Cette 66e livraison de Swaps, qui revient très largement sur le problème de la prohibition des drogues à l’heure de la mondialisation – et plus précisément sur la question cristallisante de la dépénalisation de l’usage du cannabis –, a un fort parfum d’actualité. On a en tête les récents propos de la nouvelle ministre du logement, Cécile Duflot, en faveur de la légalisation du cannabis au même titre que l’alcool ou le tabac, et des très nombreuses réactions politiques qui ont suivi. à commencer par le chef de l’état, François Hollande, pour qui «il n’est pas question qu’il y ait d’autres positions que celles que j’ai présentées aux Français pendant la campagne présidentielle…», confirmé par son premier ministre, selon lequel «il n’est pas à l’ordre du jour de dépénaliser cette drogue». Un «débat» qualifié «de désastre moral» par Henri Guaino, ex-conseiller de l’ex-président Sarkozy, et de «retour de l’angélisme et des soixante-huitards pétard au bec» par Marine Le Pen…
Swaps, dans ce retour sur un débat ancestral, s’est voulu plus pragmatique et plus historique, avec notamment (voir page 2) une analyse retrospective de la prohibition des drogues, remise en cause récemment par la déclaration de Vienne et par le rapport de la «Global Commission» qui critique frontalement la politique des Nations unies en matière de lutte contre la drogue.
Il est intéressant de noter comment les politiques prohibitionnistes ont puisé leurs racines, notamment aux états-Unis, dans les franges les plus réactionnaires de la société, épinglant communautairement les consommations de drogues: l’opium des Chinois, la cocaïne des Noirs, la marijuana des Mexicains, voire le whisky des Irlandais… Et puisque politique il y a, le débat français semble être encore enlisé dans une caricature droite-gauche qui confine à l’immobilisme, finalement assez également réparti dans l’hémicycle. Alors que – doit-on le rappeler – deux personnalités de droite ont été à l’origine de deux des avancées les plus importantes en matière de réduction des risques en France, Simone Veil avec les traitements de substitution et, avant elle, Michèle Barzach avec la mise en vente des seringues dont il est aussi question dans ce numéro (voir page 19). L’occasion de revenir sur la difficulté pour les politiques d’affronter la pression de l’opinion publique mais aussi les arbitrages interministériels.
Restent plusieurs chantiers désormais incontournables pour la gauche au pouvoir: la réouverture du débat sur le cannabis thérapeutique, le fait que la population consommatrice de cannabis, notamment les plus jeunes, est quasiment exclue des politiques de réduction des risques. Et, dans cette thématique de réduction des risques, l’oubli des risques collatéraux sociaux de la violence liée au trafic, dont 80% seraient liés au trafic de cannabis.
Faute de réponse cohérente et universelle, la question des réductions des risques impose de comparer les réglementations politiques et pénales et les pratiques policières dans les différents états, les pratiques de consommation et les réponses apportées en termes de réduction des risques, l’adaptation des systèmes de soins aux polyconsommations…
Swaps va se lancer, pour 2013, dans l’organisation d’une conférence européenne sur les politiques publiques en matière de drogues illicites. Une conférence audacieuse et encore en cours d’élaboration. Nous souhaitons que le lectorat de Swaps puisse y apporter sa contribution.