
Allez, oui, on va tout de même vous le présenter, ce rédacteur en chef de Vih.org et de Swaps. C’est la loi du genre ! Gilles, professeur à l’université Paris-Sorbonne, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon, auteur d’une liste de publications qui font autorité longue comme mon bras, est aussi un écrivain1Entre autres :Sida 2.0 : regards croisés sur 30 ans d’une pandémie (avec D. Lestrade, Fleuve, 2012), « Nous n’étions pas prêts : Carnet de bord par temps de coronavirus » (JC Lattès, 2020). Et journaliste médical (pour Libération de 1984 à 1989).
Il a publié, il y a peu, «Admirations: Sept héros de la médecine» où il nous fait découvrir, dans un ordre style aléatoire, sept grandes figures, des deux genres, de la médecine célébrées et réhabilitées, souvent, méconnues, ou oubliées. Ou même carrément spoliées de leurs découvertes.
Pourquoi ? C’est tout simple. Gilles est un médecin… esthète: «Je suis de ceux, comme Marie Curie, qui pensent que la science est d’une grande beauté.» Mais pas que! Il aime les belles épopées de ceux et celles qui se sont adonnés à leur passion du savoir, de la recherche, de l’humanité…
Et il les narre avec affection, et brio, maniant les heureuses «digressions» personnelles qui nous donnent l’impression de partager une sympathique discussion à bâtons rompus avec lui, au bistro, entre potes, qui se remémorent des épisodes sanitaires vécus en commun (sida, Covid…). Et qui contextualisent les histoires de l’Histoire dans l’actualité. Et leur donnent corps.
Des femmes, si souvent invisibilisées
Comme Madeleine Brès, où, à 26 ans, à une époque où les femmes devaient avoir l’accord de leur mari pour passer le baccalauréat, est la toute première Française à accéder aux études de médecine. Elle soutient une thèse de doctorat sur La mamelle et l’allaitement qui lui vaudra ce commentaire «pincé», du Doyen Wurtz, son directeur de thèse: «Votre rôle devra se borner à la guérison des maladies des femmes et des enfants, et je vous félicite de l’avoir si bien compris.» Ben voyons ! Ou, exemple très fameux, de Marie Sklodowska-Curie, «première Nobel et médecin contrariée», engagée volontaire pendant la Grande Guerre, qui «réussira à la tête de sa flotte d’antennes mobiles de radiographie à ‘‘soigner’’ plus d’un million de Poilus». Première femme, donc, à avoir reçu un prix Nobel. «Pire», deux: l’un en physique, avec son époux Pierre Curie et Henri Becquerel (en 1903) pour leurs recherches sur la radioactivité et le rayonnement corpusculaire naturel, l’autre de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium (en 1911). Elle fut également la première femme à enseigner à la Sorbonne, et «panthéonisée» pour son œuvre. Ou encore, Marthe Gautier, pédiatre, qui, dans un laboratoire miteux de l’hôpital Trousseau, découvrit, en 1958, l’anomalie génétique à l’origine de la trisomie 21. Découverte dont le Pr Jérôme Lejeune, s’est attribué la paternité, ce qu’elle raconta un 2009…
Des hommes d’exception
Rayon genre masculin, on découvrira comment Zénon Drohocki, médecin juif polonais, déporté à Auschwitz-Monowitz, a réussi à convaincre les médecins nazis de le laisser concocter, avec les moyens du bord, un appareil à électrochocs pour soigner des détenus, mélancoliques, promis inexorablement, sinon, à la chambre à gaz. Il est devenu, un pionnier de l’électroencéphalographie.
Ou encore comment James Barry —né en 1795 Margaret Ann Bulkley (identité féminine restée secrète jusqu’à sa mort en 1865)— l’un des premiers médecins et militaire de l’empire britannique à réaliser une césarienne en Afrique et à faire valoir un grand nombre de mesures concernant la santé publique (lavage des mains, et diverses règles d’hygiène…).
Gilles accorde aussi une place de choix à Alexandre Yersin, scientifique de génie et grand explorateur de l’Indochine de la fin du 19ème siècle, disciple de Pasteur, découvreur avec Emile Roux, de la toxine diphtérique en 1886, et, lui seul, en 1894 du bacille de la peste, (Yersinia pestis), préparateur du premier sérum anti-pesteux. En septembre 1890, il rejoint l’Indochine française, où il devient médecin des Messageries maritimes. Il fera trois expéditions dans la jungle indochinoise, s’installera à Nha Trang, découvrira Dalat, le site des Hauts plateaux du centre du Vietnam, qui deviendra sous son impulsion, une station climatique. Il sera directeur successif de l’Institut pasteur de Hanoï puis de celui de Saïgon.
Mais ses exploits ne s’arrêteront pas là : dès 1898, il se passionne pour la culture de l’arbre à caoutchouc, l’hévéa, qu’il acclimate au Vietnam en 1899, et ouvre une station agricole en 1915 où il mène ses premiers essais d’acclimatation de l’arbre à quinine…Et il s’essaye à toutes sortes de cultures (manioc, cacao, café, palmier à huile, cocotier…) et élevages. Un pic de la Mirandole tous terrains, si on peut dire.
Et enfin, à tout seigneur tout honneur, un petit chapitre pour «admirer» Hippocrate, médecin et philosophe de l’Antiquité grecque (460-377 avant notre ère), au nom de qui tout futur médecin prête toujours serment. Mais pas que.
Pour finir, Gilles nous propose un bref catalogue de sommités médicales emblématiques, Paré, Laennec, Pasteur…
Référence
Admirations : Sept héros de la médecine, Gilles Pialoux, Perrin, 9 octobre 2025, 22,90€