Mais il est aussi l’essayiste engagé, –parfois un rien excessif– très cultivé, qui nous invite, dans «Au risque de la race», à nous remettre en question dans la profondeur de notre « blanchitude », peuplée de stéréotypes républicains universalistes plus ou moins inconscients.
«Les races n’existent pas! Au nom de ce gimmick pré- senté comme le point final de toute discussion raisonnable, un catéchisme subtil vient perturber notre compréhension du mot “race”. Un catéchisme culpabilisant pour celles et ceux qui habitent ce corps racialement indicible. Un monde profondément marqué, si ce n’est obnubilé, par le corps de minorités dites visibles, lesquelles sont régulièrement sommées dans une injonction paradoxale d’“être comme les autres”, de ne pas “se sentir différentes”, plaide-t-il. J’ai fini par me convaincre que cette invisibilité et cette indifférence ne sont finalement que les piliers d’une forme nouvelle de soumission, et que le négationnisme racial (le “colorblindness”) ne sert qu’à perpétuer la domination des Blancs.»
Dans ce nouvel essai, lui qui se surnomme «Fabrice Del Congo», et nous fait le récit, pudique mais sans détours, de sa biographie, milite pour la reconnaissance de la réalité que vivent, dans leur chair, ceux des minorités que l’on appelle «visibles». «On peut toujours se voiler la face. Le « toubab» reste un «toubab» et le droit-de-l’hommisme vient prendre la suite du prêche religieux. Écoutez le Blanc, quand il parle… », dit-il. Alors, il plonge dans l’univers des corps, avec leurs couleurs, odeurs, cheveux, pour leur restituer toute leur place, squattée par la psychologisation à la sauce sociologisante à tout-va de la réalité de chacun, et l’instrumentalisation du prestige acquis par la science au détriment de la religion… Blanc, noir… et entre les deux ? Et la place des juifs… et de tous «les marrons» avec leurs nuances de brun, beige, café au lait, café noisette, dont il fait le plaidoyer? Clin d’œil: Fabrice Del Congo entend bien ici «montrer que notre roman anti-racial national opprime /sa/ marronité». Il veut la reconnaissance d’un corps, d’une physiologie, d’une spécificité finalement, comme ceux que la révolution de la réduction des risques et l’émergence des traitements de substitution ont su restituer aux toxicomanes… Et il l’explique, avec brio.
Au risque de la race: Si les races n’existent pas, il faut les inventer, Fabrice Olivet, L’Aube, 197 pages, 18,50 euros.