Covid-19 : persistance d’un surrisque cardiovasculaire pendant 18 mois

Une étude de grande envergure menée en Corée du Sud et au Japon confirme un surrisque cardiovasculaire prolongé après une infection par le Sars-CoV-2, quel que soit le variant, et même après des formes peu sévères. Toutefois, si le risque relatif est significativement élevé, le risque absolu demeure faible. Et la vaccination semble l’atténuer.

Cinq ans après le début de la pandémie de covid-19 les recherches sur les conséquences cardiovasculaires à long terme — au-delà d’un an après l’infection — demeurent rares. Les études existantes reposent souvent sur des échantillons peu représentatifs, majoritairement composés d’hommes blancs âgés, et ne reflètent donc pas la diversité des populations affectées à l’échelle mondiale, notamment les populations asiatiques. Par ailleurs, peu d’analyses ont pris en compte l’influence de la sévérité de l’infection, du variant en cause ou encore de la vaccination sur le risque cardiovasculaire prolongé. Ces lacunes justifient, selon les auteurs, la nécessité de l’étude récemment publiée dans la revue Circulation

Une méthodologie robuste, deux populations complémentaires

L’étude repose sur l’analyse croisée de deux bases de données nationales  pour les années 2020 à 2022 : le système sud-coréen K-COV-N, qui regroupe les données de santé d’environ 19 millions d’adultes, et les bases japonaises JMDC couvrant plus de 12 millions d’assurés. Tous les individus inclus étaient âgés de 20 ans ou plus et devaient être indemnes de tout événement cardiovasculaire avant 2020 ou dans le mois suivant leur infection par le Sars-CoV-2. Après appariement statistique et pondération des variables, les chercheurs ont retenu un échantillon de 7,96 millions de patients sud-coréens pour la phase “découverte” (cohorte DISCOVERY), et 12,22 millions de Japonais pour la phase de “validation” (cohorte VALIDATION). 

Le critère principal étudié était la survenue d’un premier événement cardiovasculaire majeur dans les mois suivant une infection au Sars-CoV-2. L’analyse portait sur huit grandes catégories d’affections : infarctus du myocarde, AVC, insuffisance cardiaque, myocardites et péricardites, arythmies, événements thromboemboliques, cardiopathies ischémiques, et événements cardiovasculaires majeurs (MACE).

Rappelons que les premières données de cohortes concernant le covid à la phase aiguë a démontré dès 2020 que le Sars-CoV-2 peut provoquer des lésions cardiovasculaires directes et indirectes, notamment des lésions myocardiques, des syndromes coronariens aigus, des cardiomyopathies, des cœurs pulmonaires aigus, des arythmies et des chocs cardiogéniques, ainsi que les complications thrombotiques. Ici il n’est pas question de covid aigu ou de “ covid long » mais de surrisque post covid.  

Un risque cardiovasculaire accru de 62% 

Résultat : dans la cohorte coréenne DISCOVERY, les personnes infectées présentent un risque accru de 62% (IC95% 61-64) de développer un événement cardiovasculaire majeur par rapport aux non infectées. Parmi les complications les plus fréquemment observées, la cardiopathie ischémique (+81%), l’insuffisance cardiaque (+79%), et les troubles cérébrovasculaires (+65%). Les risques de maladies cardiaques inflammatoires (telles que la péricardite et la myocardite), de troubles du rythme, de troubles thrombotiques (comme la thrombose veineuse profonde ou l’embolie pulmonaire) et d’évènements cardiovasculaires majeurs (tels qu’un décès cardiovasculaire, un accident vasculaire cérébral non fatal ou un infarctus du myocarde non fatal), sont également majorés, mais dans une moindre mesure.

Un surrisque concentré dans les premiers mois suivant l’infection

Le pic de survenue de ces complications se concentre dans les six premiers mois suivant l’infection, mais le risque reste statistiquement élevé jusqu’à 18 mois après la phase aiguë. Au-delà, les données ne montrent plus d’augmentation statistiquement significative. Ce phénomène d’”atténuation temporelle” suggère que le cœur peut, dans de nombreux cas, se remettre progressivement des séquelles inflammatoires du covid.

Une sévérité proportionnelle à la forme initiale… mais pas exclusivement

Sans surprise, plus le covid-19 initial a été grave, plus le risque cardiovasculaire à long terme est élevé. Les personnes hospitalisées ou admises en soins intensifs présentent les risques les plus importants. Toutefois, l’étude met en lumière un fait préoccupant : même les formes les moins sévères de la maladie, ne nécessitant pas d’hospitalisation, sont associées à une élévation du risque. Ce constat confirme que les dommages vasculaires thrombotiques ou inflammatoires induits par Sars-Cov-2 peuvent survenir indépendamment de la sévérité clinique initiale.

Risque relatif de l’incidence à long terme d’un premier événement cardiovasculaire majeur dans les mois suivant une infection au Sars-CoV-2. Les données en gras indiquent une différence significative.

Autre enseignement  : la période virale – que ce soit pré-delta souche Wuhan, delta ou omicron – ne semble pas modifier fondamentalement le niveau de risque. Le surrisque est homogène, quels que soient les variants dominants en circulation.

Les analyses, reproduites dans la cohorte japonaise VALIDATION, montrent un risque 2,7 fois plus élevé (IC95% 2,45-2,55) pour le critère principal et différentes catégories d’événements. Ce risque diminue avec le temps et ne persiste pas après 18 mois. 

La vaccination joue un rôle protecteur majeur

L’un des apports majeurs de cette étude est qu’elle confirme l’effet protecteur de la vaccination contre les complications cardiovasculaires du covid-19. Les patients ayant reçu un schéma vaccinal complet, incluant les doses de rappel, présentent un risque réduit d’environ 20 à 30 % par rapport aux non-vaccinés. Cette protection semble jouer un rôle essentiel non seulement en atténuant la sévérité de l’infection aiguë, mais aussi en limitant la survenue d’événements vasculaires à moyen terme.

Ces résultats confirment les bénéfices indirects de la vaccination, bien au-delà de la seule prévention des formes graves respiratoires. Le vaccin agirait en limitant la réponse inflammatoire systémique et les lésions vasculaires, le vaccin protégeant ainsi le cœur et les vaisseaux.

Un constat qui confirme l’intérêt des campagnes de rappel vaccinal, en particulier chez les personnes déjà à risque cardiovasculaire.

Un risque à relativiser

Si le risque relatif est notable, le risque absolu d’un événement cardiovasculaire reste modéré : 2,12 % chez les patients infectés contre 1,31 % chez les non-infectés sur la période de suivi. Le taux d’infarctus du myocarde post-covid n’atteint par exemple que 0,05 %, contre 0,03 % chez les non-infectés. Les auteurs de l’étude soulignent donc que ces résultats doivent être interprétés à l’échelle d’une population, et mettent en garde contre une médiatisation excessive qui aurait pour effet d’engendrer des peurs disproportionnées.

Des implications pour le suivi des patients

Pour les professionnels de santé, ces résultats justifient un suivi renforcé des patients post-covid, en particulier ceux présentant des facteurs de risque cardiovasculaires. Les auteurs invitent les autorités de santé publique à reconsidérer les messages de prévention et à intégrer les séquelles cardiovasculaires dans la définition du “covid long”.

Sources

  • Lee S et al. Burden of Cardiovascular Outcomes After SARS-CoV-2 Infection in South Korea and Japan: A Binational Population-Based Cohort Study. Circulation. 2025 Jun 4. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.125.073086. Epub ahead of print. PMID: 40464076.

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