ANRS — Comprendre l’immunité innée maternelle pour réduire la transmission du VIH-1 au niveau des muqueuses

Comprendre les mécanismes de l’immunité innée permettant de réduire la transmission du VIH-1 au niveau des muqueuses tel est l’objectif des études menées par l’équipe du Dr Elisabeth Menu de l’Unité de Régulation des Infections Rétrovirales, laboratoire dirigé par le Pr Françoise Barré-Sinoussi, à l’Institut Pasteur. Ces études soutenues par l’ANRS (France REcherche Nord&Sud Sida-hiv Hépatites) montrent, pour la première fois, que des récepteurs de l’immunité innée impliqués dans la reconnaissance du VIH-1, ainsi qu’une protéine du système immunitaire, l’Interféron gamma (IFN) et le facteur cellulaire de restriction, SAMHD1, jouent un rôle dans le contrôle de l’infection par le VIH-1 au niveau de la muqueuse utérine chez la femme enceinte. Ces résultats font l’objet de deux présentations à l’occasion de la Conférence HIV Research for Prevention (HIVR4P) qui se déroule du 28 au 31 octobre 2014 au Cap en Afrique du Sud..

Les muqueuses représentent les voies d’accès privilégiées du VIH-1 lors des transmissions sexuelles et de la mère à l’enfant. Malgré tout, on estime à 5 à 10% la transmission du virus de la mère à l’enfant pendant la grossesse et ce en l’absence de tout traitement. La réponse immunitaire innée jouerait ainsi un rôle important dans le contrôle de la transmission de l’infection materno-fœtale. La décidua, muqueuse utérine présente durant la grossesse et en contact direct avec le placenta, représente donc un modèle d’étude idéal pour identifier les mécanismes permettant cette protection naturelle.

Des études, menées par l’équipe du Dr Elisabeth Menu de l’Unité de Régulation des Infections Rétrovirales, laboratoire sous la direction du Pr Françoise Barré-Sinoussi à l’Institut Pasteur, s’intéressent aux déciduas de femmes séronégatives pour le VIH-1 ayant subi une interruption de grossesse (8 à 12 semaines d’aménorrhée). Dans ces études soutenues par l’ANRS (France REcherche Nord&Sud Sida-hiv Hépatites), les macrophages, qui sont les cibles principales du VIH-1 dans ces muqueuses, ont été purifiés puis infectés par le VIH-1. 

Les chercheurs ont constaté pour la première fois que des récepteurs connus pour leur rôle dans la réponse immunitaire, les récepteurs Toll-like 7/8 (TLR7/8), exercent une action durable pour contrôler l’infection à VIH-1 et ce à différentes étapes de l’infection. Les chercheurs ont montré précédemment que les TLR7/8 sont exprimés par les macrophages et les cellules tueuses naturelles (dNK) de la décidua. Ils révèlent ici que la stimulation des TLR7/8 des macrophages de la décidua induit la sécrétion de chimiokines et diminue l’expression des récepteurs et corécepteurs au VIH-1 à la surface des macrophages. Cela a pour conséquence de bloquer l’entrée du virus. La stimulation des TLR7/8 inhibe également l’intégration du virus au sein de ces macrophages. A ces macrophages ont ensuite été ajoutées les cellules dNK. Les chercheurs ont alors observé que la stimulation des TLR7/8 des macrophages active indirectement la cytotoxicité des cellules dNK les rendant potentiellement capables de tuer des cellules infectées. 

Les recherches antérieures de l’équipe ont montré que les cellules dNK inhibent efficacement l’infection des macrophages de la décidua. Pour la première fois, les chercheurs montrent, que ce contrôle de l’infection implique une protéine du système immunitaire, l’interféron gamma (IFNg). Les chercheurs ont également constaté que l’ajout de la protéine Vpx, qui dégrade le facteur de restriction SAMHD1 exprimé dans les macrophages, augmente l’infection par le VIH-1. Ce résultat laisse supposer que le facteur de restriction SAMHD1, dont le rôle dans le contrôle de la multiplication du VIH-1 a déjà été identifié sur d’autres modèles1Communiqué de presse de l’ANRS et du CNRSCNRS Centre national de la recherche scientifique. daté du 25 mai 2011 : Identification d’un nouveau facteur cellulaire limitant la multiplication du VIH-1 participe aussi au contrôle de l’infection à VIH-1 dans la muqueuse utérine.

Après avoir démontré, pour la première fois, l’implication de ces différents facteurs dans le contrôle de l’infection à VIH-1 au sein de la muqueuse utérine chez les femmes enceintes, les chercheurs tentent de déterminer si des mécanismes identiques existent ou peuvent être induits au niveau de la muqueuse utérine chez des femmes non enceintes. C’est l’objet d’une étude menée en parallèle et soutenue par l’ANRS. A terme, ces recherches pourront peut-être permettre d’élaborer des stratégies de prévention de l’infection à VIH-1 au niveau des muqueuses du tractus génital chez les femmes.

Sources

Stimulation of Toll Like Receptor 7 and 8 (TLR7/8) inhibits HIV-1 replication in the pregnant uterine mucosa. HIV Research For Prevention (HIVR4P), Le Cap, Afrique du Sud, 28-31 octobre 2014, abstract n° P12.10.
H. El Costa1, H. Quillay1,2, C. Cannou1, M. Duriez1, C. De Truchis3, A. Le Breton3, M. Rahmati4, Julien Ighil4, F. Barré-Sinoussi1, MT. Nugeyre1, E. Menu1
1Institut Pasteur, Paris ; 2Univ. Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Cellule Pasteur, Paris ; 3A. Béclère Hospital, AP-HPAP-HP Assistance publique-Hôpitaux de Paris. Clamart ; 4Pitié Salpêtrière Hospital AP-HP, Paris.

Control of HIV-1 infection in the female reproductive tract by mucosal innate immunity determinants. HIV Research For Prevention (HIVR4P), Le Cap, Afrique du Sud, 28-31 octobre 2014, abstract n° P40.20.
H. Quillay1,2, H. El Costa2, C. Cannou2, M. Duriez2, R. Marlin3,  C. De Truchis4, A. Le Breton4, M. Rahmati5, Julien Ighil5, O. Schwartz2, F. Barré-Sinoussi2, MT. Nugeyre2, E. Menu2.
1Univ. Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, Cellule Pasteur, Paris ; 2Institut Pasteur, Paris ; 3Université Bordeaux ; 4A. Béclère Hospital, AP-HP, Clamart ; 5Pitié Salpêtrière AP-HP, Paris