La circoncision est efficace pour réduire «dans la vraie vie» le risque d’être infecté par le VIH

Réalisée dans le bidonville d’Orange Farm en Afrique du Sud, l’étude Anrs 12126 confirme l’efficacité d’un programme de circoncision volontaire à large échelle. Le suivi de plus de 3300 hommes montre une réduction de 57% à 61% du taux de nouvelles infections chez les hommes circoncis par rapport à ceux qui ne le sont pas. Cette étude menée par le Pr Bertran Auvert (UMRS-1018 Inserm) et ses collègues prouve également qu’un programme de circoncision peut être efficacement et rapidement implanté dans les communautés africaines où cette pratique ne constitue par une norme sociale. Ces résultats, publiés dans PLOS Medicine, incitent à accélérer la mise en œuvre de programmes de circoncision volontaire sur le continent africain afin d’améliorer la prévention de la transmission du VIH.

L’effet protecteur de la circoncision sur le risque d’être infecté par le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. chez l’homme a été démontré dans trois essais randomisés. La première publication date de 2005 (étude Anrs 1265 menée en Afrique du Sud), et ses résultats ont été confirmés ensuite au Kenya (en 2007) et en Ouganda (2007). Ces études ont établi que le risque d’être infecté par le VIH des hommes circoncis était réduit de 50% à 60%. Ces résultats ont conduit l’OMS et l’ONUSIDA à recommander en 2007 la circoncision de l’adulte comme stratégie de prévention additionnelle contre le VIH dans les communautés ayant une forte prévalence du VIH et une faible prévalence de la circoncision.

Il restait toutefois à prouver que l’implantation de la circoncision « dans la vraie vie » permet de réduire à la fois l’incidence (taux de nouvelles contaminations) et la prévalence (proportion de personnes infectées) de l’infection par le VIH chez les hommes. Des résultats préliminaires avaient été apportés en ce sens lors de la conférence de l’IAS de 2011 par Bertran Auvert et ses collègues dans l’étude Anrs 12126 (Bophelo Pele). Les chercheurs confirment ces résultats dans la revue PLOS Medicine (1).Il s’agit de la première publication scientifique démontrant «dans la vraie vie» l’efficacité de la circoncision masculine pour réduire le risque d’être infecté.

Conduite entre 2007 et 2011, l’étude Anrs 12126 Bophelo Pele a été menée par le Pr Bertran Auvert (UMRS 1018 InsermInserm Institut national de la recherche médicale. Hôpital Ambroise Paré et Université de Versailles Saint-Quentin) et ses collègues du National Institute for Communicable Diseases, de la faculté des sciences Sociales, et de la société Progressus (Johannesburg, Afrique du Sud), de l’Université Johns Hopkins (USA) et de l’hôpital Bichat (Paris). Elle a consisté à proposer une circoncision gratuite et médicalisée à tous les hommes volontaires âgés de 15 à 49 ans au sein d’une population de 110 000 adultes du bidonville d’Orange Farm en Afrique du Sud. Plus de 20 000 circoncisions ont ainsi été réalisées, accompagnées d’un large programme d’information et de prévention.

Parmi la population du bidonville, un échantillon de 3338 hommes a été recruté. Ils ont été interrogés par questionnaire anonyme sur leurs pratiques sexuelles et ont été invités à réaliser un dépistage du VIH. Le dépistage incluait un test permettant de déterminer, en cas de séropositivité, si la contamination était récente.

La proportion d’hommes circoncis est passée, dans cet échantillon, de 12% au départ de l’étude à 53%; elle atteint 58% chez ceux âgés de 15 à 29 ans. Fait important, les comportements sexuels, en particulier l’usage du préservatif, ne sont pas différents selon que les hommes ont été circoncis ou pas. En revanche, il ressort une diminution importante à la fois de la prévalence et de l’incidence de l’infection par le VIH chez les hommes circoncis.

Les chercheurs estiment qu’en l’absence du programme de circoncision volontaire, la prévalence du VIH aurait été 19% plus élevée au sein de la population étudiée. Cet effet est davantage marqué chez les hommes les plus jeunes avec une prévalence qui aurait été 28% plus élevée parmi ceux âgés de 15 à 29 ans. Parallèlement, il est observé une diminution du nombre de contaminations récentes parmi les hommes circoncis. La circoncision est ainsi associée à une réduction de 57% à 61% du taux de nouvelles infections.

Pour le Pr Bertran Auvert, «ces résultats sont importants à deux titres. D’une part, ils confirment l’efficacité de la circoncision pratiquée à l’échelle d’une population pour diminuer sensiblement la transmission du VIH parmi les hommes au sein de celle-ci. D’autre part, ils démontrent qu’il est possible d’obtenir ce résultat en seulement quelques années, y compris dans des populations où la circoncision n’est pas une pratique usuelle».

L’étude Anrs 12126 plaide ainsi en faveur d’une accélération de l’implantation de programmes de circoncisions volontaires, notamment en Afrique sub-saharienne où vivent la grande majorité des 2,2 millions de personnes contaminées chaque année par le VIH dans le monde. Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Anrs, estime que «compte tenu de l’impact observé dans cette étude pour la limitation du risque d’acquisition du VIH chez les hommes circoncis, la généralisation de la circoncision doit plus que jamais être une priorité de santé publique en Afrique australe et de l’Est».

L’étude se poursuit pour connaître l’effet de la circoncision sur la réduction du risque d’infection dans la population générale, et en particulier dans la population féminine.

Sources

(1) Association of the ANRS-12126 Male Circumcision Project with HIV Levels among Men in a South African Township: Evaluation of Effectiveness using Cross-sectional Surveys. PLoS Med 10(9): e1001509. doi:10.1371/journal.pmed.1001509

Bertran Auvert 1, 2, 3*, Dirk Taljaard 4, Dino Rech 4, Pascale Lissouba 1, Beverley Singh 5, Julie Bouscaillou 1, Gilles Peytavin 6,Séverin Guy Mahiane 7, Rémi Sitta 1, Adrian Puren 5, 8, David Lewis 5, 8

1 UMRS-1018, CESP, INSERM Villejuif, France,
2
 AP-HP, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne, France,
3
 University of Versailles-Saint Quentin, Versailles, France,
4 Progressus, Johannesburg, South Africa,
5
 National Institute for Communicable Diseases, National Health Laboratory Service, Johannesburg,South Africa,
6
 AP-HP, Hôpital Bichat – Claude-Bernard, Paris, France,
7
 Bloomberg School of Public Health, Johns Hopkins University, Baltimore, USA,
8
 Faculty of Health Sciences, University of the Witwatersrand, Johannesburg, South Africa.