- La mise à jour sur le site du Conseil national du sida (CNS) : Prise en charge du VIH – Recommandations du groupe d’experts.
Initiation du traitement antirétroviral
Le traitement universel, au sein des recommandations concernant l’initiation du traitement antirétroviral, reste la règle. Il est en effet recommandé chez toutes les personnes vivant avec le VIH (PvVIH), quel que soit le niveau de CD4. Lorsque ce dernier est stable, et supérieur à 500 cellules/mm3, le traitement peut être différé en cas de non-adhésion au projet thérapeutique le temps, par exemple, de mettre en place une consultation adaptée d’éducation thérapeutique ou une médiation. A noter que le rapport établit aussi la nécessité de traiter les PvVIH le plus rapidement possible. Comme l’a montré Virginie Supervie dans ce même congrès de la SFLS, sur les données FHDH (French Hospital Database on HIV) de 2013: seules 16% des personnes sont mis sous traitement dans l’année qui suit leur infection par le VIH1Autrement dit, 16% des personnes nouvellement infectées par le VIH ont un délai entre infection par le VIH et traitement inférieur ou égal à 1 an.
Les nouvelles recommandations sont:
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La réalisation d’un test génotypique incluant la recherche de mutations de résistance dans le gène de l’intégrase est recommandée avant le premier traitement. Le groupe d’expert recommande que cette recherche soit inscrite sur la liste des actes remboursés par la sécurité sociale ce qui n’est pas le cas actuellement et freine donc les prescriptions de ce génotype de résistance élargi. La pratique de ce test est d’autant plus légitime que les anti-intégrases sont parmi les molécules antirétrovirales les plus prescrites. Et que le taux de mutations observées sur le gène de la protéase lors de la primo-infection n’est pas négligeable : 2,7 % (Mutations E157Q et R 263K).
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Le groupe d’experts a décidé de ne plus retenir l’ATV/r (atazanavir + ritonavir) dans les options préférentielles comme 3ème agent d’une première trithérapie, selon eux, il est moins bien toléré que le DRV/r (darunavir + ritonavir) à court, moyen et long terme et n’apporte pas de bénéfice en terme de simplicité ou d’efficacité (tableau). Ces recommandations rejoignent donc celles de l’IAS
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L’EFV (éfavirenz) n’apparaît plus dans les indications préférentielles comme 3e agent d’une première trithérapie compte-tenu de la disponibilité de plusieurs autres choix en un comprimé par jour, avec un profil de tolérance plus favorable et une efficacité équivalente ou supérieure.
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Si un INNTI est choisi comme 3e agent, la rilpivirine (RPV) est recommandée à condition que la CV initiale soit inférieure à 5 log copies/ml.
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L’association raltégravir + darunavir/ritonavir (RAL + DRV/r) peut constituer une alternative lorsque les INTI ne sont pas utilisables (par exemple HLA B*5701 et insuffisance rénale).
L’optimisation d’un traitement antirétrovital en situation de succès virologique
L’optimisation d’un traitement antirétroviral en situation de succès virologique fait l’objet d’un chapitre dédié. Les principes et les règles des Recommandations 2015 sont maintenus. Parmi les nouveautés 2016 on note :
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L’optimisation d’un traitement antirétroviral chez un patient en succès immunovirologique a pour objectif d’individualiser le traitement pour gagner en tolérance et/ou simplicité d’administration et prévenir la toxicité de certains médicaments tout en maintenant l’efficacité immunovirologique
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Le groupe d’experts recommande que cette réflexion sur l’optimisation du traitement antirétroviral se fasse une fois par an à l’occasion du bilan annuel de synthèse qui sont pris en charge par la sécurité sociale et font partie depuis plusieurs années des recommandations d’Experts. Bilans de synthése annuels réalisés le plus souvent en Hôpital de jour et qui permettent au passage pour les patients suivis en ville de recueillir une prescription annuelle hospitalière.
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Plusieurs options d’optimisation et allègement du traitement antirétroviral permettent de s’affranchir du dogme de la trithérapie obligatoire à condition de respecter les principes et règles de sécurité rappelées dans ce chapitre.
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L’indication de la réalisation d’un test génotypique de résistance sur l’ADN‐VIH cellulaire doit être prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP). Dans ces conditions, ce test doit être inscrit sur la liste des actes remboursés par la sécurité́ sociale
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La mesure de la charge virale cellulaire ADN‐VIH peut être demandée au cas pas cas pour étayer une décision d’allègement thérapeutique, même si elle n’est pas inscrite sur la liste des actes biologiques remboursés par la sécurité sociale
Modification du traitement ARV et réduction des coûts
Comme dans la version précédente du rapport, le groupe d’experts a abordé la question des coûts des traitements et souhaite favoriser, lors de la réflexion en vue d’un changement de traitement, la prescription des associations d’ARV les moins couteuses, lorsqu’à l’issue d’un choix basé sur les critères d’efficacité, de tolérance et de facilité de prise, plusieurs options restent possibles.
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Le groupe d’expert recommande de proposer aux PVVIH, dont la situation individuelle le permet, des switch dans un objectif de réduction des coûts, sous réserve d’expliciter clairement au patient la motivation du changement et les éventuelles contraintes de prise en résultant, et de recueillir sa pleine adhésion à cette attitude.
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Le groupe d’expert recommande mettre en place des actions sensibilisant les différents acteurs (personnes vivant avec le VIH, médecins, pharmaciens, soignants) au coût des traitements ARV et des études ayant pour objectif de démontrer la non‐infériorité de traitements moins onéreux.
Primo-infection et diagnostic virologique
Le diagnostic d’une primo-infection par le VIH est une urgence virologique, évoqué devant un résutlat de Test ELISA négatif avec une forte suspicion clinique ou d’exposition et un résultat de Test ELISA avec < 5 bandes sur le Western blot.
La charge virale ARN-VIH devient l’examen clef du diagnostic de primo-infection et les résultats doivent pouvoir être obtenus en moins de 48 heures.
La recherche de l’antigène p24 ne doit plus être prescrite pour la confirmation du diagnostic de primo-infection.
Les autotests et tests rapides (TROD) peuvent être pris en défaut pour le diagnostic de primo-infection: ils peuvent être négatifs en infection aiguë (Western blot négatif) et se positivent inconstamment en infection récente (Western blot indéterminé, < 5 bandes).
Le dépistage d’une personne recevant une PrEP repose sur le test ELISA de 4éme génération (Ag/Ac) et la PCR VIH.
Tout patient diagnostiqué en primo-infection VIH relève d’un traitement antirétroviral rapide (au mieux 24-48h) associant:
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2 INTI + TDF/FTC + 3ème agent : IP/r (darunavir/ritonavir, 800/100 mg) ou INI (dolutégravir)
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Ce choix est fait en l’absence des résultats du typage HLA- B*5701 et du test génotypique de résistance aux ARV. Le traitement sera adapté selon ces résultats
Prise en charge des resistances
Les données concernant les résistances montrent une tendance à la baisse. Le groupe d’expert recommande de:
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Prescrire un test génotypique de résistance lors du diagnostic de l’infection à VIH (AII), ou sur le dernier prélèvement disponible avant de débuter le traitement (AII)
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Analyser les gènes de la RT, protéase et intégrase sur ce premier prélèvement
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Rendre le premier résultat du génotype de résistance accompagné de l’identification du sous-type de VIH-1 (AII)
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Prescrire un test génotypique de résistance en cas d’échec virologique en s’assurant que le patient était sous traitement antirétroviral au moment du prélèvement (AI)
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Choisir le traitement de relais le plus souvent possible lors de concertation multidisciplinaire associant cliniciens, virologues et pharmacologues
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Prescrire un test de détermination génotypique du tropisme uniquement quand la prescription d’antagonistes de CCR5 est envisagée sur l’ARN ou l’ADN VIH selon la situation.
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Demander la réinterprétation des résultats des anciens tests génotypiques avec l’algorithme le plus récent en cas de changement de traitement et de tenir compte de l’analyse des génotypes cumulés.
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Des recommandations sur l’intérêt de la détection des populations résistantes minoritaires ne peuvent pas être formulées dans l’état actuel des connaissances.
Prise en charge des situations d’échec virologique
Dans l’évaluation d’une situation d’échec virologique :
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En cas d’échec d’amplification de l’ARN VIH plasmatique, on peut envisager, après concertation avec le virologue, la réalisation d’un test génotypique de résistance sur l’ADN VIH dans les cellules du sang périphérique. Cette charge provirale fait son entrée dans plusieurs des recommandations 2016 alors qu’elle n’est réalisée actuellement que dans quelques laboratoires de recherche et qu’elle ne figure pas encore à la nomenclature.
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Le profil de mutations de résistance effectué à partir de l’ADN‐VIH est toutefois moins informatif que celui obtenu en cumulant l’ensemble des tests génotypiques de résistance effectués à partir du virus plasmatique lors des échecs précédents. De ce fait, on doit donc tenir compte des mutations identifiées mais on ne peut exclure l’existence de mutations non détectées (mauvaise valeur prédictive négative). Il est également indispensable de tenir compte des résultats de tous les tests génotypiques de résistance réalisés antérieurement (génotype cumulé). Enfin, les résultats des tests génotypiques de résistance antérieurs doivent être réinterprétés à l’aide de l’algorithme le plus récent de l’AC11 de l’ANRS.
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En cas de multirésistance aux INTIs (≥ 3 TAM + M184V), il peut persister une activité́ résiduelle de l’abacavir et du ténofovir. Toutefois, le maintien d’INTI en cas de multirésistance à cette classe d’antirétroviraux ne se justifie pas lorsqu’au moins trois autres antirétroviraux pleinement actifs sont disponibles.
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Avant d’arrêter un INTI actif sur le VHB (lamivudine/emtricitabine, et surtout ténofovir), il est impératif de vérifier le statut VHB du patient.
Réplication virale résiduelle localisée à un compartiment anatomique
Nouveauté également, la prise en compte des prise en compte des situations de réplications virales liées à un compartiment anatomique, par exemple dans le système nerveux central. Une réplication virale résiduelle dans le liquide céphalorachidien (LCR) est définie par une CV détectable dans le LCR alors que la CV plasmatique est indétectable.
Les ARV suivants peuvent avoir un intérêt dans ces situations :
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INTI : abacavir zidovudine (en l’absence d’autre choix possible)
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INNTI : névirapine
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IP/r : darunavir
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INI : raltégravir, dolutégravir
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Antagonistes de CCR5 : maraviroc (si tropisme R5 dans le LCR)
Très importante pour son impact dans le cadre du Treatment as prevention, la réplication virale résiduelle dans le compartiment génital est également abordée :
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Des cas exceptionnels de discordance sang/sperme avec une CV élevée dans le sperme de façon prolongée ont été rapportés
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En allègement thérapeutique, mis à part la monothérapie de DRV/r pour laquelle les données virologiques sont rassurantes, la survenue d’une réplication virale résiduelle dans le compartiment génital ne peut être exclue
Infection par le VIH-2
Le groupe d’experts recommande d’initier le traitement chez tous les patients symptomatiques et chez les patients asymptomatiques avec:
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CD4 < 500/mm3
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ou diminution annuelle de CD4 > 30/mm3 • ou charge virale plasmatique détectable
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ou âge > 40 ans
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ou comorbidités
Le groupe recommande également de contrôler la charge virale plasmatique et le nombre de lymphocytes CD4 tous les 6 mois chez les patients asymptomatiques sans indication au traitement. La prescription systématique d’un traitement préventif de la transmission mère-enfant est recommandée.
Un génotype RT, protéase, intégrase doit être réaliser systématiquement avant de débuter le traitement, qui, en première ligne, sera composé de 2 INTI +1 IP/r (darunavir/r) ou 1 INI.
En cas d’échec thérapeutique, il convient d’appliquer la stratégie de gestion validée pour VIH-1 (voie ci-dessus), tout en se rappelant que les VIH 2 sont naturellement résistants aux INNTI et à l’enfuvirtide mais sont sensibles aux anti-CCR5 en cas de tropisme viral R5 documenté.
Enfin, le groupe d’expert recommande de continuer d’inclure les patients dans la cohorte nationale ANRS CO5 pour améliorer les connaissances.
Prise en charge des accidents d’expositions au sang et sexuelle chez l’adulte
Le choix préférentiel est désormais TDF/FTC/RPV (tenofovir, emtricitabine et rilpivirine), en 1 comprimé par jour, pour sa bonne tolérance, sa simplicité de prise et son coût moindre. Il est rappellé la nécessité de prise alimentaire et que les IPP contre indiqués. Les autres possibilité sont :
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TDF/FTC + darunavir 800 /r (3 comprimés en 1 prise/j) – TDF/FTC + raltegravir (3 comprimés en 2 prises /jour)
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TDF/FTC/elvitegravir/c (1 comprimé/jour)
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INTI: AZT/3TC (un comprimé deux fois par jour) si atteinte rénale (abacavir non recommandée en raison du risque de survenue d’hypersensibilité, le typage HLA-B*5701 ne pouvant être réalisé en urgence).