Depuis juillet 1983, date à laquelle le fondateur de l’Association des médecins gays avait fustigé, à propos de l’émergence du sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. le «grossissement permanent d’un fait minoritaire numériquement parlant», tout acteur de santé, a fortiori dans la réduction des risques, est désormais condamné à la prudence dès lors qu’il s’agit d’analyser l’émergence d’une maladie, d’une pratique, d’une addiction, ou les dangers potentiels d’un nouveau produit…
Le numéro spécial que Swaps consacre à l’arrivée de nouveaux produits de synthèse essentiellement dérivés de la cathinone, l’un des principes psychoactifs du khat, et multipliant les dénominations (MMC, M-cat, Miaou, 4-MEC…), mais aussi à des pratiques d’injection accompagnant des pratiques sexuelles à risque chez les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH), n’échappe pas à la règle. Comme le souligne Philippe Batel, la question est aujourd’hui de savoir s’il s’agit d’un épiphénomène ou d’une « slam fever » – slam étant l’un des noms attribués aux pratiques d’injection (cocaïne ou autres) associées à l’activité sexuelle chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. et possiblement dans d’autres populations. Une première enquête conduite avec AIDES, l’Association des médecins gays et l’INVS a été menée entre mai et juillet 2012 pour tenter de cerner l’ampleur du problème et en dresser les caractéristiques ethnographiques, enquête dont on attend les résultats complets.
Plusieurs questions émergent dès à présent:
– Face à la multiplication des produits sur internet (au registre des engrais pour bonzaï par exemple) sous d’autres appellations ou d’autres dérivés chimiques au prorata des interdictions – dernier arrêté dans le JO du 2 août, qui classe « toute molécule dérivée de la cathinone, ses sels et ses stéréoisomères » comme stupéfiant -, comment investir la toile pour proposer information et réduction des risques ?
– l’interdiction ou le classement comme stupéfiant de ces substances est-il efficace ? Il semble par exemple qu’au Royaume-Uni, l’interdiction de la méphédrone ait – au moins dans un premier temps – augmenté la demande, élevé son coût et diminué sa qualité…
Il est clair que ces pratiques sont associées à de très fortes prises de risques, tant par rapport à l’usage du produit qu’à l’activité sexuelle qui l’accompagne ; et que la plupart des consommateurs de ces molécules de synthèse échappent au tissu associatif, étatique, clinique mis en place pour réduire les risques de consommation de drogue et ses effets médico-collatéraux.
Reste à savoir si ce dossier sera une des priorités de Danièle Jourdain Menninger, la nouvelle présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (Mildt).
> Ce dossier a été publié dans le n°67 de Swaps.