Pourquoi revenir dans cette 72e livraison de Swaps sur la problématique des nouveaux produits de synthèse (NPS), déjà objet d’un numéro culte de Swaps (n° 67) consacré à la partie la plus émergée du problème et sans doute la plus hypertrophiée, le SLAM? Au point même d’y consacrer l’essentiel de ce numéro, si l’on exclut le copieux compte rendu par Olivier Doubre de la 23e conférence internationale sur la réduction des risques, sise en la capitale lituanienne et nos pages d’actualités scientifiques.
D’abord, parce que le phénomène des NPS pose des questions essentielles que nous avons tenté, avec l’aide de Magali Martinez et Vincent Benso, de mettre en perspective. Bien au-delà des effets de mode ou d’émergence. Pour certaines, ces questions sont ancestrales, à l’instar des liaisons dangereuses qu’entretiennent drogues et chimie industrielle dont Alexandre Marchant nous retrace le fil historique. Avec ce vieil adage cher aux dealers de LSD puis à d’autres par la suite : si cela vient de l’industrie pharmaceutique, a fortiori suisse, cela ne peut être qu’un «bon produit». «En Suisse, on n’attrape jamais de maladie, seulement des médicaments» disait Coluche.
Ensuite, parce que l’ère des NPS soulève la question de l’observation des pratiques de consommation et des produits. Le développement sur le Net et les réseaux sociaux d’une offre multiforme et sans cesse en adaptation aux lois censées les interdire met à mal les outils actuels de mesure. C’est devant un tel constat qu’est né le projet I-Trend, outils intégrés pour la recherche en Europe sur les nouvelles drogues, coordonné par l’OFDT. Dans le sillage se pose aussi la question de la congruence entre l’interdiction opposée assez illusoirement à l’offre de telle ou telle NPS sur le Net et l’objectif qui est d’en limiter la diffusion. Et les témoignages de Vincent Benso attestent combien la facilité de diffusion et de commande —sans tiers— sur la toile, associée à des publicités habillées (engrais, nourritures animales, sels de bain, etc.) rend illusoire tout contrôle.
C’est précisément de cette complexité-là dont rend compte ce nouveau numéro de Swaps. Avec sans doute l’idée, en filigrane, d’une cyber réduction des risques qui reste à construire.