Lutter contre le VIH sous Trump : «Nous sommes très inquiets»

William McColl est le directeur des politiques de santé à AIDS United, l’une des plus grandes association de lutte contre le VIH/sida états-unienne, basée à Washington. Il a accepté de répondre à nos questions inquiètes sur l’avenir de la réponse à l’épidémie sous la présidence Trump avec une majorité Républicaine au Congrès.

Déploiement du patchwork des noms au National Building Museum, Ted Eytan, 2012

Quelle votre principale sujet de préoccupation suite à l’élection de Donald Trump?

Nous sommes très inquiets, l’élection de Donald Trump risque de créer un environnement hostile pour beaucoup de personnes aux Etats-Unis, dont les musulmans, les Noirs américains, les Latino américains, les migrants, avec ou sans papiers, les LGBTQI et particulièrement les personnes trans et celles et ceux avec des revenus modestes, qui sont particulièrement exposées face au VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. et aux autres maladies. Ce qui risque de saboter les efforts de notre communauté pour mettre fin à l’épidémie de VIH/sida. Toute notre inquiétude vient de la montée du sectarisme au coeur de la politique.

La couverture médicale des personnes vivant avec le VIH est-elle menacée?

Il y aura probablement d’importants changement dans la prise en charge des personnes et l’accès aux soins pour les personnes vivant avec le VIH. En particulier, il est très probable que la majorité républicaine du Congrès va travailler à supprimer l’Affordable Care Act —souvent appelé «Obamacare»— qui est l’une des principales assurances maladie pour les personnes vivant avec le VIH. Les Républicains ont déjà annoncé qu’ils souhaitaient remplacer le programme, on ne sait pas encore suivant quel calendrier, ni si ça se traduirait par une perte d’assurance santé ou de Medicaid pour certains.

C’est très inquiétant que les Républicains cherchent à démanteler le Medicaid et/ou le Medicare, et même toute la sécurité sociale, hors ces programmes sont nécessaires à beaucoup, y compris aux personnes vivant avec le VIH. Ces dernières devraient pouvoir avoir accès aux remboursements des soins via le programme Ryan White, même si nous craignons que des baisses de financement à tous les niveaux affectent ces programmes. Etant donnée la menace sérieuse que représente l’épidémie de VIH pour la santé publique, il nous faudra faire preuve de pédagogie avec le Gouvernement et le Congrès pour s’assurer que les personnes vivant avec le VIH voit leur accès aux soins et aux traitements garantis. AIDS United continuera à se battre pour mettre fin à l’épidémie de VIH aux Etats-Unis et partout dans le monde.

Est-ce que vous pensez que le futur du programme présidentiel PEPFAR est compromis?

Je pense que n’importe quel programme qui n’est pas rattaché au secteur militaro-industriel est susceptible de faire face à des baisses de financement. D’un autre côté, le PEPFAR est considéré depuis longtemps comme un élément très positif de leg du George W. Bush, président républicain. Le programme a ainsi su s’assurer un large soutien bipartisan et regroupe de nombreuses personnes autour de sujets globaux, y compris des professionnels très conservateurs. Je pense donc que le Gouvernement et le Congrès devraient continuer à soutenir le PEPFAR.

La recherche publique autour du VIH/sida est-elle menacée?

Je suis très inquiet en ce qui concerne les recherches autour du VIH, et particulièrement au National Institutes of Health (NIH). Aujourd’hui, c’est 10% de la recherche qui sont consacrés au VIH. Nous faisons déjà face à des pressions pour rediriger ces fonds vers d’autres maladies et je m’attends à ce que certains Sénateurs, en particulier, essaye de pousser à une réaffectations de ces financements.

Si le mariage entre personnes de même sexe semble difficilement attaquable, quelles sont les menaces auxquelles vont faire face les personnes LGBTQI?

Je crois que l’égalité face au mariage restera la loi, en particulier aussi longtemps que la constitution de la Cour suprême restera inchangée, avec le juge Anthony Kennedy et quatre autres voix penchant à gauche. La plupart des menaces en direction de la communauté LGBTQI se fera dans des zones contestées, comme le droit du travail ou le droit de discriminer contre les minorités pour des raisons religieuses, via des lois au niveau des Etats connues sous le nom de Religious Freedom Restoration Acts (lois de «Restauration des libertés religieuses»).

Nous sommes également soucieux des discriminations particulières que les personnes trans ont à affronter, à travers de nouvelles lois comme celle, en Caroline du Nord, exigeant qu’ils et elles utilisent les toilettes correspondant à leur genre de naissance.

Bien que le Président Trump ne soit pas connu pour être personnellement anti-gay, il a spécifiquement déclaré être contre l’ouverture du mariage aux couples de même sexes. Le Vice-président Mike Pence est bien-sûr connu pour être violemment anti-LGBTQI et je pense qu’on peut s’attendre à ce que la droite religieuse conservatrice gagne de l’influence au Congrès. Je pense que certains membres républicains du Congrès pourraient être tentés de faire financer ou de soutenir les “thérapies” de “conversion gay”, mais cette discussion ne semble plus vraiment d’actualité. Je ne vois pas le Vice-président insister dans cette direction, particulièrement en détournant des financements du programme Ryan White.

Quelle est votre stratégie pour répondre à ces menaces dans les mois qui viennent?

Nous sommes en train d’essayer de cerner l’amplitude des changements probables, de trouver des alliés et d’atteindre des Républicains qui, nous pensons, ont un intérêt à travailler avec nous. Nous sommes aussi en train d’identifier les sujets qui vont demander notre attention immédiate. Nous nous dresserons contre tout sectarisme et toute stigmatisation et nous serons aux côtés des personnes qui seraient menacées par les actions politiques éventuelles de ce gouvernement. 

Propos recueillis par Charles Roncier. Crédit Photo.