Les derniers réservoirs du virus de l’hépatite C, où sont les patients aujourd’hui ?

Le virus de l’hépatite C (VHC) évolue en silence, bien souvent sans symptômes visibles. Alors pour l’éliminer, il est indispensable de le chercher là où il se cache. Certaines populations sont particulièrement exposées, comme les usagers de drogues, les détenus ou encore les patients hospitalisés en psychiatrie.

C’est le paradoxe de l’hépatite C. Des traitements curatifs sont disponibles. L’hépatite C est la seule maladie virale chronique que l’on peut guérir1Inserm. Dossier Hépatite C. https://www.inserm.fr/dossier/hepatite-c/. Mais de nombreux patients sont infectés sans le savoir car c’est une pathologie silencieuse2Ameli.fr Comprendre l’hépatite C. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/hepatite-c/comprendre-hepatite. La plupart du temps, les malades ne ressentent aucun symptôme. Ces derniers n’apparaissent bien souvent qu’après de nombreuses années d’évolution de la maladie3Inserm. Dossier Hépatite C. https://www.inserm.fr/dossier/hepatite-c/. Une fibrose due au virus se développe et peut s’aggraver dans 15 à 30% des cas en cirrhose, puis en cancer du foie4Ameli.fr Comprendre l’hépatite C. https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/hepatite-c/comprendre-hepatite. Environ 290000 personnes dans le monde meurent chaque année de l’hépatite C5OMS. Hépatite C (juillet 2021). Ces lourdes conséquences pourraient être évitées si les malades étaient traités. C’est tout l’enjeu aujourd’hui: dépister les patients qui s’ignorent afin d’initier un traitement pour prévenir les complications dues à la maladie6Inserm. Dossier Hépatite C. https://www.inserm.fr/dossier/hepatite-c/.

En France, il reste environ 90000 personnes porteuses du VHC à dépister et à traiter. «La majorité des malades déjà suivis par les hépato-gastroentérologues, les infectiologues et les internistes sont déjà traités et guéris»7Ganne-Carrié, N., Bourlière, M. L’élimination des hépatites chroniques virales est-elle un objectif raisonnable à l’horizon 2030 ? BEH 31-32 (novembre 2020). Alors comment identifier ces patients, qui constituent ce que l’on appelle un «réservoir»?. Une des pistes serait de réaliser un dépistage systématique de la population générale. Cette piste a été étudiée par la Haute Autorité de Santé en 2019. Après évaluation, celle-ci a statué qu’une telle démarche n’était pas efficiente. Elle préconise plutôt une intensification du dépistage de la population ciblée, c’est-à-dire potentiellement à risque de contamination8HAS. Evaluation des stratégies de dépistage des personnes infectées par le virus de l’hépatite C (septembre 2019)..

Les «réservoirs» de la maladie

Le virus de l’hépatite C se transmet essentiellement par le sang, et aujourd’hui, le principal facteur de risque est l’usage de drogue par voie intraveineuse au moins une fois dans sa vie9Santé Publique France. PrévalencePrévalence Nombre de personnes atteintes par une infection ou autre maladie donnée dans une population déterminée. de l’hépatite C (juin 2019).
https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/hepatites-virales/hepatite-c/articles/prevalence-de-l-hepatite-c
. D’où l’importance d’un dépistage systématique dans certaines structures cibles comme les structures d’addictologie qui accueillent les usagers de drogues10ANPAA. Dépistage et traitement de l’hépatite C chez les usagers des CSAPA et CAARUD (novembre 2019). https://addictions-france.org/datafolder/uploads/2021/02/Fiche-Reperes-Depistage-et-traitement-VHC.pdf. D’autres populations représentent également des «réservoirs», au sein desquels la transmission du VHC continue d’évoluer à bas bruit, c’est le cas des patients présents dans les unités psychiatriques. «Les hôpitaux psychiatriques pourraient constituer l’un de ces réservoirs, et qu’il convient de ne surtout pas oublier. Le VHC chronique affecterait 5% des patients en hôpital psychiatrique, soit 5 à 10 fois la prévalence en population générale, notamment car les UDI (Usagers de Drogues par Injection) et anciens UDI sont fréquemment atteints de troubles psychiatriques», écrit le Pr Benjamin Rolland, psychiatre et addictologue au centre hospitalier de Lyon11Rolland, B., et al. Hépatite C en milieu psychiatrique : un réservoir oublié ? L’encéphale. Vol 47, p 181-184 (avril 2021).

Les détenus des prisons seraient également des populations très exposées au VHC. En France, l’hépatite C est 5 fois plus fréquente en milieu carcéral qu’en population générale12Remy, AJ. L’hépatite C en milieu carcéral en France. BEH 14-15 (juin 2017). Un rapport du CNSCNS Le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) est une commission consultative indépendante composée de 26 membres, qui émet des Avis et des recommandations sur les questions posées à la société par ces épidémies. Il est consulté sur les programmes et plans de santé établis par les pouvoirs publics. Ses travaux sont adressés aux pouvoirs publics et à l’ensemble des acteurs concernés. Le Conseil participe à la réflexion sur les politiques publiques et œuvre au respect des principes éthiques fondamentaux et des droits des personnes. (Conseil National du SidaSida Syndrome d’immunodéficience acquise. En anglais, AIDS, acquired immuno-deficiency syndrome. et des hépatites virales) souligne d’importantes faiblesses dans la réponse apportée à la lutte contre le VHC en milieu pénitentiaire. «Parmi les personnes estimées porteuses d’une infection chronique par le VHC à leur entrée en détention, actuellement moins d’une sur deux initie un traitement par AAD (Antiviraux à Action Directe) au cours de son incarcération.»13Avis et rapport du CNS. Prévention, dépistage et traitement de l’hépatite C en prison (juillet 2020)

Le repérage et la prise en charge du VHC en milieu psychiatrique, carcéral et auprès des usagers de drogue apparaît donc indispensable pour atteindre l’objectif d’élimination fixé par les pouvoirs publics en 202514Rolland, B., et al. Hépatite C en milieu psychiatrique : un réservoir oublié ? L’encéphale. Vol 47, p 181-184 (avril 2021) 15Avis et rapport du CNS. Prévention, dépistage et traitement de l’hépatite C en prison (juillet 2020).

FR-VHCV-210184-07/2022