Swaps voyage en Europe! Dans ce tout premier numéro européen, Swaps présente un compte rendu de l’état de la réduction des risques dans l’Union européenne à travers des perspectives d’experts de plusieurs pays. Malgré son rôle précurseur dans la réduction des risques et dans l’avancement de mesures politiques basées sur les faits, l’Europe et ses pays membres restent ambigus par rapport aux politiques des drogues, au dogme de l’interdit, à la criminalisation de la consommation, à la priorité de la santé, et au rôle des forces de l’ordre.
Dans ce cadre, mieux comprendre l’histoire et l’état actuel de la réduction des risques en Europe et échanger sur les meilleures pratiques sont des initiatives salutaires pour rester vigilants ensemble. Le conservatisme et le populisme qui se développent en Europe représentent une menace directe pour les progrès que nous avons faits avec la réduction des risques.
C’est l’expérience européenne qui a établi l’ensemble indiscutable de preuves de l’efficacité des interventions de réduction des risques pour la prévention du VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et des hépatites. L’infection par le VIH chez les usagers de drogues par voie intraveineuse n’est plus un problème en Europe de l’Ouest.
Cependant, des transformations considérables se sont produites dans les dernières années autour de la problématique des drogues, tant au niveau européen qu’au niveau global. Dans le débat sur les politiques de drogue, le discours public et la mise en œuvre des mesures politiques ont évolué. Je pense qu’il est temps de revenir sur notre terminologie, et de reconnaître la méthadone comme le traitement le plus efficace contre la dépendance aux opiacés, plutôt que de l’appeler « substitution » (ce que la plupart des pays refuseraient de faire), et/ou simple outil de réduction des risques.
Quand je lis ces comptes rendus, je me demande aussi s’il n’est pas temps que le mouvement pour la réduction des risques se détache, d’une manière ou d’une autre, de la médecine et du VIH pour adopter une position plus politique. Réduire le risque, c’est aussi lutter contre des mesures politiques inadaptées ; c’est militer pour la décriminalisation de l’usage, des infractions mineures, et des acteurs non violents dans le trafic de drogues, et pour que le rôle et les comportements des forces de l’ordre changent. Enfin, réduire le risque, c’est aussi redoubler nos efforts pour prévenir les overdoses, comme doivent le faire les États-Unis et le Canada, où le fentanyl est de plus en plus facile d’accès ; et de mener des expériences, le plus rapidement possible, pour mettre à l’essai des modes inexplorés de prévention des dommages liés aux nouveaux produits synthétiques.
Michel Kazatchkine
Président de l’association Pistes (éditeur de Swaps et vih.org)
Membre de la Commission mondiale pour la politique des drogues