C’est une «petite» candidate, qui est loin d’obtenir les parrainages, à l’heure où ces lignes sont écrites… Stéphanie Rivoal, ex-présidente d’Action contre la faim, puis ambassadrice de France en Ouganda, se présente comme la «candidate du troisième type». Dans son programme, figurent pêle-mêle: «rétablir le service militaire, légaliser le cannabis en permettant aux délinquants de devenir autoentrepreneurs, revoir le statut des fonctionnaires, remettre à plat l’Éducation nationale, supprimer le bac et les concours de la fonction publique, créer un lycée unique»… Des propositions iconoclastes qui ont toutes les chances de passer inaperçues.
La gauche, de «oui» à «oui, si…»
François Hollande, ancien président mais pas candidat, a mis son grain de sel à plusieurs reprises, notamment lorsque la nouvelle coalition gouvernementale allemande s’est prononcée en faveur de la légalisation du cannabis. François Hollande, auparavant opposé à toute dépénalisation, a déclaré sur France bleu Isère le 29 novembre dernier: «Je suis ce sujet avec beaucoup d’attention. Si on veut casser les trafics, il faut mettre en place une politique qui permette de distribuer le cannabis sous contrôle, avoir une politique de santé publique et faire en sorte qu’il n’y ait plus ce qu’on voit aujourd’hui, avec des consommateurs qui favorisent des trafics et des organisateurs de ces trafics qui fournissent souvent du cannabis de très mauvaise qualité. Je pense qu’il faut aller vers la légalisation du cannabis.»
Au menu des 70 propositions de la candidate du PS, Anne Hidalgo, figure l’idée d’une conférence de consensus, sur le territoire national, avec l’appui des maires: «Nous entrerons dans ce travail et cette discussion par les questions de santé publique et de prévention des addictions pour construire des solutions efficaces. […] Nous insisterons sur la prévention et la lutte contre les addictions, sur le combat offensif contre le commerce illégal du cannabis et nous examinerons sans tabou la question d’une légalisation menée sous le contrôle et l’encadrement strict de l’État pour les clients et consommateurs de plus de 18 ans. Si elle aboutissait, comme en Allemagne, l’État reprendrait le contrôle de la production et de la qualité de ce produit, ainsi que le contrôle de sa mise sur le marché», peut-on lire dans son programme.
L’idée séduit son camarade du PCF, Fabien Roussel, qui appelle également à «un débat démocratique, rigoureux et éclairé par le travail des professionnel·le·s en première ligne de la lutte contre les addictions, qui devra être conduit en concertation avec les communes». Son programme des «jours heureux» appelle à une nouvelle politique concernant l’usage des drogues, avec un volant investissement pour déployer des Csapa sur tout le territoire, recruter des personnels et soutenir les associations, tout en renforçant les moyens de la police, justice et douanes pour lutter contre les trafics.
Traditionnellement pour, les Verts soutiennent la légalisation encadrée, à la fois pour contrôler la production et la vente, lutter contre les trafics et privilégier la santé publique. Visitant un laboratoire producteur de cannabis thérapeutique à Angers début janvier, Yannick Jadot a critiqué la position française, dogmatique sur le cannabis thérapeutique, et irrationnelle sur le cannabis thérapeutique: «Dans notre pays on peut produire des pesticides interdits en Europe pour les exporter en Afrique, mais on ne peut pas produire du cannabis thérapeutique»… Son programme le dit: «Nous proposons de légaliser et d’encadrer la consommation, la production et la vente de cannabis à des fins récréatives, en affectant les recettes des taxes sur le cannabis à la lutte contre les addictions et à de l’accompagnement vers l’emploi et la normalisation économique.»
La France insoumise est depuis 2017 sur ce même créneau: «le reste a échoué», selon Jean-Luc Mélenchon. Reste donc à légaliser et à traiter le cannabis comme l’alcool ou le tabac, pour rediriger le travail des policiers et renforcer la santé publique. Si rien n’est écrit dans le programme de Philippe Poutou, le militant du NPA défend une vision libertaire; comme en témoigne ce Tweet de 2017: «Pour la légalisation du #cannabis , la dépénalisation des drogues, pour un accompagnement médical. Stop à la répression.»
À droite, non!
Si la droite s’est montrée pragmatique sur la question des drogues (cf. articles d’Alexandre Marchant et Fabrice Olivet du Swaps n°101), la cuvée 2022 s’affiche nettement plus dure. En avril dernier, Valérie Pécresse s’est dire opposée à la légalisation, pour «deux raisons»: il s’agit d’une substance «mauvaise pour la santé» et cela «fait sauter l’interdit sur la drogue»1Grand Rendez-vous Europe 1/CNews/Les Échos, avril 2021. Elle défend «l’amende pénale», qui permet de «taper au portefeuille des consommateurs». Son lieutenant en charge des questions de santé, le Dr Philippe Juvin, s’est dit opposé aux salles de consommation à moindre risque, déclinant la ligne de Valérie Pécresse: «Il faut pouvoir avoir des injonctions de soins», plutôt en «centre de désintoxication»…
Le sujet ne figure même pas au catalogue des idées de Marine Le Pen… Son parti n’a pas bougé d’un iota sur ces questions depuis 1972. Pire, elle affirmait sur l’antenne de France Inter en septembre 2020, que l’amende pénale serait «le début de la légalisation». Tolérance zéro également du côté de Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne et président de Debout la France, qui vitupérait en juin dernier à propos des usagers de crack parisiens: «Qu’attend-on pour envoyer ces drogués en centre fermé ou pour les expulser quand ils sont étrangers?».
De manière assez surprenante, Éric Zemmour s’est montré favorable à une légalisation, avant même la campagne… En mai dernier, le polémiste déclarait sur l’antenne de CNews avoir évolué sur la question: «Je me demande – oui j’en suis arrivé là – si on ne devrait pas organiser la légalisation ordonnée du cannabis. […] J’essaye de faire un raisonnement froid en dehors de mes réflexes et de mon tempérament. Moi, mon tempérament, c’est de réprimer et de taper encore plus fort. […] Mais vraiment, ça ne marche pas!» Aucune ligne à ce sujet dans son programme officiel, qui décline en matière de sécurité les objectifs de «créer une force nationale anti-drogue» et d’«expulser automatiquement les trafiquants». Et devant le syndicat policier Alliance, le 2 février, il a déploré les «enclaves étrangères» que sont les cités, où «règne un mélange d’islam et de violence des caïds de la drogue». Tout en promettant de redonner aux policiers les moyens d’une action musclée: «Je veux que vous redeveniez les chasseurs, pas les gibiers.»