L’Isle sur Sorgue, novembre 2010. Lors des Universités des personnes séropositives organisées par AIDES, une douzaine de personnes, séropositives ou séronégatives, mais toutes séro-concernées, ont choisi d’échanger, lors d’un atelier sur l’avis suisse.
Le TASPTasp «Treatement as Prevention», le traitement comme prévention. La base du Tasp a été établie en 2000 avec la publication de l’étude Quinn dans le New England Journal of Medicine, portant sur une cohorte de couples hétérosexuels sérodifférents en Ouganda, qui conclut que «la charge virale est le prédicteur majeur du risque de transmission hétérosexuel du VIH1 et que la transmission est rare chez les personnes chez lesquelles le niveau de charge virale est inférieur à 1 500 copies/mL». Cette observation a été, avec d’autres, traduite en conseil préventif par la Commission suisse du sida, le fameux «Swiss statement». En France en 2010, 86 % des personnes prises en charge ont une CV indétectable, et 94 % une CV de moins de 500 copies. Ce ne sont pas tant les personnes séropositives dépistées et traitées qui transmettent le VIH mais eux et celles qui ignorent leur statut ( entre 30 000 et 50 000 en France). on en pense quoi quand on est séropo ? C’est Emilie, la quarantaine flamboyante, qui est à l’initiative de cet atelier : « OK, on nous balance un rapport qui nous dit que notre risque de transmettre le virus à notre partenaire stable est quasi nul si on est traité efficacement et qu’on n’a pas d’IST. C’est bien beau, mais qu’est ce qu’on ressent sur cette idée nouvelle de non contamination en tant que séropos ? Comment on s’approprie cette information ? « .
Autour d’Emilie, des personnes très différentes : des femmes, des gays, des hétéros, certains contaminés depuis longtemps, d’autres depuis peu. Des urbains, des ruraux, des migrants. Des personnes traitées, d’autres pas. Certains en couple séro-différents, d’autres qui n’ont pas de relation stable en ce moment. Et aussi Grégoire et Mathieu, tous deux la vingtaine, « séronégatifs au dernier test » et venus parce que leurs copains sont séropos. Et qu’ils se posent, eux aussi, des questions. Ça commence sur les chapeaux de roue…
Ne plus être contaminant, ça change quoi ?
Stéphane, la quarantaine : « Ma copine est séronégative, et nous on pratique Hirschel. Ce rapport a changé ma vie, tout redevient possible ».
Marc, la trentaine : « Maintenant, quand j’ai envie de sexe, je ne coupe plus mes envies systématiquement ».
Amine, la cinquantaine : « Pour moi, la nouvelle de ne plus être contaminant, c’est l’aboutissement d’un long chemin de misère et de bonheur. Ce rapport Hirschel, c’est un grand soleil qui entre dans ma vie, c’est de l’espoir. C’est quelque chose qui me donne plus de caractère pour lutter pour moi et pour ceux qui m’entourent et qui ont besoin de moi ».
Georges : « Moi je me pose plein de questions. Si tu es Africain, si un séropo te demande ta fille en mariage, tu ne vas pas lui donner. Alors, c’est quelque chose d’hyper important, cette possibilité de non transmission. Ne plus être contaminant ou presque pas, c’est rassurant. Ça solidifie le couple, ça permet de faire des enfants. C’est bien aussi pour lutter contre la pénalisation de la transmission, qui m’inquiète beaucoup ».
Didier : « Moi, j’ai l’impression de revivre. Je me sens plus léger. C’est le bout du tunnel ».