Cet article a été publié sur Séronet.
1. Le traitement, c’est de la prévention…
C’est sans doute « LA » nouvelle de 2011, l’essai HPTN 052 : le traitement comme moyen de prévention, ça marche. Pour celles et ceux qui suivent un peu l’actualité depuis l’avis suisse (rapport Hirschel), le scoop paraitra un peu éventé… Mais il semble qu’il a fallu en passer par le label « prouvé scientifiquement par les Américains » pour que tout le monde s’empare du concept… et de la bonne nouvelle saluée par le magazine Science comme la percée scientifique de l’année !
96% de réduction du risque de transmission du simple fait de la mise sous traitement, et aucune transmission observée en cas de charge virale indétectable. L’ONUSIDA et l’Organisation mondiale de la santé estiment qu’il faut s’ »assurer que les couples ont la possibilité de choisir le traitement comme prévention et qu’ils y ont accès ». Les deux organismes voient dans le TASP (treatment as prevention, traitement comme prévention) une incitation au dépistage, à la discussion autour du statut sérologique et des options de préventions avec les partenaires, un encouragement à être suivi médicament et un levier pour réduire les stigmatisations et les discriminations qui entourent le VIH Au passage, en cas de charge virale indétectable et de traitement efficace, tout le monde s’accorde à dire que le risque de sur-contamination par une autre souche de VIH est nul ou quasi nul.
2. … Mais personne ne le sait !
C’est ce que montre l’enquête « VIH, hépatites et vous », réalisée par AIDES fin 2010 (1000 personnes vivant avec le VIH et/ou le VHC y ont participé). Seules 57% de ces personnes, pourtant proches du milieu associatif, connaissaient en 2010 le « rapport Hirschel » (l’avis suisse). Presque les deux tiers l’ont appris par une association et seulement un tiers par leur médecin. 43% des répondants, bien que séropositifs, n’en avaient jamais entendu parler ! Et pourtant, comme le montre l’enquête « VIH, hépatites et vous », donner l’information du TASP, c’est tout bénéf ! 68% des personnes connaissant l’avis suisse ont moins peur de transmettre le virus et 60% ont moins peur de parler du VIH avec leurs partenaires. 15% jugent leur vie sexuelle meilleure qu’avant, alors que la peur de transmettre conduit certains à abandonner toute sexualité. 18% des personnes ont une meilleure observance un point-clé pour leur santé et un argument-choc pour les médecins. Enfin, il n’y a pas d’abandon de la capote. 76% utilisaient le préservatif ni plus ni moins qu’avant avec leurs partenaires séronégatifs et 11% plus qu’avant ! Même dans des campagnes alsaciennes et franc-comtoises, les séropos ont envie de savoir… et aussi que ça se sache !
3. Le TASP, ça marche aussi chez les gays !
Beaucoup de discussions à ce sujet. Pas de preuve aussi formelle que dans HPTN 052 (cela ne sera sans doute jamais possible), mais de nombreuses données convergentes suggèrent que le TASP est une méthode efficace chez les gays. Et une information-clé est apparue début septembre : une étude des Centres américains de contrôle des maladies montre que les charges virales (CV) du sang et du rectum sont très fortement reliées. Si la CV est indétectable dans le sang, elle l’est aussi dans le rectum. Et cela reste vrai même en cas d’IST. De plus, on sait depuis 2010 qu’en cas de CV indétectable dans le sang et en prenant correctement les traitements actuels, il n’y a pas de VIH dans le sperme en l’absence d’IST. De quoi faire dire à de nombreux médecins et chercheurs que l’enquête « il n’y a pas de raison biologique que l’effet préventif ne s’applique pas » (le docteur Michel Ohayon, directeur du 190, premier centre de santé sexuelle français) et que « homo couple stable, c’est comme hétéro couple stable » (le professeur Christine Rouzioux, virologue à l’hôpital Necker (Paris).
4. La charge virale communautaire
Ce nouveau concept fait sont entrée, en lien avec le « test and treat » (« dépister et traiter ») et avec un chiffre qui fait rêver de ce coté de l’Atlantique : à San Francisco, en quelques années, le nombre de nouvelles contaminations chez les gays a drastiquement chuté : de 820 en 2004 à 500 en 2009. Soit 36% ! Une baisse spectaculaire qui suit celle de la « charge virale communautaire », 25 000 copies/ml en 2004 et… 10 000/ml copies en 2009 ! Mais c’est quoi ? pour faire simple, la quantité de virus qui circule dans une communauté donnée. Elle dépend de trois critères :
1) le nombre de personnes qui connaissent leur statut ;
2) le nombre de personnes sous traitement ;
3) l’efficacité de ce traitement et la qualité du suivi.
A la base de ce succès « san-franciscain » ? Une politique volontariste de proposition de dépistage et de proposition de mise sous traitement précoce, le tout intégré dans une offre globale de prévention avec promotion du préservatif, du traitement et des autres techniques de réductions de risques. Sans oublier… une forte mobilisation des communautés. La charge virale communautaire, à AIDES, on en parle dans une brochure, PREVS, à télécharger ici.
5. L’épidémie baisse en Suisse, mais stagne (voire grimpe) en France et en Belgique
Ça baisse donc, précisément, dans le pays où l’avis suisse a été le plus diffusé. De quoi calmer, on l’espère, les Cassandre. En Suisse, les derniers chiffres de surveillance de l’épidémie ne montrent en aucune façon l’explosion épidémique que certains annonçaient, encore récemment. Au contraire, le nombre de cas diagnostiqués chez les homosexuels ne fait que baisser : passant de 330 cas en 2008 à 250 cas fin 2011, selon les calculs de l’Office fédéral de la santé publique. En Belgique, c’est « record depuis l’apparition de l’épidémie », si l’on en croit le journal « Le Soir« . « 1196 nouveaux cas de contaminations par le virus VIH ont été diagnostiqués en Belgique en 2010, selon les chiffres de l’Institut de santé publique. Plus de trois contaminations chaque jour […] Le nombre de personnes contaminées par le virus du sida ne cesse d’augmenter depuis une dizaine d’années, alors qu’en 1997, on était arrivé à le faire baisser sous 750 contaminations par an… Le taux de contamination chez les homosexuels masculins a doublé en moins de dix ans, laissant entendre qu’on s’y protège moins bien que dans un passé récent ». Nulle trace de grandes campagnes sur l’intérêt préventif du traitement. Ni en France, d’ailleurs, où l’épidémie stagne autour de 6300 découvertes de séropositivités depuis 2008. Ce qui cache des disparités : ça augmente chez les gays et autres HSH ça baisse chez les hétéros.