Le Télaprévir, un traitement sûr et efficace chez les personnes co-infectées par le VIH et l’hépatite C (Liz Highleyman)

Liz Highleyman – Les personnes co-infectées par le virus de l’hépatite C et du VIH traitées par trithérapie comprenant du Télaprevir (Incivo) ont significativement plus de chances d’obtenir une réponse virale durable, ou une guérison, que les personne traitées par Peginterféron et Ribavirine seulement, d’après les derniers résultats de l’étude « Study 110 » présentés hier au « Liver Meeting » (63e Meeting annuel de l’association américaine pour l’étude des maladies du foie) de Boston.

L’approbation, l’an passé, des premières molécules directement actives contre l’hépatite C a contribué à l’émergence d’un nouveau paradigme. Le Télaprévir (Janssen/Vertex), un inhibiteur de protéase du virus de l’hépatite C et le Bocéprevir (Victrelis, Merck) ont obtenu une licence en Europe et aux Etats-Unis pour les patients mono-infectés uniquement. Et ce alors que les patients co-infectés ont également un besoin urgent de meilleurs traitements contre l’hépatite C, à cause, notamment, de la progression plus rapide des maladies du foie au sein de cette population.

Mark Sulkowski de la faculté de médicine de l’Université John Hopkins a présenté les analyses randomisées de la réponse virologique durable à 24 semaines (SVR24) d’un essai en  phase II. Celui-ci visait à évaluer une trithérapie comprenant du Télaprevir, du peginterféron et de la Ribavirine chez les patients co-infectés VIH/VHC, naïfs de tout traitement contre le VHC et porteurs du génotype-1, le plus difficile à traiter. En mars 2012 déjà, des premiers résultats à 12 semaines (SVR12) avaient été présentés à l’occasion de la Conférence sur les Rétrovirus et les Infections Opportunistes (CROI).

L’étude se décompose en deux groupes.

Le groupe A incluant 13 patients co-infectés ayant un compte de CD4 d’au moins 500 cellules/mm3 et n’ayant pas encore pris d’antirétroviral contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. comme cela était préconisé dans les recommandations en vigueur à l’époque (aux Etats-Unis, il est désormais recommandé de traiter pour le VIH quelque soit le niveau de CD4).

Le groupe B incluait quant à lui 47 patients co-infectés prenant un traitement antirétroviral et ayant atteint un niveau de suppression virale du VIH (ARN < 50 copies/mL). Sur la base d’études d’interactions médicamenteuses préalables, deux combinaisons ont été alors sélectionnées. L’une à base d’Efavirenz (Sustiva ou Stocrin) et Ténofovir/Emtricitabine (Truvada). L’autre comprenant de l’Ataznavir boosté au ritonavir (Reyataz), du Lamivudine (Epivir) ou de l’Entricitabine (Truvada).

La plupart des participants (environ 90%) étaient des hommes et l’âge moyen de 45 ans. Le premier groupe (A) présentait une proportion plus élevée de descendance africaine (un groupe ne répondant pas aussi bien aux thérapies à base de Peginterféron). Dans l’ensemble, environ 70% étaient porteurs du génotype complexe 1a du VHC (le reste des participants, le 1b) et à peine plus de 10% avaient une fibrose du foie ou une cirrhose au début de l’essai, bien que ces facteurs étaient très variables selon les groupes observés. Les niveaux médians du compte de CD4 dans le groupe A et le groupe B étaient respectivement de 600 et 500 cellules/mm3.

Dans chacun des groupes de cette étude, les participants ont reçu soit du Télaprévir soit un placeboPlacebo Substance inerte, sans activité pharmacologique, ayant la même apparence que le produit auquel on souhaite le comparer. (NDR rien à voir avec le groupe de rock alternatif formé en 1994 à Londres par Brian Molko et Stefan Olsdal.) couplé avec 180mcg par semaine de Peginterféron alfa-2a (Pegasys) ainsi que de la Ribavirine (principalement en dose fixe quotidienne de 800mg). Les personnes sous Atazanavir (Reyataz) ont pris la dose habituelle de 750mg en trois prises par jour. Pour compenser l’effet des interactions médicamenteuses diminuant la concentration du Télaprévir, les personnes sous Efavirenz se sont vues augmenter leur dose à 1125mg trois fois par jour.

Bien que les personnes mono-infectées soient censées prendre le Télaprevir pour une durée variable d’après l’algorithme de Réponse Thérapeutique Guidée, tous les participants co-infectés au sein de cette étude ont reçu une trithérapie durant 12 semaines, puis de Peginterféron et de la Ribavirine seuls pendant les 36 autres semaines.

Les participants cessaient de prendre leur traitement sur la base de critères de futilité – lorsque l’ARN VHC était supérieure à 1000 UI/mL, que la baisse était inférieure à 2 log10 à la 12e semaine, que la charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. VHC à la semaine 24 ou 36 était toujours détectable ou encore s’ils avaient rencontré des périodes d’interruption thérapeutique.

Dans l’ensemble, 74% des participants sous trithérapie à base de Télaprévir ont atteint le critère SVR24 – pour ARN VHC indétectable à la semaine 24, après avoir terminé le traitement – en comparaison au 45% chez les personnes sous Peginterféron et Ribavirine uniquement.

Parmi les participants ne prenant pas d’antirétroviral VIH au sein du groupe A, le taux de SVR24 était de 71% chez les personnes prenant du Télaprévir contre 33% chez celles prenant du Peginterféron et de la Ribavirine seuls. Au sein du groupe B, 69% des personnes sous Efavirenz et 80% de celles sous Atazanavir boosté ont atteint un niveau de SVR24 avec du Télaprévir, comparé aux 50% pour les deux combinaisons antirétrovirales avec du Peginterféron et de la Ribavirine seuls.

Les différents taux de SVR24 sont similaires aux taux de SVR12 précédemment présentés, confirmant que le SVR12 est un indicateur précis de guérison.

Parmi les 10 patients recevant du Télaprévir et n’ayant pas atteint de réponse virologique durable, deux (5%) se sont retirés du fait des règles d’interruption précédemment citées, une personne (3%) a fait une rechute virale post-thérapeutique, trois (8%) avaient un niveau d’ARN VHC détectable en fin de traitement et quatre (11%) ont été perdus de vue.

Dans l’ensemble, les personnes prenant du Télaprévir ont soufferts de plus d’effets secondaires que celles sous Peginterféron et Ribavirine uniquement. Trois personnes (8%)  prenant du Télaprévir, et aucune dans le groupe placebo, ont arrêté leur traitement pour cause d’effets indésirables.

La fréquence des effets secondaires était d’au moins 10% plus élevée parmi les personnes recevant du Télaprévir que celles sous placebo, durant les 12 semaines de trithérapies. Les effets étaient les suivants : prurits (34 vs. 5%), maux de tête (34 vs. 23%), nausées (32 vs. 18%), éruption cutanée (29 vs. 18%), vertiges (21 vs. 9%). Les myalgies ou douleurs musculaires étaient plus fréquentes dans le bras placébo (13 vs. 23%). Aucun des deux bras n’a souffert d’éruption cutanée sévère.

Des anémies à sévérités diverses ont été observées de manière égale dans les deux groupes, chez 18% des participants. Alors que peu de patients recevant du Télaprévir ont eu des anémies sévères (3 vs. 5%), ils avaient une plus forte probabilité de se voir prescrire une transfusion sanguine (11 vs. 5%) ou des agents stimulant l’érythropoïèse (8 vs. 5%).

Aucun des participants n’a rencontré d’interruption thérapeutique pour le VIH. Le nombre absolu de CD4 a chuté quelque soit le groupe considéré – il s’agit là d’un effet secondaire connu du Peginterféron. Mais le pourcentage de CD4 n’a pas changé pour autant. La mesure de concentration en Télaprevir était similaire pour les personnes sous ARV et les personnes non-traitées pour le VIH.

« Des taux plus élevés de SVR24 ont été observés chez les patients co-infectés VIH/VHC, ayant un génotype chronique de type 1 pour le VHC et traités avec du Télaprévir. » concluent les chercheurs. « Les interactions médicamenteuses avec le Télaprévir et des antirétroviraux sélectionnés n’ont pas été significatives d’un point de vue clinique. La sureté globale et les profils de tolérance aux trithérapies ‘Télaprévir, Peginterféron et Ribavirine’ sont comparables à ceux observés chez les patients mono-infectés ».

[En France, 25% des patients séropositifs au VIH seraient également porteurs du VHC, allant jusqu’à plus de 92% chez les usagers de drogue par voie intraveineuse et un peu plus de 3% chez les HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes.  séropositifs.  (source :  Larsen C et al., Prevalence of hepatitis C and hepatitis B infection in the HIV-infected population of France, 2004. Euro Surveill. 2008;13(22):pii=18888)]

Référence

Sulkowski M et al. Telaprevir in combination with peginterferon alfa-2a/Ribavirine in HCV/HIV co-infected patients: SVR24 final study results. 63rd Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Diseases (AASLD 2012). 63rd Annual Meeting of the American Association for the Study of Liver Disease, Boston, abstract 54, 2012.

Voir l’abstract sur le site de la conférence

Cet article provient du site www.aidsmap.com et fait l’objet d’un accord de diffusion. Article original : « Denmark: Late HIV diagnosis not a major factor in continued spread of HIV » (lire sur Aidsmap)

Auteur : Liz Highleyman
Traduction : Vincent Leclercq