CROI 2014 — J 2 : Traitement du VIH, “non infériorité” n’est pas joué !

Le Pr Gilles Pialoux est à la CROI 2014, qui se tient cette année à Boston, du 3 au 6 mars, et coordonne le E-journal en direct de la CROI 2014 pour La Lettre de l’infectiologue

> Consulter Le E-journal en direct de la CROI 2014.

Il avait l’air bien content notre représentant français de la lutte contre le VIHVIH Virus de l’immunodéficience humaine. En anglais : HIV (Human Immunodeficiency Virus). Isolé en 1983 à l’institut pasteur de paris; découverte récemment (2008) récompensée par le prix Nobel de médecine décerné à Luc montagnier et à Françoise Barré-Sinoussi. François Raffi (Nantes) en ouverture de la séance plénière de cette troisième journée de la CROICROI «Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections», la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes annuelle où sont présentés les dernières et plus importantes décision scientifiques dans le champs de la recherche sur le VIH. 2014, dans l’immense Ballroom B/C du Hynes Convention Center de Boston (99 % de risques de précipitations ce jour, mais sans aucun rapport).

D’autant que les français en plénière, hors hépatites et DAA, se comptaient sur les doigts d’une main. Et encore celle de Maurice Herzog. D’autant plus content que l’étude NEAT 001/ANRS 143, dont il présentait les résultats dès le titre de l’abstract, représentait l’Europe. En un éphémère consortium aux lendemains improbables : NEAT pour European AIDS Treatment Network. À noter le chairman, Edmund T. parfaitement raccord avec notre éditorial introductif sur l’aging des sidénologues, ânonnant avec difficultés les quatre lettres du sigle ANRS, comme s’il s’agissait d’un nom de fromage bourguignon ou d’une clé wep.

« Non-inférieure »

Sur 805 patients naïfs randomisés en deux groupes, l’association Raltegravir + Darunavir/ritonavir est « non-inférieure » à l’association Truvada® + Darunavir/ritonavir. À S96 le point d’objectif primaire (le temps d’échappement virologique) est atteint dans 17,4 % versus 13, 7 % des cas (3-7 % ; 1,1-8,6 en IC95), et 93 % versus 89 % des patients inclus ont une charge viraleCharge virale La charge virale plasmatique est le nombre de particules virales contenues dans un échantillon de sang ou autre contenant (salive, LCR, sperme..). Pour le VIH, la charge virale est utilisée comme marqueur afin de suivre la progression de la maladie et mesurer l’efficacité des traitements. Le niveau de charge virale, mais plus encore le taux de CD4, participent à la décision de traitement par les antirétroviraux. < 50 copies/ml à S96, sans différence observée pour les plus de 100 000 copies/ml mais avec une efficacité moindre pour un taux de CD4 < 200/mm3. NEAT 1 était suivi de l’ACTG 5257 qui comparait, associé au Truvada®, Atazanavir, Raltegravir et darunavir/ritonavir (1 809 patients en 3 bras de randomisations). Là aussi le end point était l’échappement virologique et la tolérance mesurées à S96 : équivalence virologique mais si l’on « pool » tolérance et efficacité virologique : avantage à l’inhibiteur d’intégrase. Principale conclusion : on est de plus en plus dans le « non-inférieur » en termes d’efficacité virologique autour de 90 %. Mais au-delà de la question de la tolérance, ces essais ne permettent pas d’asseoir la supériorité de la prise unique (QD).

Parmi les news de la session, le BMS-663068 pro-drogue du BMS 62529 et premier inhibiteur d’attachement de la gp-120 sur les récepteurs cellulaires (étude AI438011). Mais 0,7 à 1,47 log de décroissance virale « seulement » en monothérapie…

Transmission

L’autre sujet du jour était la transmission à commencer par la transmission 14 à 16 % de Transmitted Drug Resistance aux Etats Unis, 8 sites sur 1 070 plasmas de patients naifs entre 2009 et 2011, 340 % d’augmentation de la K 65 R et 500 % de la M184V. Plus de résistances chez les blancs que chez les noirs, chez les jeunes que chez les vieux, sans différence selon le mode de transmission et le sexe sauf chez les usagers de drogues HSHHSH Homme ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. 

Enfin cette CROI 2014 est celle des Cascades, à ne plus savoir où donner de la tête. A commencer par celle sur l’hépatite C aux Etats-Unis (#669) : sur 3 500 000 porteurs du VHC, 50 % sont dépistés et suivis, 46 % rentrent dans le système de soins, 17 % sont effectivement traités et 10 % obtiennent une réponse virologique soutenue (SVR). Mais çà c’était avant les DAA (?)… Même exemple de désespérance nord-américaine en cascade avec la cohorte de co-infectés VIH/VHC de Chicago, CORE (# 671, 1170 patients) et ses 4,2 % de SVR. En précisant que 60% d’entre eux n’étaient pas assurés et < 2 % possédaient une assurance privée. Problèmes que n’ont pas les études de cohortes présentées par la Zambie, l’Afrique du Sud, l’Inde, la Géorgie… Reste que toutes ces cascades, en cette CROI parfois francophobe, cela rappelle par bien des aspects le Château de Versailles…