Cet article a été publié dans le Swaps n°69. Il rend compte du premier colloque commun Cnam/AIDES/vih.org organisé le 29 novembre 2012 au Conservatoire National des Arts et Métiers.à Paris.
Six études publiées depuis 2000 et hors milieu carcéral ont été groupées, car elles comportaient des données individuelles sur l’utilisation des deux services et sur la contamination. Elles ont été menées dans différentes villes ou régions (Birmingham, Leeds, pays de Galles, Glasgow, Bristol et Londres). Elles reposent sur des enquêtes en population ou sur la méthode RDS (Respondent Driven Sampling). Elles ont inclus des injecteurs actifs dans les quatre dernières semaines, à l’exception d’une qui a inclus tout usager avec une histoire d’injection. L’indicateur mesuré est l’acquisition récente de l’hépatite C. Dans les quatre études transversales, la contamination a été définie sur la base d’un test biologique sur buvard et l’identification d’une infection récente (HCV RNA+) tandis que les deux cohortes ont tenu compte d’une séroconversion dans l’année après un test négatif.
L’exposition aux programmes de réduction des risques est définie par trois indicateurs :
– Les traitements de substitution : être sous traitement de substitution ou l’avoir été plus de six mois dans les douze derniers mois.
– La couverture par les PES : l’indicateur d’exposition est le ratio de seringues obtenues d’un PES sur le nombre d’injections pendant la période (quatre semaines dans cinq études). La valeur de référence retenue est de 100%, c’est-à-dire au moins autant sinon plus de seringues que d’injections. Cette mesure n’était pas disponible dans une des études.
– Un troisième indicateur combine les deux notions avec trois catégories : réduction des risques complète, réduction des risques partielle, réduction des risques minimale.
Au total, 2986 individus ont été inclus, dont 1457 avaient un test négatif à l’inclusion. L’étude de l’impact du traitement de substitution a été menée sur 1079 sujets, celle sur les PES concernait 922 sujets. L’analyse statistique a été menée selon les méthodes classiques des méta-analyses, qui vérifient l’absence de biais d’hétérogénéité. La réduction du risque de séroconversion est mesurée par un odds-ratio (OR)1OR, odds-ratio ou risque relatif, est une mesure statistique estimant le degré de dépendance entre des variables aléatoires qualitatives. Il se définit comme le rapport de la cote d’un événement arrivant à un groupe A d’individus, par exemple l’hépatite C, avec celle du même événement arrivant à un groupe B d’individus. Si l’OR est proche de 1, la maladie est indépendante du groupe, s’il est > 1, la maladie est plus fréquente dans le groupe A, s’il est < 1, elle est moins fréquente dans le groupe A que dans le groupe B. ajusté sur le sexe, le fait d’être sans domicile et celui de s’injecter du crackCrack Le crack est inscrit sur la liste des stupéfiants et est la dénomination que l'on donne à la forme base libre de la cocaïne. Par ailleurs, ce dernier terme est en fait trompeur, car le mot cocaïne désigne en réalité le chlorhydrate de cocaïne. L'origine du mot 'crack' provient du craquement sonore qu'il produit en chauffant.
Dans des contextes de taux de prévalence variant de 26 à 70% selon les sites, l’incidence annuelle est de 5 pour 100 personnes années dans 3 sites (Birmingham, Leeds, pays de Galles), de 10 personnes/année à Glasgow et de 40 personnes-année à Bristol et Londres. L’OR associé à la substitution est de 0,41 (IC95 : 0,21-0,82), celui associé à une couverture complète des injections est de 0,48 (IC95 : 0,25-0,93). Lorsque la réduction des risques est complète, la réduction de l’incidence est accrue avec un OR associé au risque de 0,21 (IC95 : 0,08-0,52), lorsqu’elle est partielle, la réduction du risque est moindre et pas complètement significative (0,5 ; IC95 : 0,22-1,12).
Cette étude se limite aux injecteurs actuels et ne tient pas compte des effets de contexte qui auraient pu être mesurés si les effectifs avaient été suffisants pour mener une étude multi-niveau. Il reste qu’ils sont majeurs, car ils démontrent l’impact très fort de ces deux piliers de la réduction des risques que sont les traitements de substitution et les PES.
Ces résultats sont très importants et mériteraient d’être répliqués dans le contexte français où les modalités et les contenus de ces programmes sont différents et où nous tardons encore à voir s’infléchir la courbe de l’hépatite C.
Référence :
Turner KM, Hutchinson S, Vickerman P et al.
The impact of needle and syringe provision and opiate substitution therapy on the incidence of hepatitis C virus in injecting drug users: pooling of UK evidence.
Addiction. 2011 Nov;106(11):1978-88. doi: 10.1111/j.1360-0443.2011.03515.x. Epub 2011 Aug 24.