Une session était notamment consacrée à ces deux thèmes lundi après-midi. Avec en ouverture une présentation de Cynthia Benkhoucha (Aides) sur le thème de la « disance », néologisme né lors des rencontres «Femmes séropositives en action» organisées à l’automne 2011, un mot concept destiné à exprimer que la dicibilité ne sert à rien si la séropositivité n’est pas comprise.
Renaud Persiaux (chargé de mission soutien aux soins à Aides) a présenté les réalisations de l’atelier créa-média, qui permet, à travers la création de supports journalistiques, l’expression des besoins des PvVIHPVVIH Personne vivant avec le VIH avec leurs propres mots. Réalisé lors des rencontres organisées par Aides, ce travail réflexif «valorise leur parcours de vie, les difficultés qu’elles rencontrent,la façon de les surmonter, de les vivre, et de les partager». Avec en prime une dimension politique: «instantanés de la vie avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. ou une hépatite virale», ces supports «sont la base» des actions de plaidoyer menées par Aides auprès des décideurs.
Le troisième intervenant prévu, Mohamed Touré, n’a pu présenter un livre de témoignages à visage découvert intitulé Nous sommes une seule et même famille. Il était absent, empêché de quitter le Mali à la suite du coup d’Etat du 22 mars, comme nombre d’autres intervenants maliens.
Un plaidoyer a contrario pour la démocratie, qui renvoyait à un beau poster calligraphié affiché non loin de là: Nicoletta Eyamo, d’Horizons Femmes, à Bafoussam, y relatait une expérience visant à mobiliser les femmes de l’ouest du Cameroun à s’inscrire sur les listes électorales tout en profitant pour leur proposer des causeries sur l’éducation à la prévention du VIH (72% des inscrites y ont participé!)…
Mais revenons à la question du «discible» avec Melaine Cervera (Université Paris-Est, Marne-la-Vallée), l’intervenant suivant: fruit d’une recherche menée avec deux associations, l’une basée à Lorient, l’autre à Montpellier, sa présentation portait sur les liens entre dicibilité et accès des PVVIH à l’emploi. Partant du constat que le discours associatif majoritaire est: «surtout ne pas dire», il a affirmé que le concept de «disance» peut participer d’un double mouvement, sur la personne et sur la société. Il a détaillé les différents types de dicibilité – contrariée, assumée, «ciblée», militante… – avant d’appeler de ses vœux un renforcement du militantisme nécessaire pour changer d’échelle.
Invisibilité
Les deux dernières interventions de la session se situaient «très loin de la disance», comme l’a noté Alice Desclaux, qui présentait «Une population vulnérable invisible : les veuves vivant avec le VIH à Dakar». Une invisibilité qui s’explique en partie par une auto-exclusion, ses «victimes» refusant d’être «responsables» de nouvelles contaminations… Face à cette souffrance sociale, les associations «doivent faire le premier pas» vers ces veuves «très demandeuses d’appui et d’autosupport».
Dernière catégorie «invisible» présentée lors de cette session: celle des personnes âgées. Alassane Sow a cherché à savoir pourquoi la majorité des personnes de plus de 50 ans vivant à Dakar ne faisaient pas partie d’une association de PvVIH. Il a lui aussi retrouvé un phénomène d’auto-exclusion et la non reconnaissance des associations, qui n’offrent aucun service particulier à ces personnes.
Perdus de vue
Les perdus de vue demeurent une problématique essentielle de l’accès aux soins, comme l’a rappelé Yves Souteyrand, coordonnateur du département VIH/sida de l’OMS, lors de la session dédiée à cette question. Avec des chiffres parlants: 20% de perdus de vue la première année, 10% les suivantes…, et des stratégies de fidélisation efficaces, comme celle présentée par K.A.E. Komena (de l’ONG ivoirienne Aconda-VS), qui allie la mise en œuvre de groupes d’autosupport et des relances téléphoniques systématiques, ou comme une aide alimentaire. Mais comment pérenniser ces approches coûteuses(surtout quand il y a aussi des «perdus de vue» parmi les téléphones!)?
Séverine Carillon, du Ceped (Paris), a analysé le discours du personnel soignant en direction des «patients de retour en consultation à l’issue d’une rupture de suivi médical», souvent moralisateur et autoritaire («si tu veux continuer à vivre, tu as 15 jours… après, c’est fini!») quand les raisons de la rupture de soins n’apparaissent pas «sérieuses», ce qui ne valorise pas le retour aux soins, bien au contraire…
Autre lieu, autres questionnements sur les rapports médecin/patient: Agnès Certain, de l’hôpital Bichat (Paris) et Xavier Rey-Coquais (Actif Santé) présentaient en poster les résultats de la cohorte Prélude sur «la vie des patients sous ARV à long terme, satisfactions et attentes», une étude menée de mars à juillet 2010, au design original et dont les données sont à la disposition des chercheurs. Quelque mille patients et une centaine de médecins ont été interrogés. Parmi les enseignements de l’étude, une faible corrélation entre le médecin et le patient sur les questions en miroir: une fois sur deux, le médecin «passe à côté» de l’effet ressenti par le patient…
Invisibles
Côté posters, la thématique des populations «invisibles» ou «négligées» était présente dans des registres – voire des mondes – bien différents, à l’image de celui présenté par Chloé Stengel, de l’UMI 233 IRD et du CRCF Dakar, titré «Le VIH-2,infection orpheline?», de celui vantant les effets d’une action de prévention vers une communauté de 500 pygmées Baakas afin de dissiper quelques croyances erronées, comme «le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. est une affaire de Bantous»… Ou encore de celui d’Hélène Hazera (Act up Paris) sur les «trans non putes»: «chercheurs et pouvoirs publics ont tendance à privilégier l’exotisme», explique l’activiste, mais la prévention «est plus difficile pour les non-putes, disséminées et souvent isolées». Conclusion: «Il est nécessaire de prendre en compte les différences entre putes et non-putes pour que les messages soient bien appropriés.»
Encore un saut dans l’espace-temps avec l’association versaillaise Marie-Madeleine, qui vantait pour sa part les mérites de l’aquagym et du théâtre pour permettre à des femmes séropositives de se réapproprier l’image de soi, de sortir de l’invisibilité et de lutter contre les discriminations.
Prise de parole
Un désir de prise de parole illustrée par deux initiatives inter-associatives genevoises: un micro-chapiteau de cirque destiné à recueillir les témoignages et coups de gueule des participants à la conférence et le projet «Voix off», né de la volonté de personnes séropositives qui fréquentent les associations de lutte contre le sida romandes de faire entendre leurs voix à l’occasion de la conférence. Résultat: sept mois de travail en ateliers, et 26 textes enregistrés, cocktail détonant d’émotion et d’humour.
PS: Pour finir, rappelons le moyen simple et non coûteux proposé par Patrizia Carrieri (Inserm U912, cohorte Hepavih) lors de la session sur les coinfections VIH-VHC pour réduire le risque de progression de fibrose, améliorer la réponse aux traitements et soulager les effets secondaires de ceux-ci: consommer au moins trois tasses de café par jour!