CROI 2014: Traiter tôt les patients infectés par le VIH, un bénéfice confirmé

Les avancées majeures réalisées en termes de prévention et de traitement ont permis de freiner l’épidémie VIH et d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes. L’obstacle majeur à la rémission reste l’existence de réservoirs viraux dans lesquels le virus est à l’état latent et sur lesquels les traitements antirétroviraux ne sont pas efficaces. Plusieurs études apportent des éclairages nouveaux sur les réservoirs et insistent sur  la nécessité de traiter très tôt les personnes infectées afin de préserver le système immunitaire dès les premières attaques du virus.

La première, ANRS OPTIPRIM 147, dont l’investigateur coordonnateur est le Docteur Antoine Chéret (Hôpital de Tourcoing), est un essai randomisé multicentrique. Son objectif principal est de parvenir à diminuer le niveau des réservoirs viraux du VIH-1 dès la primo-infectionPrimo-infection Premier contact d’un agent infectieux avec un organisme vivant. La primo-infection est un moment clé du diagnostic et de la prévention car les charges virales VIH observées durant cette période sont extrêmement élevées. C’est une période où la personne infectée par le VIH est très contaminante. Historiquement il a été démontré que ce qui a contribué, dans les années 80, à l’épidémie VIH dans certaines grandes villes américaines comme San Francisco, c’est non seulement les pratiques à risques mais aussi le fait que de nombreuses personnes se trouvaient au même moment au stade de primo-infection. 90 patients tout récemment infectés ont été répartis en deux groupes : les patients du groupe 1 ont reçu un traitement antirétroviral optimisé, une pentathérapie (raltégravir,maraviroc, darunavir/ritonavir et  emtricitabine/ténofovir), et le groupe 2 une trithérapie classique (darunavir/ritonavir et emtricitabine/ténofovir). Le traitement a été administré pendant 24 mois et le suivi s’est déroulé  jusqu’à 30 mois.1Paradoxical impact of maraviroc/raltegravir added to HAART in acute HIV infection: ANRS 147 trial
A. Cheret1,2, G. Nembot3, A. Mélard1,4, Camille Lecuroux5, C Lascoux6, I.Ravaux7, J. Reynes8, P. Miailhes9, L. Meyer3, C. Rouzioux1,4, for the OPTIPRIM-ANRS 147 trial Group.
1EA 3620 Paris Descartes Sorbonne-Paris-Cité University ~ 2Department of Infectious Diseases, Tourcoing Hospital ~ 3INSERM U1018, APHP Bicêtre Hospital, Faculty of Medicine Univ Paris-Sud , Le Kremlin-Bicêtre ~ 4Virology Laboratory, AP-HPAP-HP Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Necker Hospital Paris ~ 5Inserm U1012,Univ Paris-Sud ~ 6Department of Infectious Diseases, AP-HP, Saint-Louis Hospital, Paris ~ 7Department of Infectious Diseases, La Timone Hospital, Marseille ~ 8Department of Infectious Diseases, Guy de Chauliac Hospital, Montpellier  ~  9Department of Infectious Diseases, Croix Rousse Hospital, Lyon FRANCE

Après 24 mois de traitement, on constate une efficacité similaire des deux schémas thérapeutiques sur la diminution des niveaux des réservoirs viraux et sur le gain de cellules CD4. La pentathérapie n’apporte pas de bénéfice additionnel à la trithérapie. Des études sont en cours pour déterminer le rôle de deux molécules de lapentathérapie (maraviroc et raltégravir) sur cette réponse paradoxale. L’observation à 30 mois (soit 6 mois après l’arrêt des traitements) montre que la majorité des patients ont eu un rebond viral et ont repris leur traitement.  On observe toutefois qu’un patient présente un contrôle de la réplication virale après 18 mois d’arrêt ce qui le définit comme étant un patient « Contrôleur après traitement ». Cette observation doit être confirmée sur un temps d’observation plus important.

Une sous-étude réalisée sur les patients de l’essai ANRS OPTIPRIM 147 a cherché à disséquer l’impact des deux schémas thérapeutiques sur les différentes populations de lymphocytes T CD4, cellules qui sont les principaux réservoirs du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. Au terme de 24 mois de traitement, on constate que les cellules TCD4 naïves (TN) et TCD4 mémoires centrales (TCM) sont peu infectées. Ces cellules ont des rôles majeurs sur l’équilibre à long terme des défenses immunitaires. Les protéger apparait donc essentiel. Les chercheurs concluent qu’initier un traitement en primo-infection permet de préserver ces cellules et donc de maintenir un système immunitaire efficace.2 Early HAART in Primary HIV Infection protect TCD4 central memory cells and can induce HIV remission
Antoine Chéret1,2,*, Charline Bacchus3,*, Adeline Mélard2, Georges Nembot4, Catherine Blanc5, Assia Samri3, Veronique Avettand-Fenoël2, Asier Saëz-Cirion6, Brigitte Autran3, Christine Rouzioux1 for the OPTIPRIM ANRS 147 Study Group.
1EA 3620 Paris-Descartes University, Sorbonne Paris-Cité, Virology Laboratory, Necker Enfants-Malades Hospital, Paris ~ 2Infectious Diseases Department, Dron Hospital, Tourcoing ~ 3Pierre & Marie Curie University Paris VI, INSERMInserm Institut national de la recherche médicale. UMR-S 945 Immunity & Infection, Pitié-Salpêtrière Hospital, Paris ~ 4Epidemiology and Public Health Department, Inserm U1018, Le Kremlin-Bicêtre, Univ Paris Sud, APHP ~ 5CyPS Flow Cytometry Platform, Pierre & Marie Curie University, Pitié-Salpêtrière Hospital, Paris ~ 6Institut Pasteur, Unity of regulation of retroviral infection, Paris, France.
* The first two authors contributed equally to the study.

Cette préservation des défenses immunitaires semble être l’une des caractéristiques des patients du groupe d’étude ANRS VISCONTI dont l’investigateur principal est le Professeur Christine Rouzioux (Hôpital Necker et Université Paris Descartes) et le responsable scientifique le Docteur Laurent Hocqueloux (Centre Hospitalier Régional d’Orléans). Ces patients de type « Contrôleur après traitement » en rémission de longue durée, ont initié un traitement antirétroviral dès la primo-infection et contrôlent leur infection plusieurs années après l’arrêt de tout traitement. Les chercheurs démontrent pour la première fois que ces patients ont plus de lymphocytes anti-VIH-CD4+ polyfonctionnels, sécrétant au moins deux cytokines3Les cytokines jouent un rôle dans la régulation de la réponse immunitaire de l’organisme contre les infections., que des patients traités en primo-infection mais toujours sous traitement. Les défenses immunitaires des patients du groupe d’étude  ANRS VISCONTI seraient donc  plus efficaces contre le VIH en raison de la présence de ces cellules T polyfonctionnelles. Traiter précocement permettrait de protéger ces cellules ce qui participerait au contrôle du VIH même  après la fin du traitement.4Characterization of functional profile of HIV-specific CD4+ T cells in VISCONTI group of patients
Samri A1, Bacchus C1, Hocqueloux L2, Emarre A1, Saez-Cirion A3, Rouzioux C4, Autran B1, and VISCONTI ANRS study group
1UPMC Univ Paris 06, UMR-S945, Laboratory Immunity and Infection, U945, Laboratory Immunity and Infection, Paris, F-75013, France ~ 2Infectious and Tropical Diseases Department, Regional Hospital Center, Orléans, France ~ 3Institut Pasteur, Unité de Régulation des Infections Rétrovirales, Paris, France ~ 4Paris-Descartes University, Sorbonne Paris-Cité, EA 3620, Virology Laboratory, Necker Enfants-Malades Hospital, Paris, France

Tous ces résultats confirment les bénéfices virologiques et immunologiques essentiels de la mise en place d’un traitement antirétroviral dès la primo-infection. En diminuant la taille des réservoirs viraux, on protège le système immunitaire. Ces données sont importantes pour toutes les équipes qui travaillent avec comme objectif d’éradiquer le VIH.