Quelque 5,2 millions de personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. recevaient un traitement antirétroviral à la fin 2009, a annoncé à Vienne l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). C’est 1,2 million de plus qu’en 2008 – soit la plus forte augmentation en une année. L’effort accompli en une décennie est sans précédent : au début des années 2000, l’accès aux traitements dans les pays en développement se limitait à quelques personnes. Pour autant, l’accès universel aux traitements – fixé à 2010 par le 6e Objectif du millénaire pour le développement ‘ est loin d’être atteint. Plus de 10 millions d’autres personnes ont besoin d’un traitement antirétroviral. Les deux tiers des besoins ne sont pas couverts.
Michel Kazatchkine, qui dirige le Fonds mondial, a multiplié les interventions pour dire son inquiétude, à l’approche de la conférence de reconstitution, chiffrant la somme nécessaire pour les 3 ans à venir entre 13 et 20 milliards de dollars. Or, réunis le 5 octobre à New York, les donateurs ont finalement pris un engagement financier à hauteur de 11,7 milliards de dollars en faveur du Fonds pour la période allant de 2011 à 2013.
Cet entretien a été publié dans Transcriptases n°144 Spécial Vienne 2010, réalisé en partenariat avec l’ANRS.
La Conférence de Vienne s’est ouverte sur la Déclaration de Vienne concernant l’usage de drogues. Qu’espérez-vous en termes d’impact de cette pétition internationale ?
Cette pétition aura recueilli un très grand nombre de signatures d’experts, de professionnels et de personnes concernées au premier plan par la tragédie que représente la propagation de l’épidémie par les seringues dans de nombreuses régions de monde. Cette pétition est une référence. J’attends que progressivement – il nous faudra de la patience mais on y arrivera – les pays modifient leurs législations et leurs positions quant aux traitements substitutifs. Il faut que les politiques répressives appliquées par certains gouvernements cessent parce qu’elles ne font qu’encourager la propagation du VIH. La criminalisation des usagers de drogues, nous le savons, est un vecteur de propagation de l’épidémie. Les personnes qui font usage de drogues n’ont souvent pas accès aux soins ni aux programmes d’échange de seringues.
Pour toutes ces raisons, à travers la pétition, nous demandons aux gouvernements de promouvoir une approche scientifique de la politique sur la drogue qui commence par reconnaître que la dépendance n’est pas un crime mais un problème de santé, de décriminaliser les personnes qui utilisent de drogues, d’entreprendre un examen transparent de l’efficacité des politiques antidrogues actuelles. Les interventions, la réduction des risques commencent à prendre de l’ampleur en Europe de l’Est et en particulier au Tadjikistan, en Ukraine et maintenant en Biélorussie. Enfin, l’ancien président Cardoso a maintenant la présidence d’une commission internationale qui va travailler dans la suite de la commission des anciens présidents d’Amérique latine sur ce thème, sur les modifications souhaitables à apporter aux législations nationales sur l’usage de drogues.
En France même, les déclarations de Roselyne Bachelot sur la création de salles d’injection supervisées ont aussitôt été démenties par Matignon. Comment expliquez-vous que la politique de réduction des risques peine à progresser dans notre pays ?
Notre pays représente un succès dans la politique de réduction de risques puisque que moins de 2% des nouvelles infections par le VIH qui surviennent concernent des usagers de drogues. J’espère qu’il évoluera aussi comme son voisin la Suisse, l’Australie et comme d’autre pays vers l’acceptation de centres de réduction des risques que s’adressent spécifiquement à ceux que ne peuvent s’arrêter.
Vous avez participé à la Marche pour les droits humains en arborant le T-shirt orange des manifestants et en prononçant à l’issue de la manifestation un discours très offensif. C’était d’ailleurs un de vos temps forts de la conférence…
Oui, absolument, et d’ailleurs le message de la banderole en tête de cortège était sans équivoque «human rights now more than ever – aujourd’hui plus que jamais». J’ai ressenti dans cette marche un élan, une ferveur et une énergie que je n’avais pas vus depuis la marche de Durban il y a dix ans. La question des droits de l’homme doit rester au centre de notre combat contre le sidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. C’est quelque chose que l’on oublie trop souvent, en particulier dans la période comme celle que nous vivons actuellement où l’appel aux ressources domine la scène internationale. L’histoire du sida montre combien la maladie a fait progresser les droits des malades et la prise de conscience de ces droits et combien la non prise en considération des droits de l’homme les plus fondamentaux expose de façon majeure à des risques et écarte les gens de l’accès aux soins. La prévention, l’accès aux traitements et aux soins sont des axes fondamentaux sans lesquels aucune bataille ne peut être gagnée. Nous avons besoin de programmes d’échange de seringues et de traitements de substitution pour les usagers de drogues partout y compris en milieu carcéral et dans les lieux de pré-détention dans tous les pays y compris en Europe de l’Est où, et nous l’avons entendu à Vienne à de multiples reprises, la situation est particulièrement préoccupante.
Mexico était une conférence déjà très politique, Vienne l’était encore plus. Cette évolution vous parait-elle souhaitable ?
Oui, cette évolution me paraît souhaitable. Plus cela va, plus je suis conscient que la décision du financement de ressources pour la santé est une décision politique. C’est particulièrement vrai en période de crise économique et financière où les gouvernements du Sud comme les gouvernements du Nord doivent choisir leurs priorités.
Lors de notre précédent entretien, à l’issue de la conférence de Mexico, vous pointiez déjà les promesses non tenues des pays du G8 mais aussi celles de l’Union européenne d’atteindre 0,56% du PNB pour le développement. Deux ans plus tard, comment qualifieriez-vous l’évolution de la situation sur le plan des financements ?
L’évolution de la situation n’est pas brillante. Je crois que, dans l’ensemble, le monde est quelque part autour de 0,31% du PNB pour ce qui concerne l’aide au développement à l’heure actuelle. Dans les derniers mois, seul le Royaume-Uni, malgré la crise économique, a dit qu’il allait maintenir le cap autour de 0,7% pour 2010-2012.
En matière de prévention, la conférence a été dominée par les questions autour de TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). du traitement en tant que prévention. En tant que médecin et chercheur, comment analysez-vous cette nouvelle stratégie ?
Je suis intéressé par tout ce qui se dit et s’écrit sur l’effet préventif du traitement et donc sur les propositions et sur l’attente que l’on pourrait avoir de la TasP. De retour à Genève après la conférence de Vienne, je suis surtout confronté à des défis considérables pour consolider l’acquis et obtenir les ressources nécessaires et accroître le nombre de patients sous traitements dans le monde en développement. Les scientifiques n’ont pas convaincu les politiques ou pas encore convaincu les politiques sur cette question.
Plus de 5,2 millions de personnes sont traitées dans le monde : la lutte contre le sida a fait un bond considérable. Mais ce succès est fragile. Quels sont vos arguments pour convaincre les pays donateurs à faire encore plus ?
Oui, ce succès est fragile, mais l’argument majeur pour moi est celui de la faisabilité, de l’atteinte des Objectifs du millénaire d’ici 2015. Il s’agit donc aussi que l’on parvienne à ce que plus de 75% des pays aient la couverture universelle d’ici 2015. Ce chiffre de 5,2 millions est le résultat obtenu par les pays. Pour convaincre les pays donateurs, j’ai multiplié ces derniers mois les visites et les rencontres avec des chefs d’Etat du Nord et du Sud, du G8 et du G20. Ce sont les résultats que nous avons obtenus en huit ans d’existence qui font loi. Lorsque le Fonds mondial a été créé, en 2002, presque aucun malade atteint du sida au Sud ne bénéficiait d’une thérapie antirétrovirale. Aujourd’hui 5,2 millions de personnes ont accès à un traitement contre le sida, 2,8 millions de traitements sont financés par le Fonds mondial. Le nombre de décès lié au sida a reculé dans de nombreux pays. Le nombre de nouvelles infections au VIH commence aussi à diminuer. Nous pouvons virtuellement éliminer la transmission du sida de la mère à l’enfant si nous obtenons les financements dont nous avons besoin en 2015. Depuis la création du Fonds, nous avons approuvé des financements pour un montant de 19,4 milliards de dollars pour financer les efforts de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et nous finançons des programmes dans plus de 140 pays. Chaque jour, grâce aux programmes soutenus par le Fonds mondial, nous sauvons 4000 vies. A ce jour, nous avons permis de sauver 5,7 millions de vies. Voilà. Ce sont des résultats tangibles, clairs. A Vienne, j’ai été particulièrement touché d’entendre les appels unanimes des représentants des ONG du Nord et du Sud qui ont parlé d’une seule voix pour demander la reconstitution des ressources du Fonds mondial pour que nous puissions ainsi accélérer notre réponse et fournir prévention et traitements à plus de malades encore, renforcer les systèmes de santé et remporter de nouvelles victoires sur le front du sida, de la tuberculose et du paludisme.
Si la réunion à l’ONU du 5 octobre à New York avec les pays donateurs n’est pas à la hauteur de vos espérances, comment comptez-vous poursuivre votre action ?
Nous avons l’occasion de remporter des victoires importantes dans le domaine de la sante publique. Si nous n’obtenons pas les financements dont nous avons besoin, nous risquons de perdre ce que nous avons acquis. Investir dans ces efforts maintenant, c’est investir dans notre futur. Il faut maintenant des volontés politiques pour y parvenir. Ce sont ces messages que j’ai partagé avec les donateurs du Fonds mondial au cours de ces derniers mois. C’est aussi la mobilisation de tous et je compte poursuivre cette action avec vous et avec l’ensemble du mouvement extraordinaire qui rassemble tous les acteurs de la lutte contre le sida pour que l’effort de reconstitution des ressources ne s’arrête pas au 5 octobre au soir mais se poursuivre, en particulier à partir du constat de nouveaux progrès dans l’accès aux traitements, le nombre de vies sauvées. Nous sommes à un tournant. Nous avons face à nous la possibilité d’aller vers une mondialisation éthique et solidaire qui ne laissera pas les plus vulnérables sur le bord de la route ou nous risquons de voir le fossé qui sépare les riches et les pauvres ne cesser de s’élargir dans les années qui viennent si les financements dont nous avons besoin pour continuer et accroître encore notre réponse aux trois pandémies ne sont pas aux rendez-vous de New York.
Moins de 12 milliards recueillis pour les trois ans à venirQuelque 5,2 millions de personnes vivant avec le VIH recevaient un traitement antirétroviral à la fin 2009, a annoncé à Vienne l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). C’est 1,2 million de plus qu’en 2008 – soit la plus forte augmentation en une année. L’effort accompli en une décennie est sans précédent : au début des années 2000, l’accès aux traitements dans les pays en développement se limitait à quelques personnes. Pour autant, l’accès universel aux traitements – fixé à 2010 par le 6e Objectif du millénaire pour le développement ‘ est loin d’être atteint. Plus de 10 millions d’autres personnes ont besoin d’un traitement antirétroviral. Les deux tiers des besoins ne sont pas couverts. Cette annonce est donc une nouvelle en demi-teinte, d’autant plus que l’OMS indiquait en septembre 2009 un meilleur taux de couverture des besoins en ARV : 42%. Explication : en novembre, deux mois après cette annonce, l’OMS a relevé le seuil d’indication de mise sous traitement dans les pays en développement. Auparavant établi à 200 CD4 (ce qui est désormais considéré par les experts comme trop tardif), il été rehaussé à 350 CD4. Cela a augmenté de près de 5 millions le nombre de personnes en indication de traitement. Mais si les objectifs sont atteints, cela permettra une baisse des décès de 20% d’ici à 2015. Mais cela ne sera possible qu’à la condition d’accroître encore les efforts. En clair, d’augmenter les sommes allouées au financement des traitements. Or, le Fonds mondial, qui finance plus de la moitié des traitements – ceux de 2,8 millions de personnes en 2009 – manque déjà cruellement d’argent, et peine à satisfaire les demandes des pays récipiendaires. Michel Kazatchkine, qui dirige le Fonds mondial, a multiplié les interventions pour dire son inquiétude, à l’approche de la conférence de reconstitution, chiffrant la somme nécessaire pour les 3 ans à venir entre 13 et 20 milliards de dollars. Or, réunis le 5 octobre à New York, les donateurs ont finalement pris un engagement financier à hauteur de 11,7 milliards de dollars en faveur du Fonds pour la période allant de 2011 à 2013. Même si ces contributions constituent la promesse financière la plus importante jamais faite pour la lutte menée collectivement contre ces trois pandémies à l’échelle internationale (9,7 milliards de dollars avait été obtenus en septembre 2007 à Berlin pour la période allant de 2008 à 2010), elles n’atteignent donc pas le montant le plus bas de la fourchette chiffrée par Michel Kazatchkine. Pour les associations françaises (Act Up-Paris, AIDES, Coalition PLUS, Sidaction, Solidarité Sida), le compte n’y est pas : «9 milliards sont déjà gagés pour continuer à alimenter les programmes de traitements et de prévention déjà lancés (…). Il ne reste donc que moins de 3 milliards de dollars – soit moins d’1 milliard par an sur 2011-2013 – pour espérer prendre en charge davantage de malades. Cela constitue une décélération de 2/3 par rapport au rythme de financement actuel.» |
>>> Vienne 2010
Toute l’actualité de Vienne 2010 est sur Vih.org. A l’occasion de la conférence, Vih.org s’associe à Libération.fr et Yagg.com. Les photos et l’ambiance de la conférence sont sur Vu, le regard de Vih.org.