Il y a de quoi s’inquiéter : lors d’un événement parallèle de haut niveau organisé par plusieurs pays dont les États-Unis, avec l’aide de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), d’inquiétants chiffres ont été rappelés: le Rapport mondial sur les drogues relève près de 450000 morts dues aux drogues en 2016, dont de nombreuses overdoses (76% liées aux opioïdes).
Alexis Goosdeel, directeur de l’EMCDDA, a présenté les statistiques européennes: 9138 morts par overdose, dont 78% dues aux opioïdes en 2018, dans 28 pays de l’Union européenne, la Norvège et la Turquie. Le nombre de morts – souvent liées à la polyconsommation: opioïdes et héroïne, opioïdes et benzodiazépines – est en progression notamment dans les groupes plus âgés. La plupart des overdoses en Estonie sont liées au fentanyl, un produit dont les saisies sont en augmentation depuis 2015. Pour le clinicien, «il est grand temps d’arrêter de parler et de fournir les services utiles aux usagers». Il déploie le portfolio d’interventions disponibles : salles de consommation à moindre risque, programmes Naloxone, traitements de substitution aux opiacées, services bas seuil, évaluation du risque et prise en charge des overdoses, etc. Et déplore les freins à l’accès à la Naloxone : disponibilité en pharmacies, prix, barrières réglementaires, formations, etc. Un activiste écossais présent dans l’assistance intervient pour souligner qu’un programme de distribution de seringues préremplies par les pairs s’avère beaucoup plus efficace que celle effectuée les services de santé: 1 300 unités sont distribuées par 8 pairs en 3 semaines.
L’exemple des États-Unis
Le contre-amiral Sylvia Trent-Adams, sous-secrétaire principale adjointe à la Santé américaine, présente les premiers résultats de l’initiative du président Trump, introduite en octobre 2017. Alors que 11,4 millions d’Américains ont des problèmes de mésusage, que le pays a enregistré plus de 70 000 morts par overdoses en 2017 dont 47 605 liées aux opioïdes, l’initiative Trump, dotée de 6 milliards de dollars, tend à améliorer l’accès à la prévention et aux traitements, la disponibilité des traitements antagonistes des overdoses, ou la collecte des datas… Les Centers for Diseases Control, par exemple, financent des études et ont publié un guide pour encadrer la prescription d’antidouleurs à destination des médecins. Depuis janvier 2017, la prescription des opioïdes a baissé de 25,6%, affirme Sylvia Trent-Adams, tandis que celle de Naloxone a augmenté de 338%. Le nombre d’overdoses décroît de 14%.
La Naloxone, utilisée depuis cinquante ans, est efficace pour prévenir les overdoses, a rappelé Raed Arafat, MD, Secrétaire d’État au ministère de la Santé roumain. Son pays va mettre en place un programme de Naloxone à domicile (take-home) pour les personnes inscrites dans les programmes d’échanges de seringue. En Slovénie, qui selon le Dr Mateja Jandl de l’Institut national pour la santé publique, a une longue tradition de réduction des risques, on attend beaucoup de ce type de programme. Le petit pays connaît une augmentation du nombre de morts liées à l’usage de drogues, supérieure à la moyenne européenne.
Des réponses ?
Au-delà de la résolution adoptée à Vienne, une Boîte à outils des Nations unies sur les drogues synthétiques a été révélée lors d’un évènement parallèle organisé par les gouvernements du Canada, de la Colombie et des États-Unis. Cette plateforme en ligne «offre des outils novateurs et pratiques pour relever les défis liés aux drogues synthétiques et en particulier aux opioïdes» selon l’ONUDC. Elle peut aussi servir d’outil d’auto-évaluation pour que les pays identifient les défis spécifiques auxquels ils sont confrontés en matière de drogues synthétiques. Actuellement, trois modules sont complets et accessibles: juridique, médico-légal et précurseurs. D’autres modules sont en cours d’élaboration et seront bientôt disponibles (prévention, traitement et réadaptation, accès aux médicaments).
En outre, la boîte à outils sera fréquemment mise à jour et complétée par des ressources supplémentaires. Les États membres sont donc invités à se servir de cette boîte à outils pour «mettre en œuvre au niveau national des interventions stratégiques propres à donner des résultats rapides et concluants en matière d’interdiction et de réduction sensible de la fabrication, de la commercialisation et du trafic illicites de drogues synthétiques, notamment d’opioïdes de synthèse, compte tenu des contextes nationaux».