Rome 2011 — De la théorie de l’inflammation à de nouvelles stratégies thérapeutiques

L’hydroxichloroquine, un anti-inflammatoire connu, pourrait entraîner une diminution des marqueurs d’inflammation et d’activation, associée à une augmentation significative des CD4 en pourcentage chez certaines personnes vivant avec le VIH. Un sujet central de l’IAS 2011, qui se tient en ce moment à Rome.

L’air de rien, la publication en ligne sur Blood de l’équipe milanaise du Professeur Mario Clerici est un scoop. On sait depuis quelques années seulement que, dans le grand dérèglement qu’induit directement ou indirectement le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. dans l’organisme, il est une piste encore mal explorée, celle de l’inflammation chronique.

L’infection VIH se caractériserait aussi par une hyper activation du système immunitaire et par une inflammation qui trouverait en partie sa cause dans le relargage par le tube digestif de produit bactérien. C’est la théorie de la  « translocation bactérienne », en rapport avec les perturbations du système immunitaire dans le tube digestif induites par le VIH.

De fait, il persisterait chez la personne vivant avec le VIH, et ce malgré des traitements antirétroviraux efficaces, une inflammation chronique que l’on retrouverait dans le tube digestif, mais aussi dans le système sanguin, lymphatique et même dans le système nerveux central. Cette théorie de l’inflammation et de l’hyper activation immunitaire est décrite dans cet article de Jean-Daniel Le Lièvre et dans celui de Jacqueline Capeau.

Anomalies

Parmi les anomalies décrites notamment dans le tube digestif figurent une inversion de la balance entre les réponses pros et anti-inflammatoires, une augmentation de la synthèse locale des cytokines inflammatoires et un profil particulier de certains récepteurs que sont les TLR (Toll-Like-Receptor). Le tout associé à des modifications de la flore bactérienne décrite sur les patients VIH. C’est donc naturellement que certaines équipes se sont tournées vers des molécules existantes ayant déjà prouvés leurs activités anti-inflammatoires.

C’est le cas de l’hydroxichloroquine (HCQ) qui est un vieux médicament antipaludéen de la première heure dont les priorités anti-inflammatoires ont été depuis utilisées largement dans certaines maladies auto-immune comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde, le Syndrome de Sjogren… Qui plus est cette vieille « molécule » aurait aussi des priorités antivirales démontré in vitro sont à plusieurs modèles viraux comme celui des influenza et des adénovirus.

CD4 bas et co-infection

L’équipe de Mario Clerici s’est intéressé à une population particulière de personnes traitées avec un résultat virologique satisfaisant mais un chiffre de CD4 insuffisant et baptisés « non répondeur immunologique ». Un secteur de la prise en charge des patients traités pour lesquels il n’y a actuellement aucune ressource thérapeutique. C’est ainsi que 20 patients ayant près de 50 ans d’âge moyen, 5,3 années d’infection par le VIH et 4,4 années de traitement par les antirétroviraux avec tous des charges virales inférieures au seuil de détection et avec des chiffres de CD4 bas : entre 6 et 200 pour une moyenne de 143 CD4.

A noter que cette population italienne était assez fortement co-infectée par les virus des hépatites avec 5% de coïnfection par virus de l’hépatite B et 20% par le virus de l’hépatite C. Quasiment tous les marqueurs disponibles d’inflammation et de translocation ont été utilisés dans cette étude notamment les lymphotipages complets, les TLR 4, 7 et 8, le dosage d’IL6 et de TNF-ALFA ainsi que le dosage de LPS plasmatique.

Le résultat le plus spectaculaire est en fait double : les auteurs observent une diminution attendue des marqueurs d’inflammation et de translocation bactérienne ainsi que d’activation des CD4 et des CD14, ainsi qu’une réduction de la production d’interleukine 6 et de TNF-ALFA. Et que cette diminution des marqueurs d’inflammation et d’activation est associée à une augmentation significative des CD4 en %, après 6 mois de traitement par l’hydroxychloroquine, augmentation qui dépasse les 3% et qui persiste deux mois après l’arrêt de l’hydroxychloroquine.

Il n’y a pas concomitamment d’augmentation des lymphocytes totaux qui signent vraiment une action de l’hydroxychloroquine sur cette immunité chez ces patients qui sont, rappelons-le, mauvais répondeurs immunologiques malgré un contrôle de la réplication virale par le traitement anti-VIH.

Application possibles

On perçoit les applications possibles de ce type de traitement associé aux traitements antirétrovirales. Se pose aussi la question comme le font les auteurs du retentissement potentiel sur l’état général du patient, les marqueurs cliniques, et le système nerveux central.

Les mécanismes par lesquels on passe d’une diminution des marqueurs d’inflammation et d’activation à une augmentation des T.CD4 restent à éclaircir pour cette étude qui n’est qu’une étude pilote avec un simple bras et dont l’échantillon de 20 patients a été purement sélectionné avec notamment un taux important de coïnfection par le virus des hépatites. Co-infection dont ne sait combien elles influencent les marqueurs d’activation et d’inflammation.

Il n’empêche que ces données sont extrêmement attractives pour la piste inflammatoire du VIH. Piste que ne pourront s’approprier les révisionnistes du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. dans la mesure où il s’agit d’un traitement additif et pas d’un traitement alternatif. Mais on voit de plus en plus apparaître comme dernières diapositives des présentations faisant état des développements futurs du traitement du VIH, l’idée d’une combinaison médicamenteuse associant par exemple antirétroviraux, statine, hydroxichloroquine, et pourquoi pas des pro-biotiques. Sachant que ces pistes là devraient être très sérieusement explorées dans les mois à venir, notamment par l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS).