IAS 2013 : Traitement antirétroviral précoce, comportements sexuels et transmission du VIH

Les résultats de l’étude ANRS « Temprano Social » réalisée chez près de 1000 personnes infectées par le VIH en Côte d’Ivoire, montrent qu’un traitement antirétroviral précoce comparé à un traitement standard ne conduit pas à plus de comportements sexuels à risque. L’étude estime par ailleurs qu’un an après son initiation, ce mode de traitement précoce réduirait le risque de transmission du VIH au dernier rapport de 90%.

Depuis 20111Essai HPTN 052, il est démontré avec un haut niveau de preuve que la mise sous traitement antirétroviral (ARV) précoce de personnes infectées réduit de 96% le risque de transmission du VIH-1 au partenaire au sein de couples stables. Cependant, on ne sait pas si un tel schéma de traitement peut limiter le risque de transmission pour des patients ayant des types de partenariat et des comportements sexuels plus diversifiés, qui sont pourtant à l’origine de la majorité des transmissions (70% des contaminations se feraient hors couple stable).

Tel est l’un des objectifs de l’étude ANRS « Temprano Social ». Ce programme de recherches en sciences sociales s’insère dans un essai clinique (l’essai ANRS Temprano) qui vise à mesurer les bénéfices et risques du traitement ARV précoce sur la mortalité et la morbidité sévère, et dont les résultats principaux sont attendus en décembre 2014.

L’étude, menée à Abidjan, en Côte d’Ivoire, porte sur 957 personnes vivant avec le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. tous inclus alors qu’ils avaient encore un niveau immunitaire préservé (taux de CD4>350 par mm3). Les participants ont été répartis par tirage au sort en deux groupes : le premier bénéficiait d’une prise en charge standard, conformément aux recommandations de l’OMS (mise sous traitement ARV lorsque le taux de CD4 descend en dessous du seuil de 350 par mm3) ; dans le deuxième groupe le traitement a été initié dès l’inclusion dans l’essai, soit à un niveau de CD4 supérieur au seuil recommandé par l’OMS.

Après douze mois, les chercheurs du programme PAC-CI (site ANRS de Côte d’Ivoire), de l’Inserm (U897 et U1018), du CEPED et de l’ENSEA d’Abidjan ont interrogé les participants sur leurs comportements sexuels. Grâce aux informations recueillies sur le dernier rapport sexuel (utilisation du préservatif, statut VIH du partenaire) et aux données sur la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. des participants, ils ont pu estimer le risque de transmission du VIH lors de ce dernier rapport sexuel dans les deux groupes.

L’analyse des questionnaires amène à un premier constat : un an après l’entrée dans l’essai, environ 70% des participants sont sexuellement actifs et parmi eux, plus de la moitié ne vivent pas avec leur dernier partenaire sexuel. Deuxième constat : les comportements sexuels à risque au dernier rapport (rapports non protégés avec un partenaire de statut sérologique négatif ou inconnu), sont comparables dans les deux groupe (10% dans le groupe « traitement précoce » et 12,8% dans celui « traitement standard »).

En prenant en compte également la valeur de la charge virale au moment du dernier rapport, les chercheurs estiment que le risque de transmission du VIH est diminué de 90% pour le groupe « traitement précoce » comparé au groupe « traitement standard ». Cette réduction serait due à la diminution de la charge virale chez les patients traités précocement et non donc à des comportements sexuels différents.

Cette étude montre pour la première fois qu’un traitement ARV précoce ne conduit pas à des comportements sexuels plus à risque que dans le cadre d’une prise en charge standard. Elle suggère surtout qu’il permettrait de réduire de façon significative le risque de transmission du VIH au-delà des personnes vivant en couple stable.

Pour confirmer cette estimation à l’échelle de la population, il faut attendre les résultats de l’essai ANRS TasP, dont l’objectif est d’estimer directement l’impact du traitement ARV précoce sur l’incidence de nouvelles infections VIH dans une population rurale d’Afrique du Sud.

Bibliographie

Early Antiretroviral Therapy, Sexual Behaviors and HIV-1 Transmission Risk: Estimates from theTemprano-ANRS 12136 Randomized Controlled Trial

Kévin Jean1,2, Delphine Gabillard3,4, Raoul Moh3, Christine Danel3, Raïmi Fassassi5, AnnabelDesgrées-du-Loû6, Serge Eholié3,7, France Lert1,2, Xavier Anglaret3,4, Rosemary Dray-Spira1,2

1– Epidemiology of Occupational and Social Determinants of Health – Center for Research in Epidemiology and Population Health, INSERMInserm Institut national de la recherche médicale. U1018, Villejuif, France 2– UMRS 1018, Université Versailles Saint-Quentin, Villejuif, France 3 PAC-CI Program, CHU de Treichville, Abidjan, Côte d’Ivoire 4– INSERM U897, Université Bordeaux Segalen, Bordeaux, France 5– Department of Population Research and Development, National Institute of Statistics andApplied Economy, Abidjan, Côte d’Ivoire 6– CEPED (Population and Development Research Center – UMR 196 – Paris Descartes/INED/IRD), IRD (Institut de Recherche pour le Développement), Paris, France 7 Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, CHU de Treichville, Abidjan, Côte d’Ivoire.