Accompagnement des consommations à l’intérieur des Caarud: évolution des pratiques professionnelles

À la suite de l’essor de la réduction des risques, l’accompagnement individuel des consommations paraît particulièrement utile pour aider les usagers à réduire leurs risques réels. Elle pose néanmoins des ques- tions cliniques et légales, du point de vue de l’encadrement règlementaire, et aussi du côté de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Quelques éléments de contexte

La loi dite de modernisation de notre système de santé adoptée en 20161Loi no 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Articles 7 et 8. élargit la définition et les missions des intervenants en RdR à une possible «supervision des comportements d’usage à moindre risque». Elle met en place une protection légale pour les accompagnants qui, au titre de l’article 122-4 du code pénal2Ibidem, ne peuvent être poursuivis pour des raisons qui engagent «l’accomplissement d’un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou règlementaires». Cependant, la question du statut juridique des produits n’étant pas réglée, l’introduction de substances classées stupéfiantes engage toujours la responsabilité de l’usager et de la structure –l’excuse légale ne s’étendant aux usagers que dans le cas des salles de consommation à moindre risque.

Autre questionnement : la supervision des com- portements d’usage ne figure pas dans le référentiel des actions de réduction des risques paru en 20053Référentiel national approuvé par le Décret no 2005-347 du 14 avril 2005. Les expériences menées pour ces accompagnements ont été balisées dans le cadre de la recherche –comme ce fut le cas pour la recherche ANRS-AERLI (Accompagnement et éducation aux risques liés à l’injection4Recherche lancée en 2009 par l’ANRS, l’association Aides en lien avec Médecins du monde, dont les résultats sont parus en 2015. Pour plus d’information rendez-vous sur https://www.anrs.fr/fr/vih-sida/avancees-de-la-recherche ou www.aides.org). Mais elles ont aussi impliqué un engagement militant qui pouvait présenter des risques pour l’institution et pour les personnels ou bénévoles. Cette absence d’encadrement règlementaire a placé de nombreuses équipes dans le paradoxe de respecter tout à la fois le mandat de réduction des risques et d’accueil inconditionnel, et le règlement de fonctionnement et le cadre légal qui interdit ces consommations.

Travaux de la Fédération

Cette évolution des pratiques s’inscrit pourtant dans la continuité d’une réflexion, d’outils et d’actions portés col- lectivement par la Fédération Addiction via le collectif du 19 mai 2009, la série de séminaires dédiés lors des négo- ciations de la loi de santé de 2016 ou encore la Journée des adhérents de la Fédération Addiction de mars 2018 et la parution de documents pratiques et de travaux parte- nariaux dans le cadre de la loi de Santé5Brochure Accompagner les consommations à moindre risque, pistes pour penser l’évolution des pratiques professionnelles, 2016.. Nous avons souhaité identifier les possibilités d’avancer, avec l’appui d’un groupe de professionnels engagés et les analyses du Professeur Yann Bisiou. Nous avons notamment exploré les obligations de l’employeur et les actions qu’il pouvait entreprendre pour garantir la sécurité des intervenants et celle des usagers, tout en mettant en place des actions de réduction des risques avancées. Sur le volet mise en pratique de ces supervisions, la Fédération est engagée dans un partenariat avec l’association Aides pour organiser les formations à l’AERLI sur site et au niveau national.

Clarifier les missions de la réduction des risques

La traduction opérationnelle des avancées de la loi de 2016 quant aux modalités d’accompagnement et de supervision des consommations est précisée uniquement pour les SCMR. Les équipes sont donc tenues dans des situations paradoxales: d’un côté, accueillir les personnes usagères actives de produits (c’est la raison d’être du dispositif, sa mission première), et de l’autre les en exclure lorsqu’elles font usage de produits. 63% des Caarud en France ont connaissance de pratiques d’usage au sein de leur structure. De la canette d’alcool bue rapidement avant d’entrer, à l’injection de produits dans les sanitaires, les produits et la consommation sont présents dans la vie des structures. Alors que l’accompagnement des consommations constitue une suite logique et efficace de la réduction des risques, les structures ne bénéficient pas d’une marge de manœuvre clairement définie, entraînant des problématiques de sécurité pour les usagers mais aussi de prévention des risques psychosociaux dans le cadre de l’obligation de sécurité de l’employeur. Après l’accès au matériel de consommation à moindre risque, l’arrivée de la substitution et l’élargissement de la RdR aux Csapa, l’accompagnement des consommations apparaît comme une suite logique et cohérente des missions d’un dispositif dédié aux personnes qui consomment des produits psychoactifs. Il est aussi un enjeu clinique, juridique et institutionnel pour les équipes et les personnes accueillies. Il y a donc un besoin de trouver une voie du milieu, que la Fédération Addiction explore avec l’appui d’un juriste spécialisé.