Cette 74e édition de Swaps consacre un dossier à la troisième rencontre sur la réduction des risques organisée par la chaire d’addictologie du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) avec la Fédération addiction, la Fédération AIDES et Swaps sur la e-cigarette. Intéressante par son côté innovant, technologique, électronique, mais surtout par son côté citoyen par lequel elle a fait irruption dans la société. Autant de raisons pour que le CNAM accueille cette première rencontre universitaire sur la e-cigarette. Ni soutenue par l’industrie du tabac, tout du moins pas encore, ni pas l’industrie pharmaceutique, la e-cigarette a pris de court les gardiens de la tabacologie, qui ne savent pas très bien s’il faut la considérer comme une porte d’entrée ou de sortie, elle a pris de court également les autorités de santé, qui ont du mal à se prononcer et qui sont empêtrés dans le sacro-saint principe de précaution. Récemment, la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé aux médecins de ne pas dissuader ceux qui avaient commencé avec la cigarette électronique, mais qu’ils ne devaient pas non plus les inciter à le faire! Précieuse recommandation pour les praticiens!
La e-cigarette ne contient a priori, ni tabac, ni goudron, ni monoxyde de carbone, ce qui en fait un véritable outil de réduction des risques. Mais il y aurait, selon la HAS, des substances toxiques à une concentration certes bien moindre que dans le tabac, de 9 à 450 fois moindre. Là aussi, c’est un peu difficile de s’y retrouver. On ne connaît pas les risques à long terme comme William Dab nous le rappelle (p. 2). L’Union européenne a décidé récemment, en décembre 2013, de ne pas classer la cigarette électronique parmi les médicaments. Sage décision car, dans le cas contraire, la diffusion eut été très largement entravée. à Moscou, en novembre, se réunira la «conférence des parties» de l’accord cadre sur le tabac sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; d’ici là, les polémiques font rage entre les scientifiques pro et anti qui tous manquent de données scientifiques validées.
Pourtant, déjà, la diffusion de l’e-cigarette est considérable. En France, entre 2011 et 2013, il semble que le nombre d’utilisateurs réguliers soit passé de 500 000 à 1 million et demi. Une étude de l’IPSOS montre que 10 millions de Français l’ont expérimentée, soit 21% des Français âgés de plus 21 ans. En ce qui concerne les lycéens, la consommation passe de 8% en 2011 à 18% en 2013, et pour Swaps Aurélie Lermenier rapporte les résultats de l’enquête ETINCEL.
Il est donc urgent de mieux connaître les avantages, les risques et les enjeux liés à l’e-cigarette. Difficile quand il y a encore si peu de travaux de recherche et un matériel qui évolue si vite ! Nous avons donné la parole à deux tabacologues impliqués (Jacques Le Houezec et Gérard Mathern), à un addictologue, Alain Morel, qui montre certains enjeux communs entre la e-cigarette, le Subutex® et le baclofène. Nous tenions aussi à entendre les usagers, pas ceux d’Asud pour une fois, mais ceux de l’Aiduce dont le représentant, Brice Lepoutre, nous confirme que le coût et la santé sont les deux motivations principales des fumeurs pour passer à la e-cigarette et bien sûr l’état, et c’est Pascal Melihan-Cheinin qui expose la position prudente et responsable du ministère de la Santé. Dans cette édition, Swaps revient aussi sur le dernier avatar concernant les salles de consommation à moindre risque avec l’analyse de Yann Bisiou sur l’avis du Conseil d’état (p. 19) et sur les nouvelles tendances des usages de drogues à travers le dispositif TREND (p. 21).