Politique — Propriété intellectuelle, «deuxième ligne» et accès aux traitements dans les pays du Sud

Au-delà des bonnes nouvelles dans l’accès aux traitements dans les pays du Sud apportées par la conférence de Mexico, le nouveau cadre légal international concernant la propriété intellectuelle fait peser une lourde menace sur ces acquis, en particulier dans le contexte des traitements de 2e ligne. Des mesures d’assouplissement de ces nouvelles règles s’imposent.

Cet article a été publié dans Transcriptases n°138.

La conférence de Mexico a salué à juste titre une série de bonnes nouvelles :
– aujourd’hui plus de 3 millions de personnes sont sous traitements ; même si l’on est encore loin de distribuer les traitements à tous les patients qui en ont pourtant un besoin urgent, le chiffre de 3 millions est au delà de ce beaucoup de personnes osaient anticiper ;
– des sommes considérables sont aujourd’hui mobilisés pour la lutte contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. : qu’il s’agisse du Fonds mondial, de la Banque mondiale, du Pepfar ou de la fondation Bill Gates, des milliards de dollars peuvent désormais chaque année être investis1Une évaluation des montants disponibles est proposée dans le chapitre introductif de l’ouvrage de B. Coriat (éd.), « The Political Economy of HIV/AIDS in Developing Countries », édité par Edward Elgar Publishing et l’ANRS, 2008 ;
– enfin, last but not least, de nouveaux médicaments sont désormais disponibles ou en passe de l’être qui permettent d’envisager des traitements efficaces y compris contre les virus multirésistants.

 La menace des accords Adpic

Si ces succès sont indéniables, ils ne doivent pas masquer les difficultés et les obstacles qui se dressent toujours dans la lutte contre l’épidémie. Tout particulièrement, et comme certains observateurs l’avaient anticipé2Orsi F et al., « Trips post-2005 and access to new antiretroviral treatments in southern countries : issues and challenges », AIDS, 2007, 21, 1997-2003, l’entrée dans l’après-2005, qui marque la fin de la période de transition accordée aux pays en développement pour se conformer à l’Accord sur les aspects de la propriété intellectuelle liés au commerce (Adpic)3Adpic : Accord sur les aspects de la propriété intellectuelle liés au commerce, signés en 1994 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les dispositions essentielles de ces accords sont présentées plus bas dans le texte., fait à nouveau peser de lourdes menaces sur l’approvisionnement en ARV des pays du Sud. A commencer par ceux qui, comme le Brésil et la Thaïlande, sont le plus anciennement et le plus massivement engagés dans la lutte contre l’épidémie.

C’est à documenter ce point qu’est consacré cet article. Pour ce faire nous rappelons rapidement en quoi 2005 marque un tournant ; nous présentons ensuite la réaction de deux grands pays du Sud (la Thaïlande et le Brésil) à la nouvelle situation ; enfin, nous esquissons quelques pistes qui pourraient être suivies pour adapter le cadre légal au nouveau stade atteint par la lutte contre l’épidémie.

L’après 2005 et le retour des contraintes de propriété intellectuelle

Les Adpic signés à Marrakech en 1994 dans le cadre de l’OMC avaient prévu une «soupape» : un délai était en effet accordé aux pays du Sud pour se conformer aux obligations de respect de la propriété intellectuelle (PI) sur les médicaments, interdisant la copie licite de médicaments brevetés. La mise à profit de ce délai a permis aux grands génériqueurs du Sud – à commencer par l’Inde, seul parmi les grands à avoir pu utiliser ce délai à plein – d’assurer une offre mondiale d’ARV génériques à des prix très abaissés.

Ce fait, joint dans certains cas aux «offres à prix préférentiels» faites aux pays du Sud par les grandes compagnies pharmaceutiques dans le cadre du programme Access4Rappelons que le programme Access (Accelerated Access Initiative) consiste en une initiative lancée au début des années 2000. Sous l’égide d’organisations internationales, un partenariat fut établi avec de grandes compagnies pharmaceutiques. Dans ce cadre ces compagnies s’engagent à proposer des ARV aux pays du Sud à des «prix préférentiels». Une limite de ce programme est que les compagnies conservent un pouvoir discrétionnaire pour fixer la liste des pays éligibles, comme pour ce qui concerne la nature et le prix des ARV proposés. Ces restrictions expliquent l’impact finalement mesuré du programme sur les baisses de prix constatées après 2000., s’était finalement traduit par des forts abaissements de prix pour les ARV les plus communément distribués : moins de 100 dollars par personne et par an pour une combinaison 3TC/d4T/NVP aujourd’hui, contre près de 12 000 dollars à l’entrée de la présente décennie.

Bénéfices en voie d’épuisement

Les bénéfices de cette baisse spectaculaire de prix sont pourtant en voie d’épuisement. La raison en est que les changements majeurs apportés par la signature des Adpic en matière de PI entrent désormais en application. Ces changements, qui instaurent pour l’ensemble des pays membres de l’OMC des standards de protection alignés sur ceux des pays les plus avancés, portent sur deux points essentiels : la brevetabilité des processus comme des produits devient obligatoire pour tous les pays signataires et la durée de la protection des brevets est partout portée à vingt ans5Deux échéances différentes sont fixées pour l’introduction dans les différentes loi nationales des nouvelles règles : 2005 pour la majorité des PED «à revenu intermédiaire» : en pratique il s’agit des pays qui disposent d’une industrie pharmaceutique nationale, de fait largement basée sur la production de génériques ; 2011 pour les PMA (pays les moins avancés). Précisons encore que l’échéance 2011 pour les PMA sera (après la Déclaration de Doha en 2011) reportée à 2016.. En clair, ceci signifie que, sauf circonstances exceptionnelles sur lesquelles nous reviendrons, la production de génériques, c’est-à-dire la copie de molécules brevetées, n’est plus autorisée.

Les effets essentiels de ces changements concernent les médicaments les plus récents, ceux qui n’avaient pas été produits sous forme de génériques avant 2005 – ou pour lesquels des investissements significatifs n’avaient pas encore été engagés par les génériqueurs. En pratique, il s’agit de la quasi totalité des médicaments dits de 2e ligne. Or la consommation de ceux-ci, déjà fort significative, ne peut que croître, et croître fortement avec le temps. On considère en effet que chaque année, 10% d’une cohorte de patients en traitements de 1re ligne doit passer sur des médicaments de 2e ligne6Estimation fournie par la Clinton Fondation..

Si l’on précise que le coût d’acquisition de la 2e ligne est aujourd’hui de 20 à 30 fois celui de la 1re ligne, on comprendra que l’impact de 2005 se présente donc ici comme vertigineux. Si rien ne change, cela signifie tout simplement que tous les équilibres financiers (souvent très fragiles) permettant l’accès aux soins dans les PED voleront en éclats.

Le graphique ci-dessus donne une représentation des écarts de prix qui séparent les coûts des traitements de 1re et 2e ligne.

La situation est d’autant plus préoccupante que ne sont pas concernés que les seuls traitements de 2e ligne au sens strict. En effet d’ores et déjà et même pour «les pays à ressources limitées», les recommandations thérapeutiques de l’OMS incluent certains des «nouveaux» ARV dont la production et la vente sous forme de génériques n’est possible que sous de fortes restrictions et contraintes. Tel est le cas du ténofovir. Ce fait est d’autant plus significatif qu’on peut s’attendre dans le futur à de nouvelles évolutions : la panoplie des ARV aujourd’hui disponibles s’est considérablement étendue et il est à prévoir que les bonnes pratiques thérapeutiques incluront toujours davantage d’ARV de nouvelle génération, même en première intention.

Au demeurant, dès aujourd’hui, certains pays à l’instar du Brésil ne s’en tiennent pas aux recommandations de base de l’OMS pour «les pays à ressources limitées» et formulent leurs propres recommandations, utilisant, pour garantir la plus grande efficience des traitements et le meilleur confort possible pour les patients, toute la panoplie des ARV disponibles. Dans ce cas, le coût des traitements, y compris de 1re ligne, est très élevé7Le PNLS brésilien dispose depuis longtemps de son propre instrument en matière de formulations de recommandations thérapeutiques pour les patients atteints par le sida. De fait, ces recommandations s’appuient sur une gamme d’ARV bien plus large que celle retenue par l’OMS pour les pays «à ressources limitées», et préconise l’administration des ARV les plus récents dont l’efficacité thérapeutique est plus grande.. Il reste, dans tous les cas, que le cadre qui avait permis l’accès en masse aux traitements (les 3 millions de patients) à des coûts très abaissés est en train, lentement mais sûrement, de se déliter.

La flexibilité grâce aux licences obligatoires ?

Il existe certes des dispositifs juridiques permettant de faire face aux situations d’urgence. Conscient des difficultés qui pouvaient naître des Adpic, le législateur a en effet introduit au sein de cet accord certaines «flexibilités». Parmi celles-ci figure la possibilité pour les Etats de recourir aux licences obligatoires. Celles-ci permettent aux Etats de produire ou d’importer des copies d’un médicament breveté sans le consentement du détenteur du brevet, mais moyennant une compensation financière et après l’échec d’une négociation avec celui-ci pour produire ou importer avec son accord (voir encadré ci-dessous).

Même si la déclaration de Doha (adoptée en 2001 sous la pression des pays du Sud) pose qu’en principe les pays sont seuls juges des conditions dans lesquelles ils peuvent émettre de telles licences, la pression exercée sur eux fut telle que pas un seul des grands pays producteurs (Inde, Thaïlande et Brésil) n’a, avant 2005, émis une seule licence de ce type.

La réaction des pays du Sud à l’après 2005

Depuis 2005 cependant, les pays du Sud les plus engagés dans la lutte contre le sida – et dont les cohortes sont les plus anciennes – sont confrontés à une situation explosive en matière de prix d’acquisition des traitements. C’est ainsi qu’après s’être longtemps abstenus d’y recourir, les voici qui franchissent le pas et s’engagent dans l’émission de licences obligatoires. Tel en particulier est le cas de la Thaïlande, qui sera bientôt suivie par le Brésil.

Même si la Thaïlande n’est pas le premier pays à s’être engagé dans la promulgation de licences obligatoires8De fait, plusieurs pays «à ressources limitées» ou classés «intermédiaires» d’Afrique et d’Asie,ont avant 2005, émis des licences obligatoires. Tels sont les cas en particulier du Zimbabwe (2002), de l’Indonésie, de la Malaisie, du Mozambique et du Swaziland (2004). Le, Ghana, la Guinée et Taiwan de leurs côtés ont émis de telles licences dans le courant de l’année 2005., son initiative est d’une importance majeure car ce pays est à la fois un grand producteur de génériques et est fortement engagé dans la lutte contre l’épidémie sur son propre sol. Les licences émises concernent donc pour la première fois un pays qui est un acteur majeur au niveau global de la lutte contre le sida.

C’est après de longues délibérations internes qui ont permis de constituer localement une coalition de forces sociales puissantes en faveur des génériques que le pays a franchi le pas9Tantivess et al., « Introducing Government Use of Patents on Essential Medicines in Thailand, 2006-2007 : Policy Analysis with Key Lessons Learned and Recommendations », International Health Policy Program, Thaïlande, June 2008. Le choix effectué prend tout son sens si l’on rappelle que la Thaïlande fut conduite (sous très forte pression externe) à anticiper sa mise en conformité avec les Adpic dès le début des années 1990 et n’a donc, en pratique, nullement bénéficié de la période de transition. C’est la montée en puissance du nombre des patients sous traitements, joint aux prix très élevés des ARV non disponibles en génériques qui a conduit à cette décision. Après des tentatives infructueuses de négociation de baisse des prix avec les firmes détentrices de brevets, le ministère de la Santé a procédé en deux temps, émettant deux séries de licences obligatoires10Il est à noter que ces licences ne concernent pas que des ARV. Elles incluent d’autres médicaments d’intérêt public, notamment des anti-cancéreux.. La première, en novembre 2006, concernait l’efavirenz, la seconde, émise à peine deux mois plus tard, le lopinavir/r. Ces licences sont émises au titre de «l’usage gouvernemental» pour traiter des questions d’intérêt public, une «flexibilité» présente dans les Adpic. C’est au laboratoire public national GPO qu’a été confiée la production de ces génériques.

Comme en écho à ces initiatives, le Brésil à son tour s’est engagé dans cette direction. S’appuyant sur l’expérience thaïlandaise, le ministère de la Santé brésilien a de son côté, en avril 2007, émis une licence obligatoire sur l’efavirenz. Comme dans le cas de la Thaïlande, le Brésil a confié la fabrication des génériques à son laboratoire public, Far Manghinos. En attendant que celui-ci soit en mesure de produire les médicaments11En même temps qu’était émise la licence obligatoire, des accords de partenariats publics/privés ont été établis localement afin de permettre dans un délai relativement rapproché, la production des principes actifs entrant dans la production de l’EFV., ceux-ci seront importés d’Inde. Ici encore, la réduction de coût est très importante, le coût d’acquisition passant de 1,59 dollar, (prix auquel Merck cédait son médicament) à 0,43 dollar pour le générique.

Ces initiatives sont importantes, tout montre cependant qu’elles sont insuffisantes à apporter les solutions espérées. L’étude à laquelle nous avons procédé12Cf d’Almeida et al., « New Antiretroviral treatments and Post-2005 TRIPS constraints. First Moves towards IP Flexibilization in Developing Countries », in Coriat B, 2008, à paraître met en évidence les limites de ces initiatives :
– le processus d’émission de telles licences est long et coûteux ;
– même si des baisses significatives sont obtenues sur les médicaments produits sous licence obligatoire, l’impact sur le coût global des traitements reste modeste compte tenu du très faible nombre d’ARV produits sous licence ;
– enfin, le processus est soumis à contestation et recours juridique ; en pratique, il fait dépendre l’arrivée des médicaments des aléas des procédures judiciaires et des décisions des cours de justice, ce qui crée une situation d’incertitude qui n’est pas acceptable lorsque des dizaines de milliers de patients doivent être journellement alimentés dans différents types de combinaisons de médicaments.

Finalement, ce processus apparaît peu adapté à une maladie telle que le sida. Maladie chronique, se développant à partir d’un virus capable de muter, des changements dans les traitements sont régulièrement nécessaires pour tenir compte de l’évolution de l’épidémie et de l’arrivée continue de nouveaux médicaments. Or, le recours aux flexibilités des Adpic telles qu’elles sont aujourd’hui codifiées suppose chaque fois de procéder à l’émission de nouvelles licences, de localiser un producteur, de négocier les termes de l’accord et de passer les commandes nécessaires… sans certitudes qu’à une étape ou une autre, des obstacles ne vont pas surgir et compromettre l’approvisionnement.

Pour toutes ces raisons, le recours aux licences obligatoires – dans les conditions actuelles de leur émission – paraît un procédé lourd, coûteux et finalement bien peu adapté.

Que faire ?

Il ne fait guère de doute que l’intérêt bien compris de la lutte contre l’épidémie exigerait que le dossier des «flexibilités» incluses dans les Adpics soit rouvert afin que celles-ci soient précisées et surtout élargies de façon à les mettre en conformité avec les exigences du moment. Notons que par le passé, à au moins deux occasions, il a fallu procéder à des telles reprises et précisions des Adpic13La première fois à l’occasion de la Déclaration du conseil des Adpic en 2001, dite «Déclaration de Doha» et qui a abouti à poser des principes très clairs ; la seconde fois en 2003, avec l’accord visant à préciser les conditions dans lesquelles les pays du Sud dépourvus de ressources peuvent recourir à des importations de médicaments sous licence obligatoire. et que donc rien ne s’oppose en principe à une nouvelle initiative sur ce point.

A défaut et a minima, afin de créer les conditions pour un approvisionnement à peu près sécurisé, de nouvelles initiatives sont nécessaires.

Dans l’esprit de la nouvelle déclaration de l’OMS (2008) qui entend favoriser l’accès aux traitements en stimulant à la fois l’innovation et la production de génériques, on pourrait imaginer un processus en trois temps14Les propositions qui suivent ont été formulées pour la 1re fois dans un point de vue de la revue Pour la Science, « Relancer l’accès aux traitements anti-sida dans les pays du Sud », septembre 2008..

D’abord, l’OMS pourrait régulièrement introduire les nouveaux ARV mis en circulation dans sa liste des médicaments essentiels, ceux-ci venant compléter ceux qui y figurent déjà. Sur cette base, et afin de donner toute sa fluidité au processus et de couper court à des contestations juridiques éventuelles, le Conseil des Adpic de l’OMC pourrait procéder à une déclaration rendant licite pour les pays du Sud l’émission de licences obligatoires valables pour les ensembles d’antirétroviraux inclus dans la liste des médicaments essentiels de l’OMS, licences qui pourraient être prises pour plusieurs années et sans spécification des quantités ou des formulations visées. Une telle flexibilité permettrait aux pays du Sud de disposer d’un outil juridique adapté au type d’épidémie que constitue le sida.

Enfin, cette évolution pourrait être doublée d’un accord «Access» renouvelé et mieux pensé concernant plus spécifiquement les nouveaux ARV (post 2005), qu’ils soient utilisés en 1re ou 2e ligne. Dans ce nouvel accord, les firmes s’engageraient à livrer en priorité les pays du Sud aux prix préférentiels annoncés, en échange de quoi des procédures d’enregistrement accélérées pourraient être mises en place.

Seraient ainsi reconstituées pour les nouveaux ARV des conditions minimum de concurrence – entre génériqueurs, et entre génériqueurs et firmes princeps – qui seules sont à même d’ouvrir aux pays du Sud une marge de choix en matière d’approvisionnement, et par la même d’assurer une régulation des prix. Ce n’est aussi qu’à cette condition que l’approvisionnement en médicaments à des prix soutenables, pourra, pour le plus grand nombre, être assuré à un moment où les enseignements tirés de la lutte contre l’épidémie conduisent à modifier et adapter les traitements en y incluant des ARV de nouvelle génération.

 

 

Les licences obligatoires

Selon l’article 31 des accords Adpic, le recours aux licences obligatoires est possible dans un certain nombre de circonstances : «afin de protéger la santé publique», «dans des situations d’urgence nationale ou d’autres circonstances d’extrême urgence», «en cas d’utilisation publique à des fins non commerciales»… L’article 30 autorise les Etats à prévoir des exceptions limitées aux droits exclusifs conférés par un brevet. Lorsque les raisons d’intérêt général le justifient, ils peuvent ainsi, sous certaines conditions, permettre l’exploitation d’un brevet par un tiers, sans le consentement du propriétaire du brevet.