Le système international de contrôle des drogues se base sur trois textes : la Convention unique sur les stupéfiants (1961), la Convention sur les substances psychotropes (1971) et la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (1988). Le nombre d’états membres de ces conventions des Nations unies est de 184 (pour celle de 1961) et de 189 (pour celle de 1988).
Le mode d’interprétation des conventions provoque l’insatisfaction d’un certain nombre de pays. Ceux à l’initiative de cette UNGASS (notamment les pays d’Amérique centrale et du Sud) soulignent qu’il ne s’agit pas tant de débattre d’une modification des conventions que d’envisager une souplesse d’interprétation ouvrant la voie à une approche innovante des problèmes régionaux.
Parmi les différents aspects en jeu, ressort notamment celui du strict contrôle du respect de conventions vieilles d’un demi-siècle, qui complique la recherche de solutions aux problèmes actuels en matière de drogue. Pensons par exemple aux restrictions concernant l’accès et la disponibilité de médicaments essentiels au traitement de la douleur, comme la morphine, mais aussi à l’impossibilité de mener des actions préventives (comme la sensibilisation dans les écoles), la pénalisation empêchant toute discussion.
Au niveau international, le débat enfle sur l’efficacité de l’actuel angle d’approche judiciaire (la «guerre contre la drogue»), aux effets souvent déstabilisateurs pour la société dans les pays producteurs et de transit, tandis que la prise de mesures de protection de la santé publique et la limitation des dommages sociaux liés à l’usage de drogues sont des thèmes qui s’imposent de plus en plus dans la discussion.
Programme provisoire
Le programme définitif fait encore l’objet de négociations. En mars aura lieu à Vienne la réunion annuelle de la Commission des stupéfiants, habituellement consacrée aux évolutions internationales et aux défis en matière de drogue. Elle comportera cette année quelques jours supplémentaires dédiés à la prise de décision sur le programme et à la procédure de préparation de l’UNGASS 2016.
Position des Pays-Bas
Sur le plan international, le discours répressif en matière de drogue laisse de plus en plus la place à une approche axée sur la réduction des risques, l’accès aux médicaments et la dépénalisation de la consommation. Le souhait de certains pays de davantage orienter le débat mondial en matière de drogue sur la santé publique nous offre l’occasion de présenter l’expérience néerlandaise et les mesures ayant prouvé leur efficacité. La réduction des risques, qui en fait partie, constituera probablement l’un des principaux sujets de discussion. Il importe, en outre, d’attirer l’attention sur l’accès aux médicaments essentiels, notamment dans le cadre du soulagement de la douleur.
Il faut, enfin, dans l’optique de la protection des droits de l’homme, souligner l’importance de la dépénalisation de la consommation, afin que les utilisateurs puissent avoir accès à des informations préventives, à des traitements et à des mesures de réduction des risques, ce que de nombreux états membres de l’ONU ne leur accordent pas encore ou insuffisamment.
Aborder la politique en matière de drogue sous l’angle de la santé publique
Les Pays-Bas mènent depuis des années une politique en matière de drogue axée prioritairement sur la santé publique. Cette politique repose sur cinq piliers:
Prévention de la consommation
Le premier principe est naturellement de parvenir à ce que les gens ne consomment pas de drogue. Au fil des ans, divers programmes d’information et de prévention ont été élaborés à cet effet à l’intention des jeunes et de leurs parents.
Prévention des risques sanitaires en cas de consommation
Les personnes qui décident malgré tout d’utiliser des stupéfiants doivent être informées au mieux des risques qu’elles encourent, autant pour leur santé que pour leur vie sociale. Cette approche est exceptionnelle au niveau international : dans la plupart des pays, la pénalisation de la consommation de drogue rend impossible une telle sensibilisation.
Signalement précoce et interventions de courte durée en vue d’éviter la dépendance
Ces interventions sont axées en particulier sur les groupes présentant des risques accrus de dépendance (par exemple les enfants de toxicomanes).
Traitement des toxicomanes
En cas d’échec de la prévention de la dépendance, il est nécessaire d’accueillir et de soigner les personnes concernées grâce à un système de soins accessible et de bonne qualité.
Réduction des risques
De nombreuses mesures dans ce domaine, comme la prévention ciblée des incidents sanitaires, le contrôle de la qualité des drogues synthétiques, l’échange de seringues, la délivrance combinée de méthadone et d’héroïne et les salles d’injection, ont fait preuve de leur efficacité dans la limitation des dommages sanitaires, en particulier la réduction des risques de surdose ou de transmission de maladies infectieuses comme le VIH/sida. Cependant, ces mesures n’étant prioritairement axées ni sur la prévention ni sur l’arrêt de l’usage de drogue, elles sont controversées au niveau international.
Les Pays-Bas disposent d’un savoir étendu et d’une longue expérience en matière de réduction des risques comme partie intégrante de la politique de santé publique, et les mettent à profit notamment pour lutter contre le VIH/sida dans le cadre de la coopération au développement. Dans de nombreux pays, par exemple en Europe orientale et en Asie centrale, c’est l’usage de drogues par injection qui est le principal responsable de la propagation de cette épidémie. Pour y faire face, il est nécessaire que la notion de réduction des risques soit plus largement acceptée et appliquée. Vu leur compétence et leur expérience en la matière, ainsi que l’urgence de voir de nombreux pays adopter cette approche, les Pays-Bas s’attacheront en priorité à la promouvoir, avant et pendant l’UNGASS.
Garantir l’accès aux médicaments
Dans de nombreux pays, les médicaments contrôlés par les conventions sur la drogue, comme la morphine, sont insuffisamment accessibles et disponibles, et ce pour différentes raisons. Certains pays ne peuvent disposer de stocks suffisants du fait d’une interprétation trop stricte des conventions de l’ONU. Dans d’autres, c’est la complexité des règles d’import-export qui entrave l’accès aux médicaments. Enfin, il arrive que la prescription d’analgésiques soit à tort limitée par crainte de la dépendance. Pour remédier à cette situation, outre un effort de formation, un débat s’impose sur les possibilités, dans le cadre des conventions existantes, d’améliorer l’accès et l’usage de tels médicaments.
Dépénaliser la consommation de drogue
Si la consommation de drogue n’est pas interdite aux Pays-Bas, c’est le cas en revanche dans de nombreux autres pays, ce qui peut dissuader les utilisateurs de chercher de l’aide, et augmenter de fait les risques sanitaires. Au niveau international, la proportionnalité et l’efficacité de poursuites pénales contre les consommateurs sont de plus en plus souvent remises en cause.
Le thème de la dépénalisation est aussi lié à celui des droits de l’homme : non seulement ceux des utilisateurs (dans certains pays, de graves violations des droits de l’homme ont lieu dans les prisons et les centres de soins sous prétexte de traitement), mais aussi ceux de toutes les personnes dont le cadre de vie est ébranlé par la production de cocaïne et d’héroïne, leur commerce et leur consommation, ou par l’approche disproportionnelle mise en œuvre pour maîtriser ces problèmes. Les Pays-Bas plaident pour une politique humaine en matière de drogue. C’est un point sur lequel, en tant qu’opposant à la peine de mort, ils continueront à insister en toute circonstance.
Partie caraïbe du Royaume
La partie caraïbe du Royaume est susceptible de subir les retombées de la criminalité organisée internationale, en particulier dans le domaine du trafic de drogue. Les inflexions de la politique en matière de drogue au Guatémala et au Mexique, par exemple, peuvent induire des changements dans les flux et la criminalité liée à la drogue, avec de possibles implications pour Aruba, Bonaire et Curaçao1La note stratégique sur la politique de sécurité en Amérique centrale et aux Caraïbes fournit les orientations concernant l’aspect sécurité de la politique en matière de drogue pour cette région..
Rôles respectifs des Pays-Bas et de l’Union européenne
L’Union européenne (UE) a un statut particulier au sein de l’Assemblée générale : elle n’a pas le droit de vote mais peut intervenir, déposer des propositions et des amendements, et représenter le groupe des états membres de l’UE quand ceux-ci lui ont transféré leurs compétences. L’UNGASS aura lieu au premier semestre 2016, durant la présidence européenne des Pays-Bas, qui devront à ce titre coordonner et défendre le point de vue de l’UE. Cela suppose que les Pays-Bas s’impliquent aussi dans la préparation – déjà en cours – de l’UE à la session extraordinaire. En vue de remplir ce rôle aussi efficacement que possible en 2016, le gouvernement s’efforcera:
d’ancrer autant que possible les positions des PaysBas dans le point de vue de l’UE ;
de parvenir à un point de vue consensuel de l’UE sur un nombre maximum de points.
Il est nécessaire de se concerter avec les présidences européennes d’ici 2016 (successivement l’Italie, la Lettonie et le Luxembourg).Il ressort des premiers entretiens qu’elles attendent des Pays-Bas un rôle moteur.
En 2015, les Pays-Bas essaieront d’ores et déjà de se positionner dans ce rôle de coordonnateur en soutenant les autres présidences et en engageant le dialogue avec les principaux acteurs mondiaux (pays d’Amérique latine, états-Unis, Norvège et Suisse). Les enjeux de la SEAGNU feront l’objet d’entretiens bilatéraux avec nos homo- logues européens.
La présidence offre aux Pays-Bas la possibilité d’inscrire à l’ordre du jour des points qui leur tiennent à cœur, mais exige aussi la conclusion de compromis entre des points de vue divergents, le risque étant de déboucher sur des textes formulés en termes relativement généraux ou de voir certains états membres faire cavalier seul. Car la politique de drogue reste une compétence nationale.
La Stratégie antidrogue de l’UE, telle qu’adoptée par le Conseil en 2013, servira de fil directeur.