La criminalisation de l’usage de drogues alimente l’épidémie d’hépatite C

En marge de la 23ème Conférence Internationale sur la réduction des risques qui se tiendra la semaine prochaine, à Vilnius, en Lituanie, sept anciens présidents, Kofi Annan, Richard Branson et d’autres leaders internationaux, publient un rapport appelant à renoncer aux politiques répressives en matière de drogues afin de stopper la propagation de l’épidémie d’hépatite C et des autres conséquences négatives de la guerre contre la drogue (pdf, 4,3Mo).

Jeudi 30 mai 2013 (Genève, Suisse) – La Commission globale de politique en matière de drogues appelle à la décriminalisation de la consommation de drogues et à l’extension de mesures de réduction des risques scientifiquement prouvées, afin d’endiguer l’épidémie d’hépatite C parmi les usagers de drogues.

Le virus de l’hépatite C est très contagieux et se transmet par contact sanguin. Il affecte ainsi de façon disproportionnée les personnes qui s’injectent des drogues. Dans certains des pays où les politiques de drogues sont les plus répressives, plus de 90% des personnes qui utilisent des drogues injectables vivent avec l’hépatite C. Globalement, le virus de l’hépatite C est trois fois plus répandu que le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. parmi les usagers de drogues et la plupart des personnes infectées par le VIH qui consomment des drogues injectables vivent aussi avec l’hépatite C.

Le rapport, intitulé L’impact négatif de la guerre contre la drogue sur la santé publique: l’épidémie cachée d’hépatite C, dénonce l’échec des politiques répressives en matière de drogues et recommande des réformes immédiates du régime international de prohibition des drogues afin de stopper la propagation de l’épidémie d’hépatite C et des autres conséquences négatives de la «guerre contre la drogue».

Partout dans le monde, la recherche a montré de façon constante que les politiques répressives en matière de drogues poussent les usagers à la marginalisation, augmentant les risques de contraction du VIH et du VHC et les empêchant d’accéder aux services de santé publique.

La «guerre contre la drogue», menée notamment par les États-Unis, la Russie et la Chine, a déjà causé des millions d’infections évitables. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, parmi les 16 millions de personnes qui s’injectent des drogues, 10 millions ont contracté le virus de l’hépatite C. Les chiffres les plus élevés sont rapportés par ces trois pays : la Chine (1,6 millions de personnes), la Fédération de Russie (1,3 millions de personnes) et les USA (1,5 millions de personnes).

Le virus de l’hépatite C provoque une maladie chronique qui s’avère mortelle dans environ un quart des cas. L’hépatite C est l’une des causes principales de mortalité chez les personnes qui s’injectent des drogues. Pourtant, s’ils sont délivrés à un stade suffisamment avancé et à l’échelle requise, les services de réduction des risques – tels que la fourniture d’aiguilles et de seringues stériles, l’accès à des centres d’injection sécurisés et à des traitements de substitution aux opiacés – peuvent prévenir efficacement la transmission de l’hépatite C chez les personnes qui s’injectent des drogues.

«L’hépatite C est une des maladies les plus négligées par les gouvernements à l’échelle internationale», a déclaré le Pr. Michel Kazatchkine, membre de la Commission et Envoyé Spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur le VIH/SIDA en Europe orientale et en Asie centrale. «Il est triste de constater qu’à peine une poignée de pays peut effectivement montrer une diminution des nouvelles infections d’hépatite C chez les personnes qui s’injectent des drogues.»

Europe de l’Est et en Asie centrale

En Europe de l’Est et en Asie centrale, les épidémies d’hépatite C et de VIH sont toujours en croissance, et la consommation de drogues à injection est l’un des principaux facteurs de transmission.

Le rapport décrit comment un pays comme la Lituanie (où 2,8% de la population générale et 80% pour cent de la population utilisant des drogues injectables sont infectés), malgré des progrès certains en termes de fourniture gratuite par le gouvernement de traitements de l’hépatite C, n’arrive à atteindre finalement que 5% des personnes qui auraient besoin d’un traitement.

En Ukraine, où 260.000 usagers de drogues sont infectés par le VHC, suite aux efforts intenses de plaidoyer de la part de la société civile, un programme national de lutte contre l’hépatite C vient d’être approuvé, et ce, pour la première fois dans ce pays. Le prix des traitements a été divisé par deux au cours des négociations avec les sociétés pharmaceutiques.

Le rapport publié ce jour dénonce par ailleurs l’échec flagrant des politiques répressives sur la réduction de l’offre sur le marché mondial des drogues illicites, notant que l’approvisionnement mondial d’opiacés illicites comme l’héroïne, a augmenté de plus de 380% au cours des dernières décennies. La guerre contre la drogue contribue en outre à la croissance du crime organisé, à la violence et à l’incarcération à grande échelle des usagers de drogues. Or l’incarcération en masse des usagers non violents joue également un rôle majeur dans la propagation de la pandémie.

«La guerre contre la drogue est une guerre contre le bon sens», a déclaré Mme Ruth Dreifuss, membre de la Commission et ancienne Présidente de la Confédération suisse. «Les politiques répressives en matière de drogues sont inefficaces, violent les droits fondamentaux des personnes, génèrent la violence et exposent les individus et les communautés à des risques inutiles. L’épidémie d’hépatite C, totalement évitable et curable, est une preuve additionnelle que le statu quo en matière de politique drogues a lamentablement échoué.»

> Télécharger le rapport en anglais : The Negative Impact Of The War On Drugs On Public Health: The Hidden Hepatitis C Epidemic. (pdf, 4,3Mo)