’équipe conjointe d’experts Chine-OMS (…) est que la fuite d’un laboratoire est extrêmement improbable», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois, Lin Jian, au cours d’une conférence de presse. «En l’absence de toute preuve substantielle, le soi-disant rapport américain a concocté les conclusions principales, calomnié la Chine et introduit de fausses preuves», a-t-il déclaré.

Florence Débarre évoquait déjà sur Vih.org ses doutes quant au travail de cette Commission très politique: «Aux États-Unis, les auditions menées par le comité Covid de la chambre des représentants repassée sous majorité républicaine, visent à trouver des coupables et des complices uniquement dans le cadre d’une origine de laboratoire. Si aucun effort n’est fait en parallèle pour retracer les chaines d’approvisionnement du marché de Huanan et mener des enquêtes historiques sur les fournisseurs et sur d’éventuels événements liés à des infections d’animaux fin 2019, alors il est probable que l’origine du virus ne pourra pas être élucidée.»

Les suppôts de l’hydroxychloroquine

Le rapport dénonce, comme attendu, les « fausses informations » que les responsables américains de la santé ont diffusées sur l’utilisation de médicaments hors indications tels que l’ivermectine et l’hydroxychloroquine qui, selon la Food and Drug Administration (FDA), sont jugés comme non efficaces contre le Sars-Cov-2.

S’agissant de l’hydroxychloroquine (12 citations), on retiendra cette assertion: «Cependant, au cours de la pandémie, les utilisations non indiquées sur les notices des traitements possibles pour le Covid-19 ont été rapidement et systématiquement diabolisées. Les médecins ont souvent été réprimandés, menacés, censurés, voire licenciés par leurs employeurs pour avoir agi de la sorte. Le gouvernement fédéral a armé les agences de santé publique pour promouvoir la peur autour des médicaments tels que l’ivermectine et l’hydroxychloroquine. La plus célèbre de ces actions a été celle de la FDA qui a tweeté depuis son compte officiel Twitter (aujourd’hui X) : «Vous n’êtes pas un cheval. Vous n’êtes pas une vache. Sérieusement, tout le monde. Arrêtez!»

Des affirmations non-étayées

On observe quelques curiosités non sourcées, telle la comparaison du taux de cas de Covid dans les États ayant imposé le masque vs les autres sans tenir compte des autres facteurs.

Sur les masques

«Masks and Mask Mandates Were Ineffective at Controlling the Spread of Covid-19.»

Sur les atteintes aux libertés

  • «Au lieu de donner la priorité à la protection des populations les plus vulnérables, les politiques du gouvernement fédéral et des États ont forcé des millions d’Américains à renoncer à des éléments cruciaux d’une vie saine, heureuse et financièrement saine.»
  • «Plus de 160 000 entreprises ont fermé en raison de la pandémie de Covid-19, et 60 % de ces fermetures ont été considérées comme définitives. Les taux de chômage ont atteint des niveaux jamais vus depuis la Grande Dépression».
  • «La “science” n’a jamais justifié la fermeture prolongée des écoles. Les enfants ont subi des pertes d’apprentissage historiques, des taux plus élevés de détresse psychologique et une diminution de leur bien-être physique ». Pour mémoire, on relira l’intéressante analyse de Mélanie Heard pour Terra Nova des enjeux de la prévention contre le Covid à l’école sans sous-estimer l’impact délétère de certaines mesures.

Sur les vaccins

  • «Contrairement à ce qui avait été promis, le vaccin Covid-19 n’a pas empêché la propagation ou la transmission du virus. L’obligation vaccinale bafoue les libertés individuelles et nuit à l’état de préparation des forces armées ».
  • Le rapport accuse également les responsables de la santé publique de prendre part à un « effort coordonné… pour ignorer l’immunité naturelle et supprimer les opinions dissidentes ». Vieux débat et vieilles polémiques. Il est vrai que les vaccins ARNm ont été développés pour diminuer les formes graves et les décès. Pas les contaminations.

Ce sont là évidemment des prises de positions politiques qui se tiennent à distance des données scientifiques s’agissant des enfants et du débat sur immunité naturelle versus immunité induite par les vaccins. Mais la plus grande méta-analyse publiée dans The Lancet en 2023, qui compile 65 études dans 19 pays, ne permet pas de trancher en faveur de l’immunité naturelle. Bien au contraire, l’étude pointe la labilité dans le temps de la réponse immune induite, plaidant en faveur de rappels vaccinaux adaptés aux variants. Ce qui est le cas actuellement et ce que permet la fabrication rapide des vaccins ARNm. Rappelons la note des deux Académies Sciences et Médecine de janvier 2022, au sujet de la vaccination chez les enfants.

Et précisons au passage que le candidat du président élu Donald Trump à la tête de la FDA dans sa prochaine administration, le Dr Marty Makary, est depuis longtemps un partisan de l’importance de l’immunité naturelle et a soutenu dans un article d’opinion de 2021 qu’elle est supérieure à l’immunité après vaccination.

Pour CNN, « les audiences du panel étaient souvent partisanes, les législateurs échangeant des critiques. Avec huit républicains et six démocrates en son sein, la sous-commission avait de grandes ambitions, selon Brad Wenstrup: «Une pandémie future exige une réponse globale sans bénéfice personnel ou préjugé. Nous pouvons toujours faire mieux et pour le salut des générations futures, nous le devons.»