Si, en France et dans la plupart des pays du Nord, l’allaitement maternel reste non recommandé pour les femmes séropositives, certains pays commencent à adopter une position plus souple. Ainsi, la Suisse a fait évoluer ses recommandations en la matière (fin 2018) et, dans les cas d’un « scénario optimal » en matière de traitement (efficace et supprimant la charge virale), propose que la décision d’allaiter ou non soit prise en concertation avec la mère. Les récentes recommandations américaines, mises à jour en janvier 2023 et présentées à la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. de la même année, montrent également une évolution dans le même sens, en soutenant désormais une prise de décision partagée avec les professionnels de santé.
Effet TasPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). et allaitement
Dans ces deux pays, c’est la prise en compte des avancées scientifiques, en particulier la révolution du TaSP, qui entérine l’absence de transmission du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. en tout cas par voie sexuelle chez les personnes sous traitement antirétroviral (ARV) efficace, qui a amené à l’évolution de ces recommandations. Et ce, même si les données concernant la transmission du VIH par l’allaitement sont moins nombreuses et que le seuil de charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. qui permettrait d’éviter une transmission du VIH via l’allaitement n’est pas connu.
Présenté en 2021, l’essai DolPHIN-2 avait démontré que le risque de transmission du VIH par l’allaitement était faible lorsque la mère suivait un traitement ARV efficace. Sur 242 enfants nés de femmes séropositives en Ouganda et en Afrique du Sud et nourris exclusivement au sein pendant six mois, un seul bébé avait contracté le virus. La transmission est donc rare et semble se produire dans moins de 1% des cas.
Les associations françaises mobilisées
En France, environ 1500 femmes vivant avec le VIH donnent naissance chaque année, et la mise à jour du chapitre « Procréation et VIH : désir d’enfant, contraception, prise en charge de la femme enceinte et du nouveau-né » du rapport d’experts, le rapport Delobel, se fait attendre. Elle devrait être néanmoins être validée au cours du premier trimestre 2023 par la Haute Autorité de santé (HAS).
Dans une tribune commune publiée le 21 avril 2023, les associations françaises, dont AIDES, le TRT-5 CHV, le Comité des familles, Sidaction et le Planning familial, se réjouissent de ces avancées à l’étranger et souhaitent que les nouvelles recommandations françaises tiennent compte des dernières données scientifiques.
Les associations soutiennent par ailleurs la nécessité d’un accompagnement de «toutes les personnes allaitantes vivant avec le VIH» (femmes cis, hommes transgenres et personnes non-binaires) et de leur implication dans toutes les décisions relatives à leur grossesse et à l’allaitement. Elles rappellent également que la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH peuvent constituer des obstacles majeurs à la mise en œuvre de recommandations plus flexibles et individualisées.
«La participation des personnes aux décisions qui les concernent permet d’améliorer l’observance aux traitements et d’individualiser les décisions thérapeutiques», estiment les associations.
Les signataires appellent donc à une sensibilisation accrue du grand public, des professionnels de santé et des instances politiques sur la question de l’allaitement et du VIH, afin de garantir un meilleur accompagnement pour les femmes concernées.